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L'amer "Paradis sur Terre" des Coréens du Japon leurrés par Pyongyang

C'était un jour de décembre 1959 et Harunori Kojima se souvient encore de ses larmes de joie mêlées à la neige mouillée sur son visage, alors qu'il regardait deux navires soviétiques s'éloigner du port japonais de Niigata. Destination: la Corée du Nord.

L'amer "Paradis sur Terre" des Coréens du Japon leurrés par Pyongyang
Harunori Kojima, le 18 septembre 2918 un ancien communiste qui a participé au rapatriement de Coréens du Japon vers Pyongyang, à Niigata - Martin BUREAU [AFP]

Une opération de propagande de Pyongyang promettait "le Paradis sur Terre" aux Coréens installés au Japon, où ils étaient victimes de discriminations.

M. Kojima, 87 ans, entend encore les flonflons des cuivres d'un orchestre qui jouait des airs patriotiques à la gloire du dirigeant nord-coréen de l'époque, Kim Il Sung, tandis qu'embarquait un millier de candidats à une vie nouvelle.

Ces Coréens ont fait partie d'un vaste programme de rapatriement qui devait durer jusqu'en 1984, financé par Pyongyang et organisé avec les associations de la Croix-Rouge au Japon et en Corée du Nord.

Au total, 93.340 personnes partirent dans l'enthousiasme en Corée du Nord, ignorant qu'ils y seraient piégés. La plupart d'entre eux étaient des Coréens installés dans l'archipel nippon depuis la colonisation de leur pays par le Japon de 1910 à 1945, ainsi que des épouses japonaises.

Famine

Réticent au départ, le gouvernement japonais encouragea cette campagne, décrite par les médias nippons comme une aide humanitaire aux Coréens ne parvenant pas à s'intégrer au Japon.

M. Kojima, qui était communiste à l'époque, est hanté par les remords. "J'ai été activement impliqué dans le projet, le croyant positif. Le résultat, c'est que j'ai conduit des gens en enfer", dit-il à l'AFP.

Selon le journaliste et spécialiste de la question Yoshiaki Kikuchi, Kim espérait prouver la "supériorité du socialisme" sur le "régime fantoche pro-américain" de Corée du Sud issu de la guerre de Corée (1950-53).

La plupart des Coréens du Japon étaient originaires du sud du 38e parallèle mais le président sud-coréen de l'époque Syngman Rhee avait coupé les ponts. Pauvres et victimes de discriminations, beaucoup se sont laissé appâter par les films de propagande et convaincre par les démarchages des agents du "Chongryon", l'Association générale des Coréens résidant au Japon, une organisation pro-Pyongyang.

Mais la réalité qui les attendait n'avait rien d'idyllique.

Eiko Kawasaki, 76 ans, garde l'image pitoyable des résidents du port de Chongjin venus les accueillir dans le nord-est de la Corée du Nord. "Ils avaient des airs à vous fendre le coeur. Les hommes comme les femmes avaient des visages sans vie, la peau sombre et desséchée. Tous étaient vêtus des mêmes tenues de travail rudimentaires", raconte-t-elle à l'AFP.

Elle avait 17 ans et s'était aventurée seule, éblouie par les récits du "Chongryon". Sa famille devait suivre.

"On nous disait que la Corée du Nord était un pays merveilleux où nous pourrions aider à construire un Etat socialiste puis rentrer fièrement chez nous après l'unification de la Corée du Nord et de la la Corée du Sud", dit-elle. "On nous a poussés à y aller, en disant que nous étions déconsidérés et maltraités (au Japon), sans moyen d'avoir un travail décent".

On lui avait promis aussi "au moins trois mois de réserve de riz" et "une maison meublée". Elle a découvert la famine. Et "personne ne protestait ni ne se demandait pourquoi on mourait de faim".

"Kidnapping national"

Dans ses lettres, elle s'employa à alerter les siens pour qu'ils ne viennent pas, usant de formules détournées afin de tromper la censure: "J'aimerais voir mon petit frère quand il se mariera", écrivit-elle notamment, abordant ainsi une perspective future très éloignée pour mettre la puce à l'oreille à ses proches. Grâce à cela, la famille est restée au Japon.

Il a fallu dix ans à Eiko Kawasaki, dont 18 mois cachée en Chine, pour se sauver et regagner l'archipel nippon.

Manabu Ishikawa, 60 ans, qui s'appelait auparavant Lee Jay Hak, se nourrissait de rebuts d'aliments pour poules.

Il n'a jamais pu chasser de son esprit la vision de cette petite fille de neuf ou dix ans morte de faim dans la rue, serrant un bout de pain: "J'ai vu l'expression de son visage (...) elle avait le sourire (...) Je me suis dit qu'elle avait dû se sentir, l'espace d'un instant, soulagée d'avoir ce bout de pain entre les mains et qu'elle est partie comme ça".

Le programme de rapatriement "avait pour objectif de protéger les droits des Coréens du Japon, leur liberté de retourner dans leur patrie", justifie O Gyu Sang, un historien de l'Association des Coréens du Japon. "S'ils avaient vécu sans discriminations et avaient eu des emplois, ils n'auraient pas été si nombreux à partir (...) et les hommes politiques japonais ont bien dû se dire que c'était là une bonne occasion de se débarrasser de ces Coréens encombrants", poursuit-il.

L'an dernier, des participants au grand départ, dont Mme Kawasaki et M. Ishikawa, ont intenté un procès au dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, accusant son pays de "kidnapping national".

"J'ai abandonné depuis longtemps mon nom coréen", dit Mme Kawasaki, une manière aussi de rester anonyme et de protéger ses quatre enfants restés en Corée du Nord. "Je ne veux pas mourir sans revoir ma famille. Mais je ne pourrai pas la revoir si la Corée du Nord ne met pas fin à ses violations des droits humains".

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