Quelle est la réalité de la discrimination à l'embauche à Rouen et sa Métropole ? L'université Gustave Eiffel dans le Val-de-Marne a mené l'enquête auprès d'un échantillon d'employeurs du territoire et présenté au public ses conclusions, mardi 1er juillet, dans la salle du conseil municipal de Rouen. Le programme intitulé Melodi (Mesures de lutte contre les discriminations) se base sur la méthode dite du "testing" qui consiste à soumettre deux profils comparables pour une même demande, en l'occurrence une demande d'entretien d'embauche à partir de candidatures fictives. 6 000 candidatures spontanées ont été ainsi envoyées à 3 000 employeurs de la région tous secteurs confondus (publics comme privés) et de tailles variables.
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40% de pénalités pour les personnes aux noms maghrébins
L'étude se base sur trois critères : le lieu de résidence (si le candidat habite ou non dans un quartier prioritaire), le genre (féminin ou masculin) et le prénom et nom de famille (supposément d'origine française ou à consonance maghrébine). Les Français originaires d'Afrique du Nord étant les plus représentés parmi les minorités en France, c'est pour cette raison que ce critère spécifique a été retenu. 8 profils de candidats (4 hommes et 4 femmes) basés sur ces 3 critères ont été imaginés pour tester l'expérience.
Yannick L'Horty, Directeur de TEPP-CNRS et professeur d'économie à l'université Gustave Eiffel
A l'image de ce qui peut déjà être observé à l'échelle nationale, les discriminations à l'embauche sont tout aussi puissantes au niveau local. Si "on ne trouve pas de différences de traitement en raison du genre (elles le sont davantage après l'embauche), ni d'effet robuste d'une adresse en quartier prioritaire, on trouve un effet massif et plutôt généralisé concernant l'origine maghrébine", explique Yannick L'Horty, chercheur au CNRS et professeur d'économie à l'université Gustave Eiffel en charge de l'étude. L'ordre de grandeur est de 40% de pénalités associées à l'origine maghrébine par rapport aux autres candidats à l'embauche dont le nom suggère une origine française. Concrètement, à Rouen et sa périphérie, "une personne dont le nom et prénom suggèrent une origine ou une ascendance d'Afrique du Nord va devoir doubler son effort pour obtenir les mêmes résultats", précise le professeur d'économie.
Un lien établi avec le chômage de masse
9 Métropoles ont été ainsi sondées parmi lesquelles Rouen et Le Havre. Les résultats sont sensiblement les mêmes sur toutes ces agglomérations. Les chercheurs espèrent monter jusqu'à 15 territoires cette année afin de constituer une base de données unique. L'objectif : "Connaître la géographie des discriminations et ses déterminants." Selon le spécialiste, ces résultats montrent que "les discriminations constituent l'un des facteurs de la persistance du chômage" en France. "Quand on a à l'esprit le poids que représentent ces minorités sur le marché du travail et en particulier du poids qu'ils représentent dans le chômage de longue durée, on peut formuler cette hypothèse raisonnable."
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Yannick L'Horty, directeur de TEPP CNRS et professeur d'économie à l'université Gustave Eiffel
"C'est un constat qu'on voulait faire à l'échelle locale pour le partager avec les acteurs du territoire et en particulier les employeurs pour qu'on puisse avoir conscience de ces discriminations", déclare Laura Slimani, adjointe à la mairie de Rouen en charge notamment des discriminations. La Ville va d'ailleurs lancer en fin d'année une vaste campagne de sensibilisation sur le sujet auprès du grand public.
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