Les dix danseurs participant au projet - sur 720 postulants ! - vont se produire sur les scènes françaises et mondiales, mais recevront simultanément une formation pour les aider à bâtir leur carrière.
"C'est un projet à 360 degrés", explique Abou Lagraa. "On leur permet de danser sur scène, de tourner mais aussi d'apprendre ce qu'est entrepreneuriat, la communication... Des choses indispensables qui aujourd'hui ne se font pas dans le milieu de la danse".
Les danseurs choisis ont entre 20 et 35 ans; ils viennent du classique, du contemporain, du jazz ou du hip-hop et sont tous professionnels.
Parcours accidentés
"Dans leur parcours, ils ont rencontré des difficultés qui les ont empêchés d'aller au bout de leur rêve", souligne Abou Lagraa. Certains ont plus de dix ans de danse derrière eux. C'est le cas de Rhiannon Morgan, 33 ans.
La jeune femme grande, élancée, dont l'accent laisse deviner des origines anglaises, a commencé la danse "assez tardivement", à 17 ans. Et ce n'est que deux ans plus tard qu'elle décide d'y consacrer sa vie.
Une année de formation à Montpellier, un master en danse contemporaine à Londres... Depuis, elle se balade aux quatre coins de l'Europe au gré des opportunités.
A côté de quelques succès – comme l'ouverture des JO 2012 de Londres aux côtés du chorégraphe Akram Khan – elle a surtout connu galères et désillusions.
"Ces périodes creuses sont les plus difficiles", témoigne Rhiannon. "On gaspille de l'argent pour aller faire des auditions, on se prend des portes...". Et, inévitablement, "on perd la confiance en soi".
"En 2020, être danseur-interprète ce n'est pas assez", conclut la jeune femme. Désormais pour gagner sa vie, il faut aussi savoir communiquer, argumenter, construire un projet, trouver des financements... Des compétences indispensables mais absentes du cursus de la plupart des écoles de danse.
La nouvelle génération l'a bien compris. A 22 ans, Johana Malédon s'est lancée avec sa propre compagnie dès sa sortie de l'école. Avec le projet Premier(s) Pas, la Guyanaise espère acquérir les connaissances nécessaires à la gestion et au développement de sa structure.
Danseurs-citoyens
Depuis sa création par Abou Lagraa en 1997, la compagnie La Baraka (la chance en arabe) cherche à transmettre sa bonne fortune à toute la profession et même au-delà. Echanges multiculturels, solidarité, soutien aux jeunes talents, médiation culturelle...
Mais un projet comme celui là est une première. Pour la Baraka, comme pour le monde de la danse.
"On ne s'est jamais intéressé à la condition du danseur", dénonce Abou Lagraa.
Avec Premier(s) Pas, et grâce au soutien financier des fondations Edmond de Rothschild, les chorégraphes espèrent "ouvrir un débat" dans ce milieu professionnel.
"Est-ce qu'il faudrait créer un syndicat ?", s'interroge son épouse Nawal. "Les artistes coupés du monde, ça n'existe plus. Il nous faut des danseurs-citoyens", défend la chorégraphe.
Grâce à ce projet, les dix danseurs pourront se consacrer à la danse à 100% pendant deux ans sans se soucier des fins de mois... Une chance rare dans la profession.
Après plusieurs semaines de création à la chapelle Sainte-Marie d'Annonay (Ardèche) - QG de La Baraka -, leur spectacle va devoir désormais séduire le public. D'abord ce samedi pour l'avant-première à Annonay. Puis au festival de danse de Suresnes, la semaine suivante.
Les chorégraphes feront vivre leur bébé encore de nombreuses semaines, avant d'en adopter un autre dans le même esprit avec de nouveaux danseurs. Entre-temps, Abou Lagraa devrait être de passage en Allemagne pour une 29e création: un ballet pour l'opéra de Zurich.
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