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Au Malawi, les homosexuels toujours contraints de raser les murs

Pendant des années, il a vécu dans la crainte des insultes, des coups et, surtout, du regard des autres. Alors un beau jour, lassé d'être montré du doigt, Aniz Mitha, 24 ans, a préféré quitter son Malawi natal pour aller vivre en Afrique du Sud.

Au Malawi, les homosexuels toujours contraints de raser les murs
Aniz Mitha, un militant malawite des droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre, queers (LGBTQ), le 22 mai 2019 à Lilongwe, au Malawi - GIANLUIGI GUERCIA [AFP]

Tiré à quatre épingles, le jeune homme souffre de ce qu'une large part de la population malawite considère comme un maladie incurable, dans ce pays pauvre d'Afrique australe ancré dans des traditions séculaires: il est homosexuel.

"Nos lois au Malawi sont très répressives", explique Aniz Mitha, à l'abri des murs d'un centre d'accueil de la capitale, Lilongwe, où il est revenu vivre depuis. "J'ai pris des risques mais il fallait que j'aille voir ailleurs".

Il a mis le cap en 2014 sur l'Afrique du Sud, où la loi interdit toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et permet le mariage entre personnes du même sexe. Une exception sur un continent qui reste très homophobe, malgré la décision mardi du Botswana de dépénaliser l'homosexualité.

Pendant deux ans, ce jeune Malawite, fils banni d'une famille musulmane aisée, a survécu en se prostituant dans les rues de Johannesburg. Dangereux mais, au moins, il ne se cachait plus.

Il a toutefois préféré rentrer à Lilongwe en découvrant son infection par le virus du sida.

La condition des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre, queers (LGBTQ) - leur nombre est estimé à 10.000 au Malawi - n'y avait pas changé. Rejetés par leur propres familles, stigmatisés par les autorités, contraints de se cacher...

"Indécence caractérisée"

En 2010, le pays avait fait les gros titres de la presse internationale en condamnant pour "indécence caractérisée" à 14 ans de réclusion criminelle un couple de gays qui avaient osé célébrer leur "mariage" en public.

Le président Bingu wa Mutharika avait alors dénoncé un crime contre la culture, la religion et les lois. Avant de finalement gracier le couple après une entrevue avec le patron de l'ONU de l'époque, Ban Ki-moon.

La répression s'est un peu assouplie depuis. Les autorités ont suspendu en 2014 une loi de l'époque coloniale réprimant la sodomie et même annoncé deux ans plus tard une "consultation publique" sur l'opportunité de réformer sa législation sur les relations entres personnes du même sexe.

La loi n'a cependant pas été amendée jusque-là.

Et la question homosexuelle a été ignorée pendant la présidentielle de mai, qui s'est soldée par la réélection controversée du sortant Peter Mutharika, le frère de Bingu wa Mutharika.

"Cette communauté est tout simplement ignorée", regrette amèrement la militante Beatrice Mateyo, de la Coalition pour l'autonomisation des femmes et des filles.

"Les programmes (des candidats à la présidentielle) ne disent rien sur les LGBTQ", poursuit-elle.

"Ils (les candidats) ne sont même pas capables de choisir une femme comme vice-présidente, comment pourraient-ils ne serait-ce que penser à des gens qui ne sont pas dans la norme ?"

Traditions et religions

Beatrice Mateyo met en cause le poids des traditions et surtout des religions qu'elle accuse de perpétuer les stéréotypes en faisant de l'homosexualité un "péché", dans un pays où la majorité des 18 millions de Malawites sont chrétiens ou musulmans.

En 2016, quelque 3.000 chrétiens avaient défilé dans les rues de Lilongwe et de Blantyre contre l'homosexualité, en dénonçant une "abomination".

"Nous sommes considérés comme une nation qui craint Dieu (...) où, si votre sexualité est différente, vous êtes vus comme un pécheur", relève Beatrice Mateyo. "Les homosexuels se cachent et les rares qui osent l'assumer publiquement en souffrent car ils sont stigmatisés."

La communauté LGBTQ du Malawi reste particulièrement vulnérable, estiment des ONG internationales.

"J'ai peur d'être attaqué, même en pleine rue", déplore le transgenre Sammy McJessie, 28 ans. "A la banque, on regarde votre carte d'identité et vous devez prouver que vous êtes bien du sexe qu'on vous a attribué à la naissance".

"On veut juste vivre en sécurité", s'emporte-t-il. "Il n'est pas question de militantisme ou de vouloir changer la société !"

"En sécurité"

La décision de la justice du Botswana voisin de dépénaliser l'homosexualité, après le Mozambique, l'Angola ou les Seychelles récemment, a toutefois réveillé les ardeurs revendicatrices des militants malawites de la cause LGBTQ.

"Ce jugement est une victoire (...) nous souhaitons que le Malawi suive bientôt ce bon exemple", se félicite Gift Trapence, le directeur du Centre pour le développement du peuple (Cedep). "Plusieurs dossiers équivalents dorment aux greffes des tribunaux du Malawi, j'espère que ça va les réveiller".

En attendant un éventuel épilogue judiciaire heureux, son ONG s'est organisée pour protéger la communauté LGBTQ, avec l'ouverture depuis trois ans de quatre maisons destinées à accueillir des membres, à Lilongwe, Blantyre, Mzuzu et Mangochi.

Mi-cliniques de jour mi-centres sociaux, elles offrent aujourd'hui leurs services à plus de 2.000 personnes.

"Ici, on se connaît tous", apprécie un des usagers du centre de Lilongwe, un charpentier de 27 ans qui préfère taire son nom. Il n'hésite pas à marcher 30 km toutes les semaines pour venir s'y approvisionner discrètement en préservatifs.

"Ici on peut s'habiller comme on veut, on peut penser ce qu'on veut parce que c'est le seul endroit où on se sent en sécurité", confirme Azni Mitha. "Dehors, c'est vraiment dur."

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