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Dans un marché ultra-mondialisé, la fleur veut se relocaliser chez elle

Les Pays-Bas, place forte mondiale du business des fleurs coupées, commercialisent chaque jour des fleurs de France... en France. Pour contrer cette hégémonie et vendre des bouquets maison moins gourmands en carbone, la tendance du "slow-flower" commence à pousser en Europe.

Dans un marché ultra-mondialisé, la fleur veut se relocaliser chez elle
Le Royal Flora Holland d'Aalsmeer, le plus grand marché de fleurs au monde, près d'Amsterdam, le 11 décembre 2018 aux Pays-Bas - EMMANUEL DUNAND [AFP/Archives]

Dans la banlieue d'Amsterdam, le ballet incessant des chariots élévateurs a repris sa course ces dernières semaines, au fur et à mesure du déconfinement du commerce mondial.

"Dans ce marché, nous commercialisons 30.000 variétés différentes", explique fièrement à l'AFP Michel Van Schie, porte-parole de la coopérative Royal Flora Holland, géant néerlandais de l'horticulture chez qui transitent chaque jour des fleurs du monde entier.

Les chiffres varient selon les sources mais d'après Thierry Louveau, patron de la filiale française d'un autre géant néerlandais, FleuraMetz, "70% de la production mondiale de fleurs transite par la Hollande, même si elle n'est pas forcément fabriquée en Hollande".

L'histoire d'amour de la Hollande avec l'horticulture est ancestrale, allant même jusqu'à causer au XVIIe siècle le premier krach boursier de l'Histoire - quand la spéculation fondée sur le commerce des bulbes de tulipe a fait monter leur prix à des sommets avant de s'effondrer.

"L'accélération du marché" date, selon M. Louveau, des années 1950 avec la création des marchés au cadran, gérés par de grandes coopératives. Ces marchés permettent la vente par un système d'enchères électroniques inversées où le prix baisse progressivement jusqu'à trouver preneur.

"La Hollande a su s'organiser pour commercialiser la fleur, en concentrant la production, en concentrant la logistique, en créant des coopératives qui permettaient de faciliter la commercialisation", selon lui.

Une suprématie aidée par l'Etat néerlandais qui subventionne encore notamment la consommation d'énergie des serres hollandaises.

La Hollande peut aussi s'appuyer sur une production délocalisée vers des pays de l'hémisphère sud ensoleillés toute l'année et à la main-d'oeuvre bon marché, devenant parfois aussi cruciale pour l'économie de ces pays que pour celle des Pays-Bas.

Comme au Kenya, où les fleurs sont cultivées avant d'être envoyées aux Pays-bas puis distribuées un peu partout.

"Le secteur emploie directement 200.000 personnes dans les fermes et représente plus d'un million d'emplois induits, faisant vivre 4 millions de personnes", explique à l'AFP Clement Tulezi, président du Kenya Flower Council, organisation qui chapeaute le secteur horticole du pays.

La redoutable logistique néerlandaise

Surtout, elle dispose d'une logistique d'une efficacité redoutable et difficile à concurrencer avec ses norias de camions qui sillonnent le continent européen.

Pour être être commercialisées, "il y a des fleurs produites en France qui partent à Amsterdam et qui reviennent en France", explique Benjamin Perot, l'un des cofondateurs en 2016 de Monsieur Marguerite, fleuriste éco-responsable, citant une partie de la production française de pivoines.

Autre exemple: "La tulipe de Nice est produite dans la région de Nice (sud-est de la France), elle est achetée par un grossiste, elle remonte physiquement jusqu'en Hollande où elle est évaluée sur le marché au cadran qui fixe sa valeur et ensuite elle est redispatchée" en France, parfois même à Nice potentiellement, explique Hortense Harang, cofondatrice de la plateforme Fleurs d'Ici.

Face à cette concurrence féroce, nombre de floriculteurs français n'ont eu d'autre choix que de mettre la clé sous la porte ou de changer leurs méthodes.

"Il y a le prix du foncier qui vous pousse dehors, la pénibilité du métier, les retraites si petites que la tentation est grande de vendre et la concurrence: on n'augmente jamais ses prix!", résume Marie-Line Lanari, ancienne productrice d'oeillets reconvertie dans le lys, sur son exploitation qui surplombe la station balnéaire de Cagnes-sur-Mer, sur la Côte d'Azur.

Val'Hor, interprofession française du secteur, chiffre aujourd'hui à 85% la proportion de fleurs importées. "En 1972, il y avait 30.000 exploitations horticoles en France, aujourd'hui il y en a 3.500", déplore Hortense Harang.

"Slow-flower"

Comme d'autres, Mme Harang affiche le souhait de contenir voire d'inverser cette tendance et de réduire l'empreinte carbone des fleurs, encouragée par une demande toujours plus forte des consommateurs depuis l'épidémie de Covid-19.

"Ce qui ressort de la crise, c'est quand même une volonté d'acheter français, une volonté d'acheter local, avec un phénomène qui est un peu calqué sur celui de l'alimentation, qu'on appelle le +slow-flower+, qui nous vient des Etats-Unis", confirme à l'AFP le président de Val'Hor, Mikaël Mercier.

Une gageure, à en croire M. Perot: "Il y a des grossistes qui essaient de faire en sorte que la part de fleurs françaises augmente, mais aujourd'hui l'assurance du 100% français est très compliquée à tenir quand on n'est pas un acteur intégré comme nous".

En cause, un maillage du territoire défaillant, de l'aveu de l'ensemble des acteurs interrogés.

En faisant appel au marché néerlandais, un fleuriste de Biarritz (sud-ouest de la France) peut avoir aujourd'hui, en appuyant sur un bouton la veille pour le lendemain, "n'importe quelle fleur" dans sa boutique, une rapidité "impensable" à l'intérieur de la France "pas assez structurée", selon M. Perot.

Pour contrer cette faiblesse, Mme Harang a créé avec la start-up Fleurs d'ici un logiciel de gestion intégrée (ERP) qui, en France mais aussi en Belgique, en Italie, au Royaume-Uni, met en relation "un horticulteur avec un fleuriste indépendant, une unité de distribution décarbonée (vélo ou véhicule électrique) et un client local".

Le phénomène de relocalisation est loin d'être cantonné à la France: au Royaume-Uni, chef de file du mouvement en Europe, la coopérative Flowers from the farm, qui réunit des producteurs de toutes tailles, comptait fin 2018 entre 400 et 500 membres. Elle en revendique aujourd'hui "plus de 800".

Selon Mme Harang, l'Italie, où est né le mouvement "slow-food", et la Belgique sont également "à fond".

Start-up et fleuristes ne sont pas les seuls à se positionner pour satisfaire cette demande de fleurs "locales" en Europe, qui attire également... les Néerlandais eux-mêmes.

Pour rentabiliser le transport, "ce qu'on a imaginé, c'est de pouvoir rajouter (dans les camions) de la plante verte française à la fleur française", explique M. Louveau, du groupe néerlandais FleuraMetz. Un projet qui était prévu pour mars/avril dernier, mais remis à plus tard par la crise sanitaire.

Alors que la paralysie de l'activité économique due à l'épidémie a ces derniers mois mis en relief les risques de rupture de chaînes d'approvisionnement dans un monde ultra-globalisé et remis au goût du jour la production locale, industrielle, pharmaceutique ou textile, l'envie de mettre en avant des fleurs made in France est plus tangible que jamais, souligne Sylvie Robert, directrice de l'association Excellence Végétale, qui développe le label Fleurs de France créé en 2015.

"On va atteindre pas loin de 2.000 entreprises engagées, tous corps de métiers confondus", indique Mme Robert, selon qui lors des six premiers mois de 2020, "des enseignes de distribution notoires" comme Auchan ont rejoint la démarche.

Après le pic de la crise sanitaire, "ce n'est pas un petit boom mais un bon gros boom" qu'elle a pu observer, avec "jusqu'à dix sollicitations par jour" à partir du mois d'avril contre "une ou deux" habituellement.

La rose, épine dans le pied des circuits courts

Un obstacle de taille se dresse face à cette dynamique: la rose, qui représente "45% du marché de la fleur", rappelle M. Louveau.

S'il ne nie pas la "volonté de fleurs de saison", il se dit convaincu que le consommateur "voudra quand même offrir toute l'année des roses". Or, selon Fleurs d'Ici, en Europe "la saison des roses commence en mai-juin pour se terminer en novembre".

Un point qui rend les floriculteurs kényans optimistes après la mise à l'arrêt du secteur pendant la crise sanitaire: "Nous n'allons peut-être pas connaître une croissance à deux chiffres comme lors de la dernière décennie", dit M. Tulezi, mais les producteurs kényans "seront toujours plus efficaces".

D'autant qu'il n'y a pour l'heure aucune obligation règlementaire pour le fleuriste d'indiquer la provenance des fleurs, "contrairement à l'alimentaire", déplore Masami Lavault, floricultrice urbaine à Paris.

Malgré tout, même si les débuts peuvent être difficiles, "il y a une vraie tendance à l'installation de jeunes producteurs", constate M. Perot.

"Au plus proche des gens"

Masami Lavault est une pionnière de la relocalisation des fleurs en France. Derrière le cimetière de Belleville à Paris, dès l'aube on peut la voir penchée sur un champ de 1.200 mètres carrés où, armée d'un sécateur, elle taille et soigne nigelles de Damas, cosmos, calendulas, gueules de loups... Entre 200 et 250 espèces au total.

"C'est beaucoup trop: en général en agriculture, on essaie de ne pas se compliquer la vie. Mais pour moi, c'est très important d'avoir une grande diversité, pour le choix que ça permet pour les clients et aussi parce qu'un lieu où il y a beaucoup, beaucoup de plantes différentes, c'est un lieu qui est plus résilient", explique-t-elle.

Deux jours par semaine, la trentenaire procède à la cueillette de ses pensionnaires multicolores, traitées en biodynamie sans agents chimiques, qu'elle vend aux fleuristes et aux particuliers.

"Le plus intéressant, c'est de faire de la vente directe. Pour les gens, c'est génial de pouvoir venir ici, de voir comment ça marche, de voir un champ de fleurs (...). Le but de la micro-agriculture, c'est d'être au plus proche des gens qui vont consommer le produit."

ngu-smt-fal-clr/ak/dp

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