Face à l'ampleur du drame et l'ire de la population, la ministre de l'Information Manal Abdel Samad a annoncé sa démission, la première d'un membre du gouvernement de Hassan Diab depuis l'explosion mardi.
Pour venir en aide au pays meurtri, la France s'est elle mobilisée et organise dimanche une conférence d'aide internationale par visioconférence, trois jours après un déplacement jeudi du président Emmanuel Macron à Beyrouth.
La déflagration d'une violence inouïe a été causée selon le gouvernement par 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées depuis six ans au port de Beyrouth "sans mesures de précaution" de l'aveu même du Premier ministre Hassan Diab. Elle a creusé un cratère de 43 mètres de profondeur, d'après une source de sécurité.
Les recherches pour retrouver 21 personnes toujours disparues se poursuivent dans le champ de ruines qu'est devenu le port, après l'explosion de mardi qui a fait 158 morts et 6.000 blessés selon un dernier bilan du ministère de la Santé.
Dans un Liban déjà mis à genoux par une crise économique inédite aggravée par l'épidémie de Covid-19, la rage augmente au sein d'une opinion publique traumatisée. Des quartiers entiers de la capitale sont dévastés et des centaines de milliers de Beyrouthins sont sans-abri, dormant parfois dans des maisons à moitié écroulées.
Cette tragédie de trop illustrant l'incurie du pouvoir a redonné un nouveau souffle à la contestation déclenchée fin 2019. Dimanche, des appels à manifester circulent sur les réseaux sociaux, pour des rassemblements en début d'après-midi sur l'emblématique place des Martyrs, au coeur d'un Beyrouth sinistré.
"Préparez les potences"
"Préparez les potences, parce que notre colère ne s'éteindra pas en un jour", peut-on lire sur les messages circulant en ligne.
Chômage, services publics en déliquescence, difficiles conditions de vie: un soulèvement populaire inédit avait éclaté en octobre 2019 pour réclamer le départ de l'intégralité d'une classe politique quasi-inchangée depuis des décennies. Mais la crise économique s'est aggravée et un nouveau gouvernement mis en place a été accusé d'incompétence. Et la contestation s'est essoufflée notamment avec la pandémie de nouveau coronavirus et le confinement.
Samedi, les manifestants ont brièvement pris d'assaut les ministères des Affaires étrangères, de l'Economie, de l'Energie, ainsi que l'Association des banques, signalant un durcissement du côté de la contestation.
Des milliers de Libanais se sont rassemblés sur la place des Martyrs, brandissant balais et pelles, à l'heure où c'est la population elle-même qui mène les opérations de nettoyage, le gouvernement n'ayant pris selon elle aucune mesure pour lui venir en aide.
Les manifestants ont aussi brandi des potences de fortune, réclamant qu'on pende les dirigeants pour la tragédie du port.
Des groupes de contestataires ont tenté de franchir les barrages de sécurité protégeant le Parlement tout proche. Les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc face aux manifestants qui ont répliqué avec des jets de pierre.
Dans un hôtel de luxe sur la place, un membre des forces de sécurité a été victime d'une chute mortelle après avoir été agressé par des "émeutiers", selon la police.
Quelque 65 personnes blessées lors des heurts ont été hospitalisées, et 185 soignées sur place, selon la Croix-Rouge libanaise.
"Après l'énorme catastrophe de Beyrouth, je présente ma démission du gouvernement", a déclaré la ministre Manal Abdel Samad. "Je m'excuse auprès des Libanais, nous n'avons pas pu répondre à leurs attentes."
"Pas de chèques en blanc"
Pour tenter d'apaiser la colère de la rue, M. Diab a annoncé qu'il proposerait des législatives anticipées et s'est dit prêt à rester au pouvoir "pendant deux mois", le temps que les forces politiques s'entendent.
Trois jours après la visite de M. Macron à Beyrouth, une visioconférence des donateurs en soutien au Liban est prévue dimanche à 12H00 GMT, coorganisée par l'ONU et la France, avec la participation du président américain Donald Trump qui a tweeté "Tout le monde veut aider!".
Alors que l'opinion publique libanaise ne fait pas confiance au gouvernement, le président français avait pris soin de préciser que l'aide mobilisée irait directement aux populations et ONG et non "à la corruption".
Réitérant un appel pour des réformes et demandant aux dirigeants libanais de "changer le système", M. Macron avait averti qu'il ne pouvait pas "donner des chèques en blanc à des systèmes qui n'ont plus la confiance de leur peuple."
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