Paris (AFP). Bolloré prend les rênes de Canal+, une nouvelle ère pour la chaîne cryptée

Vincent Bolloré, principal actionnaire de Vivendi, a pris la tête du conseil de surveillance de la chaîne cryptée Canal+, jeudi, et nommé un proche aux postes-clés de l'état-major du groupe, signe de la volonté de l'industriel breton de reprendre en main sa filiale. Bertrand Méheut, président du directoire et dans les instances dirigeants de Canal+ depuis treize ans, quitte ses fonctions et est remplacé par Jean-Christophe Thiery, actuel président de Bolloré Media, considéré comme un fidèle de M. Bolloré. "Le Conseil de surveillance tient à remercier chaleureusement Bertrand Méheut" pour avoir "opéré le spectaculaire redressement et transformé l'entreprise pour en faire le premier groupe de médias français, leader dans ses métiers de la télévision et du cinéma", a indiqué Vivendi dans un communiqué. Bertrand Méheut ne quitte toutefois pas le groupe et "conseillera Vincent Bolloré sur les importants développements que Vivendi souhaite voir réalisés par le Groupe Canal+", a ajouté Vivendi. Cette réorganisation, devenue un secret de polichinelle au fil des semaines, est intervenue dans la foulée d'un conseil de surveillance et au lendemain de la publication de résultats financiers plutôt satisfaisants pour Vivendi au premier semestre. "Cette décision est complètement logique", explique à l'AFP Pascal Lechevallier, consultant média, pour qui Vincent Bolloré "souhaite mettre en place sa stratégie avec ses hommes de confiance". La nomination d'un organigramme survient alors que Vivendi a décidé de prendre le contrôle complet de la Société d'édition de Canal+ (SECP), véhicule coté de la chaîne cryptée. Si Vincent Bolloré a seulement pris jeudi le contrôle effectif de la chaîne cryptée, une première reprise en main avait déjà commencé en juillet, avec les départs du directeur général Rodolphe Belmer, remplacé par Maxime Saada, et d'Ara Aprikian, patron des chaînes en clair du groupe (D8, D17 et iTélé). - Synergies entre les filiales - Bousculé par la concurrence du géant américain de la vidéo à la demande par abonnement Netflix sur le cinéma et les séries, et de BeIn Sports dans le sport, Canal+ est contrainte de se réinventer. Les revenus de la télévision payante en France ont en effet légèrement reculé au premier semestre, et si le nombre d'abonnés a augmenté (+176.000), c'est grâce à l'international (l'Afrique et le Vietnam). "Canal+, sur son terrain de jeu initial qu'est la France, est un peu exsangue parce que la concurrence et le nombre de chaînes augmentent. Par conséquent, il a besoin de redéfinir une nouvelle ligne éditoriale pour repartir à la conquête des abonnés, peut-être plus jeune", remarque M. Lechevallier. La chaîne cryptée peut toutefois compter sur la bonne santé financière de sa maison-mère pour accélérer son développement et se renforcer dans la production de contenus. En cédant SFR à Numericable et GVT à Telefonica, Vivendi dispose d'environ 9 milliards d'euros de trésorerie. Le groupe, qui envisage dans un avenir proche de nouvelles acquisitions, a annoncé mercredi être "entré en négociation exclusives pour devenir un partenaire minoritaire" du groupe qui naîtra de la fusion des sociétés de production Banijay et Zodiak, futur troisième groupe mondial de création de programmes. Vivendi a également augmenté mardi sa participation dans la plateforme internet de vidéo Dailymotion à 90% du capital, en achetant 10% supplémentaires à Orange, pour un montant global de 244 millions d'euros. Indice fort de l'importance accordée à cette "pépite", qui pourrait favoriser les synergies entre filiales voulues par Vincent Bolloré. Car avec le concurrent de Youtube en son sein, Vivendi peut valoriser son portefeuille de contenus sur le web à l'image des "Guignols" qui seront diffusés sur Dailymotion, à la suite de leur diffusion sur Canal+, ou encore en mettant en place des partenariats dans la musique avec sa filiale, Universal Music Group. "Bolloré veut aussi utiliser ce nouvel atout pour maximiser et accélérer son développement à l'international, ajoute M. Lechevallier. Il est illusoire de croire que les médias de demain pourront vivre sans être internationaux".