Adil a "peur de sortir". Bilel revit le cauchemar qu'il a vécu en Algérie à la fin des années 90: depuis l'attentat contre Charlie Hebdo, les musulmans de Paris sont en état de sidération.
Vendredi, rue du faubourg Saint-Denis, devant la mosquée Ali, située à quelques arrêts de métro des locaux de l'hebdomadaire Charlie Hebdo où 12 personnes ont été froidement assassinées mercredi par deux hommes criant "Allah Akbar", Bilel Idiri, informaticien spécialiste de data mining, sort de la prière.
L'horreur de l'attentat a ravivé chez lui tous les souvenirs vécus en Algérie durant la décennie de violences attribuées aux islamistes du GIA puis du GSPC. "Tout est revenu d'un coup" raconte Bilel à l'AFP.
"On avait peur tout le temps, lorsqu'on sortait, on ne savait pas si on reviendrait. Je me souviens de détonations devant mon université, ça fait deux jours que je n'arrive plus à travailler. Je ne supporterai jamais que ce qui s'est passé en Algérie se repasse en France" dit-il.
"En Algérie, tout avait commencé de la même façon, des policiers et des journalistes tués, et nous nous demandions tous quoi faire pour arrêter ça", dit le jeune homme, porteur de fines lunettes rectangulaires sur un visage doux, arrivé en France en 2009.
A la sortie de la mosquée, les fidèles apprennent la nouvelle prise d'otages en cours dans une épicerie kascher. "Mais qui sont ces gens, pourquoi s'en prendre aux Juifs maintenant, ils n'ont rien à voir avec tout ça", dit le gardien de la mosquée, porteur d'un gilet fluo.
Plus loin, boulevard de Belleville, Kamel, peintre en bâtiment, qui ne veut pas donner son patronyme, a "mal au coeur". Venu d'Algérie en 1992, il a aussi la pénible impression d'une répétition de l'histoire, avec, en plus, l'amertume de se sentir soupçonné.
"Je le vois dans les yeux des gens, j'ai l'impression d'être accusé" en tant que musulman, dit-il.
Adil, 19 ans, bouille enfantine mais regard profond, confesse qu'il a "peur". "Ce n'est pas ça l'islam, je suis choqué, choqué", répète le jeune cuisinier de Ménilmontant.
"Je vais aller manifester dimanche, mais mes parents ne veulent pas que je sorte le soir", dit-il. En cause: les attaques de mosquées et violences anti-musulmanes qui ont eu lieu en France depuis l'attentat.
- Tension palpable -
La tension est palpable devant la mosquée Omar, située en contrebas de la rue de Belleville, rue Jean-Pierre Timbaud. A l'arrivée d'une journaliste, les regards se détournent, les front se plissent. "Non, on ne veut pas vous parler, les journalistes déforment ce qui est dit", dit un homme.
Le président de l'association Foi et Pratique qui dirige cette mosquée, Chabbar Taieb n'hésite pas, lui, à "condamner complètement et totalement" l'attentat. "Les gens qui ont commis cela ne représentent pas l'islam." "Ce sont des criminels", dit-il à l'AFP après le prêche du vendredi.
Ce qui n'empêche pas les arrière-pensées chez certains. "Dans le fast-food où je travaille près de Saint Michel, j'ai entendu certains de mes collègues, d'origine comorienne, se réjouir à l'annonce de l'attentat, sur le thème +ils l'ont bien cherché, ils avaient insulté le prophète+", confie Claudine, qui ne veut surtout pas donner son nom, rencontrée place de la République le soir de l'attentat.
Amine Guellil, agent immobilier de 47 ans, fait ce qu'il peut pour chasser les fameux "amalgames", dont souffrent nombre de personnes dans la communauté. "Un bon musulman ne tire pas sur quelqu'un, ceux qui ont fait ça ne peuvent pas être musulmans", dit-il.
Au passage, il aborde un point majeur de l'affaire qui sidère nombre d'interlocuteurs: une des victimes était musulmane, le policier Ahmed Merabet, 42 ans, abattu par les terroristes. Dans la twittosphère, le mot-dièse "jesuisAhmed" remporte un succès croissant aux côtés de "jesuisCharlie", et le policier est en passe de devenir un héros, aux côtés des caricaturistes assassinés.
Du coup, Amine, préfère croire à une sorte de "complot" mené par des "professionnels militaires entraînés". "Est-ce que vous avez vu comment il tenait son arme?", c'était l'oeuvre d'un professionnel, Impossible qu'il s'agisse d'un simple musulman" répète-t-il. "Pour venger Mohammed, on ne tue pas Ahmed."
Paris (AFP). Charlie: les musulmans de Paris sidérés, cauchemar revisité pour les Algériens
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Publié le 09/01/2015 à 19h44 - Par Agence France Presse
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