Entre décisions politiques, transition écologique et consommation en berne, les acteurs de la filière automobile peinent à se projeter. Tous racontent une même réalité : l'incertitude.
Des sous-traitants en danger
Angel Perea, est délégué général de l'UIMM (syndicat patronal de la métallurgie dans l'Orne et le Calvados, qui représente 179 entreprises de mécanique de précision, transports, construction de camion, électronique, soudage… appelées à travailler dans le secteur automobile). Selon lui, la crise vient d'abord d'un choix politique : "L'Europe ne souhaite plus fabriquer de moteurs thermiques dans l'Union européenne à partir de 2035 dans le cadre du Pacte Vert." Cette frilosité se répercute en chaîne. "En 2024, les immatriculations ont chuté de 22% par rapport à 2019. Moins de ventes, c'est plus de stock, un ralentissement pour les sous-traitants et parfois des fermetures."
C'est notamment le cas de Sefop, qui produisait des produits automobiles métalliques à Mondeville, placée en liquidation judiciaire en mai 2025, ou encore, toujours à Mondeville, de l'équipementier Bosh Automobile, dont la fermeture définitive prévue pour juin 2026 signe le licenciement de plus de 400 salariés.
Le maintien des postes est une réelle inquiétude, récemment illustrée par les salariés de l'entreprise de composants électroniques Valéo Mondeville en grève début septembre après l'annonce du rachat de leur usine par un fonds chinois. "Les salariés voulaient des garanties claires sur la pérennité des emplois." Pour Denis Bréant, délégué syndical, la mobilisation visait aussi à montrer aux repreneurs "que nous étions capables de nous mobiliser". Sur la crise automobile, il nuance : "On parle de crise, mais les grands groupes comme Renault, Stellantis ou Valéo continuent de dégager des bénéfices. La preuve, si Valéo a revendu notre usine, c'est qu'il y a un avenir !" Un levier semble pourtant possible pour l'ensemble de la filière : "Se diversifier et ne pas dépendre uniquement de l'automobile", souligne Angel Perea, rejoint par Denis Bréant pour qui "l'absence de stratégie pèse lourd".
Une consommation en baisse
Pour les concessionnaires, la crise se traduit par une clientèle "déboussolée" et un marché "contraint par les normes". "Essence, diesel, électrique : le consommateur ne sait plus quoi acheter", résume Stéphane Lecluze, dirigeant de Lecluze Automobile.
Selon lui, la multiplication des impôts – malus écologique, taxe au poids – pèse sur l'activité, en particulier pour les ménages de la classe moyenne, qui hésitent ou reportent leur achat. "En France, nous sommes le pays qui taxe le plus", confirme Pierre-Nicolas Tiec, à la tête de Sellit.fr, une concession automobile en ligne. Si son modèle souple, sans stock, lui permet de s'ajuster plus vite, lui constate également que "l'activité pourrait être bien meilleure sans cette pression fiscale et réglementaire".
Dans ce contexte, la location semble s'imposer comme mode de consommation dominant. "Aujourd'hui, les publicités ne parlent plus du prix d'achat mais uniquement du loyer mensuel. Pour les concessionnaires, c'est aussi avantageux : nous récupérons des véhicules récents et peu kilométrés, ce qui alimente le marché de l'occasion", conclut Virginie Foi, assistante commerciale pour la concession de voiture sans permis "Normandy Sans Permis".
Le boom des voitures sans permis chez les jeunes
Longtemps associées à un public rural ou âgé, les voitures sans permis connaissent aujourd'hui un véritable engouement chez les jeunes de 14 à 17 ans.
Elles se faufilent dans la circulation à 50km/h en centre-ville et sur les départementales : à Caen, impossible de ne pas croiser une voiture sans permis. Longtemps associées à un public rural ou âgé, elles connaissent aujourd'hui un véritable engouement chez les adolescents de 14 à 17 ans.
Un marché démocratisé
"C'est surtout l'arrivée de la Citroën Ami qui a accéléré ce mouvement", explique Virginie Foi, assistante commerciale chez Normandy Sans Permis. Plus accessible grâce à un budget mensuel en location et une image modernisée, elle a démocratisé le marché. "Au début, cela a eu un impact négatif sur les constructeurs historiques. Avec le recul, ça en a eu aussi un positif : les jeunes ont découvert d'autres marques telles qu'Aixam", poursuit Virginie Foi.
Le secteur connaît cependant les mêmes difficultés que l'automobile en général : retards d'approvisionnement, hausse des coûts depuis la guerre en Ukraine et budgets familiaux plus serrés.
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