Bruno Dey, 93 ans, était un garde SS en avril 1944 et avril 1945 du camp de Stutthof, situé à 40 km de la ville de Gdansk, aujourd'hui en Pologne.
Âgé de 17 ans au moment des faits, il est jugé à Hambourg depuis octobre pour complicité du meurtre de 5.230 prisonniers - 5.000 en "créant et maintenant des conditions qui mettent la vie en danger", 200 par gazage et 30 d'une balle dans la nuque.
"Il n'y a aucun doute" sur la culpabilité de l'accusé, qui a "agi intentionnellement", a estimé lundi le procureur Lars Mahnke, qui a requis une peine de trois ans de prison.
Ordre ou choix?
Le verdict sera rendu le 23 juillet.
Aujourd'hui boulanger à la retraite, poussé sur un fauteuil roulant par une infirmière, il cache depuis le début des audiences à l'automne son visage à l'épaisse moustache derrière une chemise cartonnée.
Depuis le début du procès, comme durant l'enquête, Bruno Dey n'a pas nié avoir été gardien mais il assure avoir été obligé d'y travailler.
"Je ne me sens en rien coupable pour ce qui s'est passé à l'époque", avait-il lancé le 20 mai lors d'une audience. "Je n'y ai en rien contribué autrement que par le fait d'être garde", s'était-il défendu.
Ses avocats affirment qu'il n'a pas rejoint volontairement les SS dans le camp mais y fut affecté car sa santé ne permettait pas de le mobiliser au front.
Mais pour le procureur, l'accusé a bien participé à un "génocide", à un "massacre organisé par l'État" auquel il avait le choix de se soustraire en "descendant de la tour, remettant son fusil et déclarant qu'il ne pouvait pas continuer".
"Il ne peut pas être fier d'avoir détourné le regard au moment décisif", a dénoncé le procureur, estimant que la justice devait "envoyer un signal d'avertissement clair à tout le monde, même 75 ans" après.
Créé en 1939, ce premier camp construit hors d'Allemagne a été peu à peu agrandi sous la responsabilité des SS.
Quelque 115.000 déportés y ont été emprisonnés, dont 65.000 ont perdu la vie, selon le Mémorial Yad Vashem. A partir de 1944, il a compté de nombreux Juifs, essentiellement des femmes des pays baltes et de Pologne transférées d'autres camps, dont Auschwitz.
Le site, où les conditions de vie étaient épouvantables et qui comportait une chambre à gaz, comptait environ 3.000 gardes SS et auxiliaires ukrainiens.
Les exécutions y étaient fréquentes et le camp était conçu de façon à ce que "personne ne puisse s'en sortir". Même les charges de travail étaient destinées in fine à "anéantir", selon le procureur général, "personne n'était censé survivre à Stutthof".
L'accusation juge que l'accusé a été un rouage essentiel de la "solution finale" nazie visant les Juifs.
Sévérité tardive
Ces dernières années, l'Allemagne a jugé et condamné plusieurs anciens SS pour complicité de meurtre, illustrant la sévérité tardive de sa justice, accusée d'avoir longtemps fermé les yeux.
Parquets et tribunaux allemands ont élargi aux gardiens de camps le chef d'accusation de complicité de meurtre, auparavant réservé aux personnes qui occupaient des postes élevés dans la hiérarchie nazie ou directement impliquées.
Aucun de ces condamnés n'est cependant allé jusqu'ici en prison, en raison de leur état de santé.
Le cas le plus emblématique fut la procédure engagée contre John Demjanjuk. Ancien gardien du camp d'extermination de Sobibor, il écopa en 2011 d'une peine de cinq ans de prison. Il mourut en 2012 avant son procès en appel.
Il y a encore une vingtaine d'affaires de ce type en cours d'instruction dont une dizaine concernent le seul camp de Sachsenhausen.
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