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A Rio, un carnaval de rue très populaire mais sans le sou

Les "blocos" drainent des milliers de fêtards avec leurs cortèges bariolés et leur musique endiablée pour le carnaval de rue de Rio de Janeiro, en pleine renaissance. Mais l'argent manque pour financer ces défilés informels.

A Rio, un carnaval de rue très populaire mais sans le sou
Répétition d'un groupe de musiciens pour les "blocos", le 21 janvier 2018 à Rio de Janeiro, au Brésil - MAURO PIMENTEL [AFP]

Souvent fondés par des musiciens amateurs et moins connus à l'étranger que les défilés officiels des écoles de samba, les blocos sont devenus une composante essentielle du carnaval de Rio, la plus gigantesque fête au monde, avant le début du carême.

Au son de la samba, des foules généralement déguisées arpentent les rues derrière ces groupes musicaux, qui seront 473 cette année, avec près de 600 défilés prévus. Certains blocos feront plusieurs passages, y compris avant l'ouverture des festivités vendredi - des dizaines ont déjà défilé ces dernières semaines.

Chacun a une identité forte, des petits blocos de quartier à celui, géant, de Cordao da Bola Preta, centenaire et qui pourrait drainer 1,5 million de fêtards le 10 février. Le bloco Sargento Pimenta (Sergent Pepper) s'anime avec des chansons des Beatles nappées de sauce brésilienne. D'autres sont réservés aux enfants. Un bloco fait même défiler des chiens déguisés.

Entre décibels et alcool, cette fête à ciel ouvert est délurée, gratuite et démocratique: jeunes et vieux s'y côtoient, untel médecin et une telle, concierge. La déferlante envahit rues et trottoirs, paralysant la circulation pendant des heures dans la touffeur de l'été tropical carioca.

'Rencontre entre amis'

"La plupart des blocos sont nés d'une rencontre entre amis", explique Tiago Rodrigues, membre de l'Orquestra Voadora (orchestre volant), lancé en 2009 et dont le défilé rassemble aujourd'hui plus de 100.000 personnes.

"Nous étions 15 musiciens amateurs jouant dans plusieurs cortèges et nous avons décidé de créer un groupe."

Leurs répétitions en pleine rue ont remporté un tel succès que l'Orquestra Voadora a été recruté pour des concerts avant même son premier défilé de carnaval.

"En 2013, nous avons ouvert des cours pour apprendre à d'autres à jouer avec nous", raconte Tiago, avec à la clef "une croissance exponentielle".

"Avec l'arrivée il y a une quinzaine d'années de nouveaux blocos, de nouvelles tendances musicales et la création de tels ateliers, nous avons assisté à une renaissance du carnaval de rue à Rio", explique le producteur culturel Rodrigo Rezende.

Frais importants

Mais les frais augmentent à mesure que ce carnaval informel connaît un succès grandissant: sonorisation, agents de sécurité privés pour éviter des débordements...

Pour financer leurs défilés, les blocos organisent des concerts dans le pays en dehors de la période du carnaval et démarchent des sponsors privés.

Le bloco Quizomba, fondé en 2001, a été créé par cinq amis qui ont ouvert un atelier de percussions payant. "L'idée était de faire un bloco avec nos propres rythmes", l'atelier apportant des revenus, explique le directeur André Schmidt. Il a déjà attiré près de 2.000 élèves.

Certaines années sont plus fastes que d'autres. Quand l'Orquestra Voadora défile, il en coûte environ 70.000 réais (près de 18.000 euros), mais "l'an dernier, pour la première fois, nous avons réussi à ne rien payer de notre poche", indique Tiago.

Pour faciliter les discussions avec des sponsors, le groupe s'est ligué avec sept autres blocos.

"Les gens n'ont aucune idée de qui finance le carnaval. C'est nous qui amenons la fête dans la rue, mais cette année, nous n'aurons pas de sponsor", déplore Thais Bezerra, fondatrice du cortège Multibloco, qui ne fait partie d'aucune ligue.

Igor Conde, responsable de l'atelier de percussions du bloco Terreirada Cearense, renchérit: "On arrive à obtenir quelques soutiens mais il est très compliqué d'assumer les coûts de production." Son bloco a dû emprunter 13.000 réais (3.280 euros) pour boucler ses comptes en 2017.

Subventions indirectes

Car contrairement aux écoles de samba du carnaval officiel, les blocos, eux, ne bénéficient d'aucune subvention directe.

L'affluence de noceurs est pourtant une aubaine pour Rio, qui table cette année sur 3,5 milliards de réais (870 millions d'euros) injectés dans l'économie, contre 3 milliards en 2017 (750 millions d'euros).

D'après l'office de tourisme municipal Riotur, 6,5 millions de personnes devraient participer au carnaval, l'équivalent de la population de Rio. Environ 1,5 million de touristes sont attendus malgré les violences des derniers mois et la mairie a prévu de dépenser 16 millions de réais (4 millions d'euros) pour assurer sécurité et hygiène.

"La loi interdit à la mairie de verser l'argent directement aux organisateurs", regrette Rodrigo Paiva, directeur de la communication de Riotur. L'office de tourisme a néanmoins obtenu 2 millions de réais (500.000 euros) d'un sponsor, à répartir entre les cortèges.

Mais même le vénérable Cordao da Bola Preta n'est pas épargné par les difficultés financières.

"Nous organisons des événements toute l'année pour payer nos employés et la maintenance de notre siège, mais il ne reste pas d'argent pour le carnaval", affirme le président de ce bloco géant, Pedro Ernesto.

Et "sans sponsor, nous sommes coincés."

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