Plus d'une semaine après la tragédie du 4 août ayant fait 171 morts et plus de 6.500 blessés, les visiteurs étrangers se succèdent à Beyrouth, où sont attendus jeudi la ministre française des Armées, Florence Parly, et le sous-secrétaire d'Etat pour les Affaires politiques David Hale, numéro trois de la diplomatie américaine.
Dans un Beyrouth sinistré, où des quartiers entiers ne sont plus que des ruines chancelantes, des appels à manifester ont circulé jeudi sur les réseaux sociaux pour empêcher la tenue de la séance parlementaire, qui doit s'ouvrir à 11H00 (08H00 GMT) dans un palais des congrès de la capitale.
"Vous nous avez tués! Partez! Nous allons descendre empêcher les criminels de se réunir", peut-on lire dans les messages de la contestation circulant en ligne.
Le drame du 4 août, catastrophe de trop pour des Libanais déjà éreintés par une crise économique, a relancé un mouvement de contestation déclenché à l'automne 2019 contre l'intégralité de la classe politique, accusée de corruption et d'incompétence, et aujourd'hui jugée directement responsable de l'explosion de par sa négligence.
Toute la République était au courant, parfois depuis des mois, voire des années, de la présence dans un entrepôt du port de tonnes de nitrate d'ammonium, et ce depuis six ans, de l'aveu même de certains responsables et selon des sources sécuritaires.
Au lendemain du drame le gouvernement avait décrété l'état d'urgence pour deux semaines. Or pour toute période dépassant huit jours, le Parlement doit donner son accord, selon l'ONG Legal Agenda.
"Empêcher les rassemblements"
Le gouvernement avait précisé qu'en vertu de l'état d'urgence, un pouvoir militaire suprême serait chargé des prérogatives en matière de sécurité.
Pour l'ONG Legal Agenda, une telle mesure pourrait "porter atteinte à la liberté de manifester" et permettrait à l'armée "d'empêcher les rassemblements considérés comme une +menace à la sécurité+".
L'état d'urgence pourrait également "élargir la compétence des tribunaux militaires sur les civils pour les +crimes liés aux atteintes à la sécurité+", estime l'organisation.
L'armée pourrait aussi "assigner à domicile toute personne engagée dans des activités considérées comme des +menaces pour la sécurité+", craint l'ONG.
La séance de jeudi sera boycottée par les Forces libanaises. Ce poids lourd traditionnel de la vie politique est opposé au gouvernement du Premier ministre, Hassan Diab, qui a démissionné lundi, après avoir été formé par un seul camp politique, celui de l'influent Hezbollah chiite et ses alliés.
Une grande partie des Libanais n'ont que faire du gouvernement et des tractations souvent interminables enclenchées pour trouver un successeur à M. Diab.
En colère, ils réclament le départ du président Michel Aoun, du chef du Parlement, l'indéboulonnable Nabih Berri, des députés et de tous ces dirigeants en place depuis des décennies. Près d'une dizaine de députés sur les 128 ont déjà annoncé leur démission.
Ces derniers jours des heurts ont secoué les abords du Parlement à plusieurs reprises, les forces de l'ordre tirant des gaz lacrymogènes contre des manifestants jetant des pierres.
Après l'explosion du 4 août l'enquête se poursuit. Dès vendredi, le parquet va interroger plusieurs ministres, anciens et actuels, au sujet des quelque 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium stockés au port.
Plus d'une semaine après le drame se sont les habitants, des jeunes volontaires et des ONG qui mènent les efforts sur le terrain, déblayant les décombres et distribuant des aides.
L'opinion publique fustige l'inertie des autorités, pas assez mobilisées face à l'ampleur du cataclysme.
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