Il y a des portes que l'on aimerait ne jamais pousser. Celles du centre François Baclesse, à Caen, en font partie. Pourtant, ce centre régional de lutte contre le cancer est singulier. Ici, bienveillance, rigueur et humanisme sont les maîtres mots.
"Tout le monde y est gentil"
"Quand je suis arrivée en tant qu'infirmière en 1978, la cadre du service m'a dit : 'Ici, les patients ont un nom, ils ne sont pas un numéro de chambre.' Tout était dit", se remémore Claire Delorme, devenue par la suite chef des soins oncologiques de support. "Nous sommes une grande famille, tout le monde partage des valeurs pour s'occuper du patient, de l'oncologue au cuistot", poursuit la jeune retraitée. Travailler au centre François Baclesse, c'est aussi "une fierté", abonde Christelle Lévy, oncologue médicale, qui a débuté ici en 1983. "Le sentiment d'appartenance est très fort. Le centre est une référence." Cet aspect familial se ressent aussi dans la façon de traiter le patient. L'entraide entre tous est une composante déterminante d'après Frédérique Bisiaux, chef de l'unité d'hospitalisations de soins de support : "On ne décide jamais seul." Cette solidarité permet de tenir le coup dans les moments les plus difficiles, comme la reconnaissance des patients ou familles. "Cette impression de service rendu contrebalance avec la tristesse de la situation", concède la soignante.
Colette Diamy pourrait le certifier, elle qui ne tarit pas d'éloges sur le personnel. Atteinte d'un cancer des ganglions lymphatiques en 1989, à l'âge de 27 ans, elle se souvient encore du docteur Tanguy, "humain, bienveillant, rassurant". Ayant multiplié les allers-retours au centre jusqu'en 2004, elle se rappelle que le personnel la reconnaissait dès son arrivée. "C'est quand même fou !", s'exclame-t-elle. "Tout le monde y est gentil… Peut-être qu'ils ont une formation spéciale !", s'interroge celle dont la sœur, Chantal, a été touchée par la même maladie. En 2015, Colette Diamy souffre d'un cancer du sein. Elle doit retourner à Baclesse : "Il y avait plein de nouveaux, plus jeunes, mais pareils, toujours avec la même empathie et bienveillance."
"Malgré tout, j'y garde de bons souvenirs", assure-t-elle. La grand-mère de son ex-mari, Marie-Louise Peltier, y a été soignée avec une bombe au cobalt, qui était installée dans une glacière souterraine dans le désormais parc Michel d'Ornano, dans les années 70. "Elle nous disait toujours qu'elle était restée 'un an moins un jour' allongée à l'hôpital. Elle tenait à chaque fois à préciser que non, elle n'y avait pas passé un an complet !", sourit encore Colette Diamy.
L'innovation anime également les presque 1 200 salariés du centre. "Le côté pluridisciplinaire y était perceptible très tôt, ces échanges sont stimulants", note Christelle Lévy, qui relate qu'ici, "quand on veut avancer, on peut". "Les traitements évoluent tellement, c'est tout le temps à fond", se souvient Claire Delorme. Et si tout évolue, les patients aussi. "Leur profil a changé et ils ne sont plus dans un état catastrophique comme auparavant", commente Christelle Lévy. "Le rapport n'est plus le même, il faut changer dans la façon de faire et de réfléchir." Exemple criant, selon les trois soignantes : la désinformation des patients. Avant l'avènement du web, ces derniers se fiaient entièrement à l'avis du médecin. "Aujourd'hui, ils savent mieux que vous, car ils ont fait des recherches pendant quatre jours sur Internet avant de venir", regrette l'oncologue. Autant dire que ChatGPT et l'intelligence artificielle n'arrangent pas les choses. "Ce nouveau mode d'information sera un véritable défi à l'avenir", assure Frédérique Bisiaux.
Mais en 100 ans, le centre François Baclesse a connu bien plus d'une révolution. Nul doute qu'ensemble, le personnel saura tirer le meilleur de cette nouveauté, pour toujours mieux prendre en charge le patient, sans jamais perdre ces valeurs essentielles qui rendent l'épreuve moins douloureuse.
Quelles sont les prioritésdu centre Baclesse pour l'avenir ?
Pas question de trop regarder dans le rétroviseur. Le centre François Baclesse et son directeur envisagent avec sérénité et ambition le futur.
"Les 100 prochaines années seront 100 ans d'innovation", affirme le professeur Roman Rouzier, directeur général du centre Baclesse. Avec un défi, continuer "cette médecine pour chacun" qui doit être "de plus en plus efficace et de moins en moins toxique". Selon lui, les traitements prodigués devront être à l'avenir plus personnalisés. Pionnier dans son appréhension de l'intelligence artificielle (IA), le centre a pleinement enclenché le virage. Une demande de financement européen de 20 millions d'euros a été effectuée afin d'utiliser l'IA pour "donner l'information la plus juste possible au patient, avec les éléments du dossier, comme les images de l'IRM" et ainsi contextualiser la maladie. Ce projet se fait en collaboration avec Mistral, start-up spécialisée dans l'IA, et Dassault Systèmes, entreprise reconnue pour ses solutions de simulation et de modélisation. Enfin, un nouveau bâtiment sortira de terre dans les années à venir, pour y accueillir une pharmacie, un espace "après-cancer" pour les patients ou encore divers lieux pour la recherche.
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