Le salon Beerdays s'installe au parc des expositions de Rouen du 7 au 9 novembre avec pas moins de 40 brasseurs artisanaux, dont 20 sont normands. L'occasion de mettre un coup de projecteur sur ce marché qui a explosé en quelques années. La Normandie n'a pas échappé au phénomène, même si la région n'est pas encore la plus dotée en la matière. Lancée en 2018, la brasserie Ragnar, dont la production est située à Oissel, fait partie des exposants du salon. Son directeur, Pierre-Marie Soulat, a vu cette explosion avant même de lancer son entreprise au début des années 2010 en France, même si aujourd'hui ce secteur commence à perdre ses plumes. "Environ une brasserie artisanale sur deux ferme aujourd'hui, on était 2 500 l'an dernier, on est plutôt 2 200 aujourd'hui et ça continue de baisser", analyse l'entrepreneur qui voit le marché se transformer d'année en année. "Il y a des brasseries artisanales comme Gallia qui ont été rachetées par des groupes, il y a aussi des industriels qui perdent des parts de marché et ferment leur production du fait de la somme des artisanaux." Malgré ce contexte, le Normand revendique avoir eu +340% de croissance en 5 ans avec son entreprise. "On est une des brasseries du pays qui a grandi le plus vite, mais on reste petit." Le secteur qui a émergé dans un contexte de crises successives (Covid, guerre en Ukraine, inflation et aujourd'hui instabilité politique) est confronté aujourd'hui à une baisse de la consommation et une hausse des coûts de production.
Une diversité de produits et d'activités
Lancée en 2019 et installée depuis 2022 à Saint-Etienne-du-Rouvray, la 1989 Brewing a dû grandir dans cette conjoncture délicate, mais est plutôt positive sur son bilan. "Il y a eu un resserrement du marché qui n'est pas forcément négatif", confirme Cédric Geffroy, le cofondateur. "Avant, être une brasserie artisanale suffisait à convaincre, maintenant nous sommes passés à une standardisation de qualité et de quantité de production." Comme beaucoup de ses homologues locaux, la brasserie 1989 écoule le gros de sa production dans les bars en vendant au fût (70% de ses ventes) mais aussi dans des épiceries fines, caves et restaurants et également en vente directe. Elle a fait le pari de diversifier son activité avec l'ouverture d'un bar sur son lieu de production et d'une guinguette à Pont-de-l'Arche. "C'est un mix économique qu'on a choisi, c'est une source de revenus complémentaire." Bien installée dans le paysage, la brasserie Bakbuk, présente au salon Beerdays comme ses consœurs Ragnar et 1989, assume être "une petite structure", tenue essentiellement par Clément Yvelin, son fondateur, à Sotteville-lès-Rouen. "On a créé la Bakbuk (en 2019) parce que justement on trouvait qu'il en manquait de ces bières artisanales sur le territoire", se souvient le gérant qui s'est formé en amont à La Rochelle avant de s'exercer au brassage en Bretagne. "Je voulais continuer à me perfectionner, mais comme je ne trouvais pas de brasserie, je me suis lancé à mon compte." Il peine aujourd'hui à faire face "aux crises qui ne nous permettent pas d'embaucher davantage" et constate lui aussi "un ralentissement de la consommation". Il s'appuie sur une gamme de sept bières bio permanente, associée à une gamme de bières éphémères. Une diversité de produits que l'on retrouve dans de nombreuses brasseries artisanales qui prônent cette liberté et ce confort de travail par rapport au processus industriel.
Bakbuk, brasserie située à Sotteville-lès-Rouen lancée par Clément Yvelin, propose une gamme de sept bières bio.
"On se permet tout, on essaye tout… On laisse carte blanche à notre équipe de production", explique Jean-Marie Ravel d'Estienne à la tête de Cocorico and Co qui a racheté cet été la brasserie bio des Deux Amants à Val-de-Reuil qui a gardé toute l'équipe de production. Stout, IPA, Neipa, Sour, French Pale Ale, bière de saison ou simplement bière de soif, les gammes des microbrasseries sont parfois sans fin. "A la brasserie des Deux Amants on a par exemple une bière qu'on brasse avec du concombre, on en a une autre passion-coco, pour Noël on a notre doublette 'Hansel et Gretel' donc une double blanche miel, citron, gingembre et l'autre ambrée, fève, tonca et vanille." La brasserie a misé également sur le local. 95% de ses clients se trouvent à moins de 150km du site de production.
Rachetée par Cocorico & Co, la brasserie bio des Deux Amants poursuit son développement à Val-de-Reuil.
• A lire aussi. [Photos] Seine-Maritime. Plus écolos, les moines passent aux bouteilles réutilisables pour leur bière
"C'est une chance d'avoir toutes ces microbrasseries, cette diversité apporte beaucoup pour le paysage brassicole, poursuit Jean-Marie Ravel, c'est une chance aussi pour les cafés, hôtels, restaurants et pour les caves à bières qui ont fleuri un peu partout en France." A l'exception des brasseries artisanales à taille nationale telles que la brasserie De Sutter à Gisors dans l'Eure, une des plus grosses brasseries de la région, les professionnels du secteur ont en commun de ne pas être présents dans la grande distribution malgré les appels du pied de cette dernière. "On a été approchés par de la GMS (Grandes et moyennes surfaces) mais ce n'est pas là où on souhaite placer nos produits et nous n'avons pas les volumes de production qui permettraient de le faire", constate de son côté Ludovic Barbier, fondateur de la brasserie du Zink à Pavilly qui produit La Barbouze. Le Normand qui est présent au salon Beerdays a monté son entreprise en 2013 et a vu le phénomène monter. "J'ai vu arriver cette vague des microbrasseries… Au départ il y avait la crainte de la concurrence mais finalement la concurrence c'est bon signe, et en 2025 on est toujours là."
Installée à Pavilly depuis 2013, la brasserie du Zink fait partie des microbrasseries pionnières dans la région.
Vers une bière 100% locale grâce aux houblonniers normands
Bien que fabriquées en Normandie, les bières artisanales "locales" font appel à des variétés de houblon importées parfois de très loin. Une filière de houblon local a été lancée dans la région. Exemple avec la société Houblonn'eure installée à Val-De-Reuil près de Rouen.
"On s'est rendu compte que les bières bio sont beaucoup faites avec du houblon importé des Etats-Unis ou d'Australie", explique Pierre Lefevre, gérant avec son frère Vincent de la société Houblonn'eure installée à Val-de-Reuil. Le houblon, qui servait historiquement de conservateur, a des fonctions aromatiques ou amérisantes. "On savait que le houblon sauvage existait déjà en Normandie donc on s'est dit pourquoi pas le cultiver", poursuit l'agriculteur qui mise aussi sur le réchauffement climatique pour améliorer encore les rendements, le houblon étant gourmand en chaleur. "On va se retrouver avec un climat plutôt continental d'ici quelques années." Le Normand a récolté l'an dernier le fruit des premiers pieds plantés en 2022. "Sur la première récolte on a fait près de 900kg de fleurs séchées et cette année on a doublé", poursuit Pierre Lefebvre qui mise sur une tonne par hectare en rythme de croisière à partir de la prochaine récolte. Il fait partie de l'association Houblon de Normandie qui compte aujourd'hui six sites de production.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.