Un des temps forts du congrès mondial de l'UICN, qui se réunit à partir de vendredi à Marseille, sera la mise à jour de cette fameuse liste, qui classe les espèce en danger en sept catégories, de "préoccupation mineure" au définitif "éteinte".
Elle répertoriait dans sa dernière version 138.374 espèces, dont 38.543 menacées d'extinction. Or la place d'une espèce sur la liste peut avoir d'importantes conséquences en termes de mesures de protection comme de financements.
Prédateurs emblématiques de la savane africaine, lions et guépards ont été chacun reconduits en 2014 comme "vulnérable", la plus basse des trois catégories d'espèces "menacées". Classement qui ne devrait pas être réévalué à Marseille.
"Mais ne vous y trompez pas. Vulnérable signifie bien qu'une espèce est menacée," insiste Sarah Durant de l'institut de zoologie de Londres et membre du groupe spécialisé de l'UICN sur les félins. "Mais je pense que les guépards devraient être classés +en danger+", niveau directement supérieur.
Avec d'autres spécialistes, elle a co-signé une étude en ce sens, argumentant que cette catégorisation, basée sur des critères identiques pour toutes les espèces, ne prend pas assez en compte les spécificités de certaines d'entre elles.
Limaces et éléphants
"La liste rouge couvre un spectre allant des limaces de mer aux éléphants, beaucoup de nuances ne sont pas prises en compte", résume-t-elle.
Ainsi, la population totale de guépards est estimée avoir baissé de quelque 30% en 15 ans, soit trois générations pour ces animaux, pour s'établir à quelque 7.000 individus. Une chute impressionnante, mais loin du seuil de 50% fixé pour un passage à la catégorie "en danger".
Sans compter que ces chiffres sont sans doute sous-estimés, selon la spécialiste. Le comptage se fait très majoritairement dans des espaces protégés, parcs naturels ou réserves. Mais la majorité de ces félins solitaires est estimée vivre dans des zones non surveillées, où les territoires sont de plus en plus fragmentés et où les félins sont confrontés à l'activité humaine et à la baisse du nombre de leurs proies.
Conséquence, "nous mesurons le déclin de la population dans les zones où les félins se portent en fait le mieux", souligne le professeur Durant. Sur le long terme, le tableau est encore pire: la population totale de guépards a chuté de 90% et le félin le plus rapide au monde n'occupe plus que 10% des territoires où il était présent, de l'Afrique à l'Asie centrale. "Un déclin catastrophique" pour la zoologue.
La situation des lions n'est pas beaucoup plus reluisante, même si leur population globale est estimée à plus de 20.000 individus, selon Paul Funston, directeur du programme Lion à l'ONG Panthera.
Un recensement en 2014 a calculé que ce chiffre avait chuté de 43% en 21 ans, soit trois générations pour le "roi de la savane". A quelques points du seuil de classement "en danger".
"Moins que prévu"
Les compter n'est pas beaucoup plus aisé que les guépards, même s'ils vivent en groupe et quasi exclusivement dans des zones protégées. Et "à chaque fois qu'on observe dans le détail, on en trouve moins que prévu," explique Paul Funston à l'AFP.
Ainsi dans le sud de l'Angola, où il a mené en 2017 une étude dans deux parcs nationaux dont la population de lions a été estimée autour d'un millier par les autorités. "En fait, ils étaient si peu nombreux qu'on ne pouvait donner une estimation scientifiquement valable. On a conclu qu'il en restait entre une dizaine et une trentaine".
Principale cause de cet effondrement: le braconnage, des lions eux-même ou de leurs proies.
Quand on lui demande si le lion aurait quand-même dû être classé "en danger" en 2014, l'expert soupire. "Ce processus est si frustrant. Le nombre de lions a chuté de façon catastrophique avant l'établissement de la première liste rouge (en 1964), dont le chiffre est pourtant devenu le mètre étalon".
Mais Craig Hilton-Taylor, directeur du département Liste Rouge de l'UICN, défend le processus. "La liste prend tous ces points en compte. Les critères sont solides", explique-t-il lors d'un entretien en visio.
Concernant les lions, il reconnait que les --relativement bons-- chiffres des pays d'Afrique australe ont pu faire pencher la balance contre un changement de catégorie. "Je pense qu'avec les tendances actuelles, si les experts refaisaient l'évaluation en se projetant vers l'avenir plutôt qu'en prenant juste en compte le passé, ils pourraient franchir ce seuil".
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