A quelques jours des fêtes, les colis commandés sur Internet fourmillent dans les centres de logistique, prêts à être déposés en centre-ville. Des livraisons qui, depuis 2023 à Caen, suivent une nouvelle organisation dans laquelle les poids lourds sont interdits de circuler à partir de 11h. Cela répond à un objectif clair, comme l'explique Dominique Goutte, vice-président au développement économique de Caen la Mer : "Limiter les gros porteurs en centre-ville, nuisibles en bruit, pollution d'air et en encombrements." Un vaste périmètre a été défini, du Vaugueux à la Prairie et des Fossés Saint-Julien aux Rives-de-l'Orne, où seuls les mobilités douces et les véhicules de moins de 3,5 tonnes sont autorisés en journée. Loin de ralentir l'activité, cette nouvelle réglementation a poussé la Ville à imaginer d'autres façons d'acheminer les marchandises sur le "dernier kilomètre", notamment à vélo, ce qu'on appelle la cyclologistique.
Une logistique flexible et humaine
Pour accompagner ces changements, un "hub" a été mis en place cours Montalivet. Les poids lourds y déposent leurs marchandises, ensuite acheminées dans l'hypercentre grâce à des modes de transport plus propres. Parmi eux, l'entreprise Toutenvélo, composée d'une dizaine de coursiers, joue un rôle clé. Ils traversent la ville à vélo électrique, tractant des remorques pouvant transporter jusqu'à 300kg par livraison, et 3 à 6 tonnes par jour. Les marchandises livrées sont variées : colis classiques, documents administratifs, produits frais pour les restaurateurs, mais aussi biodéchets issus des composteurs urbains. "Nous sommes les relais des poids lourds en centre-ville. On transporte les mêmes marchandises qu'eux", explique Antoine Gros, cogérant.
"Ce métier n'a du sens que dans l'hypercentre", témoigne Vincent Fatout, cyclologisticien chez Toutenvélo depuis maintenant sept ans. A 61 ans, il est le doyen du réseau et effectue des courses quotidiennes. Ancien chef de cabine pour une compagnie aérienne, Vincent Fatout ironise : "J'ai une dette carbone à rembourser." En plus de l'aspect écologique du métier, il explique que cette initiative permet "de sortir de la quête de rentabilité des milieux logistiques". Selon lui, le transport à vélo permet aussi davantage de rapports humains et de flexibilité. "Le coursier est responsable de sa propre route, si une course est dans le même secteur qu'un collègue, on la mutualise et on se partage les marchandises. Il y a une vraie fluidité des déplacements." Un constat que partage Yoann Guinais, fondateur d'Elite Courses (lire ci-contre). "Le vélo offre une flexibilité incomparable, notamment dans les zones piétonnes, et représente une économie pour les entreprises clientes, grâce à une logistique plus légère et moins coûteuse qu'une flotte motorisée." La rentabilité reste toutefois fragile puisque les coursiers à vélo dépendent des mêmes conventions que le transport routier classique : "Nous avons des charges identiques aux poids lourds", relève Yoann Guinais. Si la cyclologistique se développe, un acteur historique n'a pas attendu cette transition : le facteur. A Caen, La Poste réalise quotidiennement 36 tournées à vélo en centre-ville. Laurence Prunier, responsable d'exploitation de La Poste Caen-Colombelles, explique que ce moyen de transport "maniable et simple de déplacement est indispensable dans notre organisation en centre-ville". La livraison à vélo dessine le modèle des villes de demain. "La prochaine étape est de ne pas se retreindre au centre-ville de Caen", conclut Dominique Goutte, "mais de l'étendre aux autres villes de l'agglomération".
Analyses de sang et prélèvements : ils livrent plus vite à vélo
Plus rapide, plus fluide et plus fiable : ces laboratoires ont opté pour une livraison des prélèvements à vélo grâce à la société Elite Courses.
A Caen, la livraison de sang et de prélèvements médicaux se fait aussi... à vélo. Yoann Guinais et son associé Frédéric Nivaux ont créé Elite Courses il y a 20 ans et se sont depuis spécialisés dans le transport de produits médicaux pour les laboratoires, les pharmacies, mais aussi les cliniques et les maisons de retraite. "Le vélo a toute sa place pour ce genre de livraison : pas de contraintes d'embouteillages ou de stationnement. Le parcours est plus direct, plus rapide", explique Yoann Guinais. Si rapide que les biologistes font confiance aux livreurs, y compris pour les produits les plus sensibles, les "prélèvements frais", qui nécessitent une analyse immédiate. "C'est le cas, par exemple, lorsqu'un patient est en cours d'opération : les résultats doivent tomber très vite pour déterminer la conduite à tenir durant l'intervention", précise-t-il. Pour ces missions un protocole strict est imposé : sacs à dos identifiés, confidentialité, triple emballage et sondes de température permettant d'adapter la réfrigération au type de prélèvement.
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