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[Enquête] Rouen. L'office de tourisme : un bâtiment remarquable aux mille vies

Patrimoine. Alors qu'un vaste chantier de rénovations est en cours, retour sur l'évolution du bureau des finances à travers les âges. 

[Enquête] Rouen. L'office de tourisme : un bâtiment remarquable aux mille vies
Le bureau des finances vers 1927. La façade Renaissance a alors été dénaturée par les commerces au rez-de-chaussée. La grande porte centrale n'existe plus. - R. Quenedey, collection G. Pessiot

1509-1541 : la construction

Sous Louis XII, Rouen est la deuxième ou la troisième ville du Royaume et connaît son âge d'or. En témoignent les constructions de l'époque. "Tout ce qui a été construit de plus beau à Rouen a été construit dans ces quatre décennies, de 1490 à 1530", estime Guy Pessiot, historien de Rouen. C'est la famille Bohier qui passe commande pour le bureau des finances, désormais office de tourisme, place de la Cathédrale. L'architecte Roulland Le Roux sera en charge du chantier, au moment même où l'on passe du style gothique flamboyant au style Renaissance. "Lui maîtrise les deux", note Guillaume Gohon, guide conférencier pour la métropole de Rouen, qui rappelle que le même architecte travaillait au chantier du portail de la cathédrale, entièrement gothique, au même moment. Si la plupart des fleurs de lys de la façade du bureau des finances ont été détruites à la Révolution, d'autres symboles de la royauté ont survécu. Le bâtiment est contemporain d'autres joyaux du patrimoine, comme le palais de justice ou l'hôtel de Bourgtheroulde.

Jusqu'à la Révolution

Le bâtiment servait de bureau des finances, ce qu'on pourrait considérer comme le Trésor public de l'époque. En bas figuraient les bureaux. "L'étage était noble, fait de belles salles d'apparat", précise Guillaume Gohon. À l'arrière du bâtiment figuraient une cour et un cachot, pour ceux qui ne pouvaient pas payer leurs impôts et que l'on n'enfermait plus avec les autres prisonniers. Vers 1658, une quinzaine d'entre eux est morte dans un incendie.

Le XIXe, temps des commerces

Après la Révolution, le bâtiment sert un temps pour des spectacles, notamment pour Boieldieu, qui donnera son nom au pont voisin. Il est vendu en 1796. Tout au long du XIXe siècle, il accueillera des boutiques, qui saccageront la façade pour y installer des vitrines. "La partie basse va être abîmée et la porte centrale va même disparaître", note Guillaume Gohon.

Le bureau épargné par les guerres

Le bureau des finances ne sera que très peu endommagé par les deux guerres mondiales successives, même s'il est légèrement touché par les bombardements alliés qui ont préparé la Libération, en 1944. Après la guerre, la Ville de Rouen achète le bâtiment en 1952. "Il devient l'office de tourisme, ou syndicat d'initiative comme on disait à l'époque, en 1957", raconte Guy Pessiot, qui a aussi présidé pendant 10 ans l'office de tourisme. Le bâtiment n'a pas connu de travaux majeurs depuis les années 70.

L'office de tourisme, bureau des finances, à travers les âges

Rouen. L'office de tourisme, bureau des finances, à travers les âges
2. Le bâtiment épargné en 1944 En 1944, malgré les dégâts considérables dans la rue Grand-Pont liés aux bombardements alliés, le bureau des finances n'est miraculeusement que très peu touché. Les commerces ne s'y réinstallent pas. Il sera racheté par la Ville de Rouen en 1952 et deviendra l'office de tourisme, ou syndicat d'initiative, dès 1957. - Burchell, Bibliothèque Villon

Méconnu des Rouennais, le bureau des finances, actuel office de tourisme, est un bâtiment tout à faire remarquable du patrimoine de la Ville, témoin d'un XVIe siècle où elle est en pointe dans le Royaume.

Marqueur d'une époque, le bureau des finances de Rouen symbolise le passage du gothique au style Renaissance.

Un lieu repensé, accessible et ouvert aux visites

Rouen. Un lieu repensé, accessible et ouvert aux visites
La cour intérieure du bureau des finances va être entièrement refaite et couverte par une verrière pour devenir un agrandissement de l'espace d'accueil.

Le chantier se déroule en deux phases. La première, entamée mi-octobre, doit permettre de rouvrir l'accueil pour l'Armada 2023.

Le chantier a enfin commencé, mi-octobre, au sein de l'office de tourisme de Rouen. Parmi les objectifs, améliorer les conditions de travail des agents mais aussi "proposer un accueil touristique qui correspond à la destination, plus moderne et plus innovant", indique Christine de Cintré, la présidente de Rouen tourisme et congrès, l'office de tourisme de Rouen. L'ensemble du bâtiment va être rénové, à commencer par l'accueil au rez-de-chaussée, qui sera agrandi et s'étendra jusque dans la cour. Celle-ci, rénovée également, sera couverte par une verrière.

Une nouvelle offre touristique

Plus de grand comptoir mais plusieurs postes, pour un accueil plus individualisé et plus convivial, seront installés. Le bâtiment sera aussi plus accessible, avec des toilettes publiques, "qui manquaient vraiment, notamment pour les groupes". Un ascenseur doit être installé, ce qui permettra de rendre enfin le premier étage accessible aux personnes à mobilité réduite, et donc d'ouvrir cet étage au public pour en faire un lieu de visite. "Beaucoup de Japonais, d'Américains nous demandaient de voir le lieu d'où Monet peignait ses cathédrales, et on ne pouvait pas", regrette Christine de Cintré.

L'atelier de Monet enfin accessible

Cet étage deviendra une nouvelle attraction touristique, même si l'offre qui sera proposée n'est pas encore tout à fait arrêtée. "On réfléchit à une introduction à la destination, une proposition sur la Ville de Rouen ou plus axée sur l'impressionnisme", évoque la présidente, qui le verrait bien aussi comme un lieu de pratique d'art. Un comité avec des chercheurs doit se pencher sur la question. Une cuisine traiteur sera installée pour élargir la possibilité d'offre de réception, contrainte jusqu'à maintenant par une cuisine modeste. Et puis, les combles seront aménagés en bureaux pour plus d'espace pour les agents. La première phase de travaux, déjà entamée, doit s'achever d'ici l'Armada en juin 2023, pour une réouverture de l'accueil. Les travaux reprendront ensuite après l'événement, et jusqu'en 2026, notamment pour la rénovation complète de la magnifique façade du début de la Renaissance. Les agents devront à nouveau quitter les lieux pendant cette phase délicate, placée sous la responsabilité d'un architecte des monuments historiques, les façades étant classées. Un chantier à 5 millions d'euros au total, financé par la Métropole Rouen Normandie, l'Union européenne, la Région Normandie et l'État.

Pratique. Pendant les travaux et jusqu'à la réouverture pendant l'Armada 2023, l'accueil de l'office de tourisme de Rouen a été déplacé au sein du musée des Beaux-Arts. Il y sera à nouveau pendant la deuxième phase jusqu'en 2026.

Monet et sa série des cathédrales

Rouen. Monet et sa série des cathédrales

Claude Monet a peint une partie des toiles de sa série des cathédrales depuis la fenêtre du bureau des finances, à l'époque un commerce.

Considérée comme des chefs-d'œuvre du maître de l'impressionnisme, une partie des toiles de la série des cathédrales a été peinte depuis le premier étage du bureau des finances, actuel office de tourisme, entre 1892 et 1893. L'artiste était installé dans une boutique de vêtements pour femmes qui appartenait à Fernand Lévy, en location. Son espace était séparé, par un rideau, de celui dans lesquels les femmes pouvaient essayer lingeries et corsets. Monet a fini par être expulsé de la boutique, pour des raisons qui ne sont pas complètement claires.

Le peintre expulsé

Peut-être prenait-il trop de place, ayant toujours à proximité plusieurs toiles et passant de l'une à l'autre en fonction de la lumière du moment ? Peut-être aussi que la proximité des salons d'essayage des dames posait problème… "Il avait une tendance parfois à aller regarder", lâche Guy Pessiot, historien de Rouen. "Peut-être même quelques remarques désobligeantes", ajoute Guillaume Gohon, guide conférencier pour la Métropole Rouen Normandie, même s'il insiste sur le fait que rien n'est sûr en la matière.

Monet a aussi peint quelques toiles de la série en extérieur et depuis un autre bâtiment voisin.

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