"Personnage emblématique", "d'une extrême gentillesse", "grand dirigeant", "ami"... Le flot de réactions très appuyées des dirigeants, entraîneurs, joueurs ou ex-joueurs du rugby français mais aussi responsables politiques nationaux (la ministre des Sports Roxana Maracineanu) ou locaux (Olivier Bianchi, Laurent Wauquiez, Brice Hortefeux), montre à quel point l'ancien cadre de Michelin, mort dans la nuit d'un cancer contre lequel il se battait depuis plusieurs mois, était un homme respecté et apprécié.
Le témoignage le plus émouvant est sans doute celui de son homologue toulousain Didier Lacroix, qu'il devait retrouver début septembre pour l'affiche de reprise d'un Top 14 interrompu en mars par la crise sanitaire: "Tu incarnais pour moi les valeurs de notre sport et ton exemplarité, le respect absolu que tu n'as jamais cessé d'inspirer, nous accompagneront encore longtemps."
Sourire espiègle, oeil vif et malicieux, facile d'accès, Eric de Cromières, nommé en 2013, s'est imposé comme un grand patron de club par sa qualité d'écoute et son bon sens. Sans jamais oublier l'essentiel: les intérêts de l'ASM, qu'il représentait encore début juillet avant que son état de santé ne se dégrade rapidement.
. L'ASM et Michelin triplement orphelins
En un an, le club créé en 1911 par Marcel Michelin a perdu trois présidents, tous d'anciens cadre du fabriquant de pneumatiques et qui ont amené et maintenu l'ASM au plus haut niveau: Robert Lefrançois (1994-1996), mort début avril, René Fontès (2004-2013), décédé en mars 2019, et maintenant de Cromières.
Ce dernier a poursuivi l'oeuvre de Fontès --qui avait brisé la malédiction des finales perdues en remportant enfin un premier Bouclier de Brennus (2010)--, en maintenant les Jaunards au plus haut niveau hexagonal et continental grâce à la valeur "maison": la stabilité.
Si le rêve de titre européen, objectif ultime de l'ancien manager Vern Cotter (2006-2014), s'est heurté en finale à la supériorité de Toulon (2013, 2015) et des Saracens (2017), De Cromières, main dans la main avec Franck Azéma, manager depuis 2014, ont ramené deux nouveaux trophées au stade Michelin: un second Bouclier de Brennus en 2017, avec une revanche sur le RCT au passage, et le Challenge européen en 2019.
. Stabilité, formation, Fidji
Quand on lui faisait remarquer que, sous sa direction, le club auvergnat continuait de perdre plus de finales (4) que d'en gagner (2), De Cromières, sans perdre sa bonhommie habituelle, soulignait le chemin parcouru et la difficulté à maintenir l'excellence. Des résultats obtenus en misant sur le centre de formation - les Espoirs clermontois ont remporté un 6e titre national en 2018 - et sur la filière fidjienne, à travers le partenariat avec l'académie de Nadroga dont sont notamment issus Alivereti Raka et Peceli Yato, deux stars de l'effectif.
Fin diplomate mais ferme, De Cromières était monté au créneau début 2017 pour s'opposer aux contrats fédéraux pour les internationaux, voulus par Bernard Laporte devenu président de la Fédération française. Homme-clé de la Ligue nationale de rugby (LNR) et allié fidèle de son président Paul Goze, il avait ensuite, comme à chaque crise avec la FFR, participé à l'effort pour trouver un terrain d'entente.
"Il y a tellement de gens qui vivent dans des situations déplorables dans le monde que je ne vais pas me plaindre. Avoir un cancer aujourd'hui en France, il y a pire", avait-il relativisé début juillet en évoquant son cancer dans un entretien à La Montagne. Un courage auxquels les mots de Didier Lacroix font aujourd'hui écho: "Éric, tu étais fier, digne et ne laissais entrevoir aucune faiblesse. Tu nous quittes tellement tôt, à un moment où ta force, ta détermination et ton expérience nous sont si précieuses. Nous avions tant à partager encore".
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