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Philippines: la guerre antidrogue fait rage, la justice ne suit pas

Manuel Cerna est accusé de meurtre et croupit depuis 15 ans dans une prison philippine sans avoir été condamné, comme de très nombreux autres détenus. Aux Philippines, les procès sont interminables et l'implacable guerre antidrogue ne cesse d'accroître l'encombrement des tribunaux.

Philippines: la guerre antidrogue fait rage, la justice ne suit pas
Des détenus dans la prison de Quezon City à Manille le 11 juillet 2017 - NOEL CELIS [AFP]

Le système judiciaire de l'archipel, dont l'extrême lenteur et le manque de moyens sont de notoriété publique, fait face à un "raz-de-marée" de nouvelles affaires avec la campagne d'éradication de la drogue lancée par le président Rodrigo Duterte arrivé au pouvoir en juin 2016.

M. Cerna -- un pseudonyme pour des raisons légales -- a failli mourir de tuberculose dans l'une des prisons les plus surpeuplées des Philippines. Le temps qu'il a passé en détention provisoire avoisine la peine minimale qu'il encourt et son cas n'est pas isolé.

"Je suis déprimé. Certains ici se sont suicidés car leurs femmes les ont quittés. Ils ont perdu tout espoir de liberté", explique-t-il à l'AFP dans sa prison de Manille entourée de fils barbelés rouillés, où flotte l'odeur nauséabonde de nourriture avariée.

Ces détenus, dits "décennaux" car ils ont passé 10 ans ou plus derrière les barreaux pendant leur procès, sont le symptôme d'un système judiciaire profondément bancal qui a contribué à l'élection de M. Duterte.

Le président a remporté le scrutin grâce à un programme sécuritaire outrancier, en promettant une justice expéditive et l'élimination de dizaines de milliers de délinquants présumés.

De fait, depuis qu'il préside le pays, la police a abattu des milliers de personnes en traquant dans les bidonvilles les trafiquants de drogue et toxicomanes présumés. Les défenseurs des droits ont tiré la sonnette d'alarme, dénonçant une vague de meurtres extrajudiciaires. Sans aucun doute, de nombreux procès ont été évités de cette manière.

Mais 96.700 personnes ont également été arrêtées depuis juin 2016, selon un porte-parole de la présidence. Ce qui augmente la pression sur des prisons déjà surpeuplées, avec des taux d'occupation six fois supérieurs à la normale.

Les accusés doivent patienter des mois entre les audiences, qui sont souvent renvoyées parce que le juge est malade, le procureur n'est pas là ou l'avocat est retenu ailleurs.

'Cercle vicieux'

Parfois, l'affaire est confiée à un nouveau magistrat et tout doit recommencer à zéro. Même chose lorsque les avocats commis d'office changent de métier et omettent de transmettre des documents essentiels à leurs successeurs.

"Un raz-de-marée est en train d'engloutir le système judiciaire. Mais on n'a pas en parallèle d'augmentation du nombre des tribunaux, des juges, des procureurs et des avocats commis d'office", dit à l'AFP Raymund Narag, professeur à la Southern Illinois University aux Etats-Unis. "Les meurtres extrajudiciaires sont justifiés aux yeux des Philippins par l'échec du système pénal. C'est devenu un cercle vicieux".

En moyenne, un procès dure entre six et dix ans, explique Jose Manuel Diokno, avocat et grand défenseur des droits de l'Homme.

Une mission de la Cour suprême chargée d'enquêter sur la congestion du système carcéral avait conclu en 2016 qu'un "innocent est détenu pendant au moins cinq ans avant d'être acquitté".

L'un des principaux problèmes est tout simplement le manque de moyens. Il n'y a que 2.600 tribunaux, tous confondus, pour 100 millions de Philippins, déclare à l'AFP Midas Marquez, administrateur à la Cour suprême.

La pénurie de juges est telle que 30% de ces tribunaux sont déserts. Leurs collègues font face à une charge de travail insurmontable, il n'est pas rare qu'ils aient à traiter 5.000 dossiers en même temps, poursuit M. Marquez.

Ces dernières années, la Cour suprême a essayé de remédier à la situation, avec l'informatisation des archives et la mise en place d'un système permettant de bloquer des dates fermes pour les audiences.

'Cautère sur une jambe de bois'

"C'est comme une cautère sur une jambe de bois. On a besoin de solutions institutionnelles - comme des tribunaux supplémentaires et les financements pour les faire marcher - ce qui nécessite le soutien de l'exécutif et du Congrès", poursuit M. Marquez.

Antonio Kho, un responsable du ministère de la Justice, répond que le gouvernement est en train d'accélérer les procédures de recrutement des procureurs et d'améliorer la formation des personnels.

M. Duterte, avocat de 72 ans, a également promis d'octroyer des fonds supplémentaires à la justice en 2018. Mais il a aussi lâché maintes fois des propos qui font douter de son intention d'améliorer le système carcéral.

"Je préfère que les (détenus) dorment debout", avait-il dit par exemple en mars lors d'un débat sur la surpopulation carcérale.

Il a également affirmé le mois dernier que bon nombre de détenus préféraient rester en prison puisqu'ils y étaient devenus homosexuels et qu'ils bénéficiaient en sus de repas réguliers.

"Ils ne veulent pas sortir. Parce que la nourriture est gratuite et qu'il y a leur amant, ils sont amoureux, ils veulent y rester", a lancé M. Duterte. Les gens selon lui ne peuvent être réhabilités dans les prisons philippines. "Ce sont déjà des monstres."

M. Cerna, meurtrier présumé, proteste de son innocence et dépérit derrière les barreaux. "Quand ma mère est morte, je voulais m'effondrer. Je voulais hurler. Mais tout ce que j'ai pu faire, c'est pleurer", dit-il en expliquant combien il voulait lui venir en aide. "Je n'ai pas pu la servir durant ses dernières années."

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