Dans le Calvados, environ 6 000 enfants sont pris en charge par les services du Département. Un chiffre important, supérieur d'environ 20% aux départements similaires. Si des causes historiques, liées aux orphelins de la Bataille de Normandie, ont pu l'expliquer, la particularité persiste dans le temps. Pour essayer de comprendre ces causes, un thésard va se pencher sur le sujet. En attendant, ces jeunes naufragés du destin, dans le besoin d'une protection, peuvent compter sur leurs anges gardiens.
Les cas en hausse
"La prévention est importante", pour éviter d'en arriver là, assure Marie-Christine Quertier, présidente de la commission enfance, insertion et lutte contre les pauvretés du Calvados. Mais si l'enfant est en danger, alors il doit être pris en charge. Soit via un accompagnement à domicile, pour offrir une aide aux parents, soit par un placement, ce qui représente la moitié du chiffre mentionné plus haut. Une décision parfois ordonnée directement par la Justice.
Depuis le Covid, les cas ont explosé en France. "Avec le confinement, on s'y attendait, mais ça continue d'augmenter", regrette Héloïse Paumier, directrice enfance et famille du Calvados. "Ce ne sont pas obligatoirement les violences qui grimpent, mais le nombre de signalements", complète-t-elle. Tirer la sonnette d'alarme fait désormais "moins peur" à un voisin, instituteur ou encore médecin, témoin de violences. Faut-il être optimiste et imaginer une inversion de cette tendance à la hausse ? "Pas du tout !", se lamente la directrice. "Ça touche tous les milieux, on peut avoir autant de maltraitance à Deauville qu'à la Guérinière, sous une forme différente", abonde Marie-Christine Quertier.
Des profils toujours plus abîmés
Retirés de leurs parents pour leur protection, ces enfants peuvent rejoindre une des 750 familles d'accueil que compte le Calvados. A Frénouville, Cécile Lebaron garde avec son mari trois enfants, qui ont rejoint très tôt le foyer. "Avec mes propres enfants, nous sommes une famille élargie", sourit celle qui met tout en œuvre pour offrir un cadre de vie optimal à ces jeunes. D'ailleurs, Brandon, arrivé dans le foyer dès la naissance, a été adopté par le couple une fois sa majorité atteinte.
Autrement, les enfants peuvent rejoindre des MECS, Maisons à caractère social, comme celle de Troarn, gérée par l'Œuvre Notre-Dame. "Ici, on apprend à vivre ensemble. On apprend à faire ses leçons, l'hygiène, se tenir à table… Pour beaucoup, ils arrivent avec une perte de repères", constate Jérôme Le Royer, éducateur depuis 25 ans. Dans un cadre paisible, par groupe de 10, les jeunes vivent ensemble, encadrés par des professionnels… pour qui la tâche est de plus en plus dure. "Nous avons une difficulté à recruter. Avant, les gens se bousculaient", constate Pascal Leclere, directeur général de l'association. Il note une large évolution dans les profils des enfants qui rejoignent les établissements. "Il y a les enfants maltraités et il y a maintenant les enfants maltraitants, à qui on n'a jamais dit non", relate Jérôme Le Royer. Même constat pour Héloïse Paumier, qui évoque "des profils tellement complexes" et des enfants qui ont parfois "un traumatisme", qu'il faut "soigner, sinon il ne deviendra pas un adulte résilient". Placer l'enfant pour le protéger est une chose, "ça, on sait le faire, mais le réparer, c'en est encore une autre".
"On ne discute pas, on prend" : le budget en constante hausse
Le budget de la protection de l'enfance est colossal dans le Calvados.
L'enfance et la famille dans le Calvados représente un budget de 150 millions d'euros en 2025. Il était de 111 millions en 2021. Une hausse coïncidant avec l'augmentation du nombre de prises en charge. S'il s'agit d'une priorité affichée du mandat du président Jean-Léonce Dupont, le budget n'est pas extensible. "On doit faire plus, avec moins", résume Marie-Christine Quertier, sa vice-présidente. Selon elle, réaliser plus d'efforts budgétaires ne sera pas possible, ou se fera au détriment d'autres secteurs.
"Nous sommes le dernier rempart, nous avons l'obligation de prendre en charge l'enfant", assure l'élue, qui constate parfois une défaillance de l'Etat dans certaines de ses compétences, au détriment, donc, des services du Département. Prenant en exemple les 500 mineurs étrangers non accompagnés présents dans le Calvados, Héloïse Paumier, directrice de l'enfance et de la famille, illustre : "On ne discute pas, on prend." Face à ce besoin toujours plus important et complexe, elle se réjouit de compter sur "un bon réseau partenarial".
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