De Mont-Saint-Aignan au lieu-dit Les Champeaux dans l'Orne. Plus d'une centaine de kilomètres séparent désormais Élisabeth Relo du site de Lubrizol. "Je souffre d'asthme et dès que je faisais deux pas, j'étais essoufflée", décrit cette retraitée. Une situation invivable "qui a duré quatre mois" et qui s'est prolongée jusqu'à récemment, avec les odeurs d'hydrocarbures émanant du site, "avec la gorge qui brûle et une toux caverneuse". Profitant d'une rentrée financière importante, à la suite d'un évènement familial, elle franchit le pas cet été de quitter la région rouennaise. "Je pensais que j'allais y laisser ma peau. Depuis que je suis dans l'Orne, je respire comme jamais je n'ai respiré jusqu'à présent", se réjouit-elle.
Des remboursements en attente
Pascal Prévost aussi se souvient du sinistre, comme si c'était hier. Par chance, son exploitation de Quincampoix n'a pas été touchée par les retombées de suies. Mais comme les autres agriculteurs de 112 communes, une grande partie de sa production a été invendable plusieurs semaines, créant un vide dans sa trésorerie. "Je tiens ma comptabilité de chaque marché, en comparant avec l'année d'avant, donc ça a été facile de voir la différence, explique le maraîcher, qui ne souhaite pas préciser le montant de ses pertes. La consignation de nos produits représente 67 % de mes pertes, pour laquelle j'ai été indemnisé vers le mois de mars. Pour le reste, le manque à gagner avec les clients qui ne sont pas revenus tout de suite, j'ai reçu un e-mail la semaine dernière pour me dire que mon dossier était pris en compte et que j'allais bientôt être remboursé." Dans l'attente, Pascal Prévost a dû se priver de saisonniers et faire le maximum tout seul.
Le 26 septembre 2019 aura aussi marqué Saliha Blalouz. Avocate à Rouen, elle allaitait encore à l'époque son enfant de deux ans, qu'elle a tout de suite envoyé à la campagne avec son mari. "Je me suis interrogée sur la perméabilité du corps aux toxines dans l'air", explique-t-elle, et donc à la contamination possible du lait maternel. Très vite, elle se rend compte que des dizaines de mamans, enceintes ou allaitantes, partagent ses craintes. Mais l'Agence régionale de santé (ARS) refusera de faire les analyses du lait en urgence. Un biologiste du CHU a finalement testé des échantillons de lait d'une douzaine de mamans, certains congelés avant l'incendie, d'autres du 7 octobre et des derniers de la mi-novembre. "Il y a des hydrocarbures dans le lait maternel avant l'incendie et mi-novembre. Mais le 7 octobre, il y a beaucoup plus d'hydrocarbures", explique l'avocate qui a participé aux prélèvements. Aucune réaction pourtant de l'ARS. "L'agence a confondu sa mission avec celle du préfet et a voulu que les gens ne s'inquiètent pas trop", s'offusque l'avocate. Elle porte maintenant ses espoirs sur la justice pénale. Des plaignantes qu'elle représente ont déjà fait le choix de se porter partie civile dans le procès.
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