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En Inde, les Pendjabis font la course à l'Occident

Tous les dimanches matin, la famille du fermier indien Gurmej Singh s'agglutine autour de l'écran d'un téléphone portable pour voir apparaître en direct le visage de son fils Deepak, 28 ans et installé en Australie depuis bientôt une décennie.

En Inde, les Pendjabis font la course à l'Occident
Narinder Kaur, 54 ans, montre des photographies de son fils Deepak Singh, lors d'un entretien à Amritsar, dans le Penjab en Inde, le 6 juillet 2017 - NARINDER NANU [AFP]

Ces sikhs du Pendjab indien n'ont pas pu serrer le jeune homme dans leurs bras depuis qu'ils l'ont mis, en 2008, dans un avion pour Sydney afin qu'il aille chercher fortune - et surtout gloire, pour lui aussi bien que pour les siens. Dans cette région du nord de l'Inde, l'une des plus riches du pays, l'émigration motivée par l'honneur familial se pratique à une échelle industrielle.

"On lui montre la maison et les proches", raconte Gurmej, 60 ans, assis sur le perron de son imposante maison qui surplombe un échiquier de champs, "il prend des nouvelles du village, demande qui est vivant, qui est mort".

Parmi les couches les plus aisées du Pendjab, terre du célèbre temple d'Or, émigrer à l'étranger ou avoir des proches dans des pays occidentaux est presque une obligation sociale. Ce flux migratoire a la particularité d'être motivé moins par un besoin d'argent que par un esprit de compétition propre à la mentalité de cette région.

"Les familles qui ont un proche établi dans un pays développé se considèrent comme socialement supérieures", explique Gurpreet Singh Bedi, directeur de la Confederation of Indian Industries à Amritsar. "Il y a une pression sociale, même si les gens ne l'admettent pas."

Bon parti

Lors de son départ pour l'Australie, Deepak avait dans sa poche non seulement un visa étudiant, mais aussi une feuille de route claire: rester dans le pays pour s'y installer. Arrivé officiellement pour étudier la cuisine, il a travaillé comme laveur de voitures et est maintenant employé dans une maison de retraite.

Il devrait l'année prochaine décrocher le Graal, à savoir un permis de résidence permanente. Pour ses parents, ce sésame consacrerait des années d'efforts et de sacrifices.

Car il en coûte, de se joindre à la course à l'Occident. Ces villageois ont investi 1,5 à 2 millions de roupies (20.000-27.000 euros) de leur épargne sur Deepak, dont le frère est, lui, resté cantonné au travail des champs. Un investissement qui en vaut le prix, à leurs yeux.

"Avant, il (Deepak) n'avait reçu qu'une seule proposition de mariage. Mais maintenant tout le monde veut lui donner sa fille, elles veulent toutes partir à l'étranger", se félicite sa mère, Narinder Kaur. En Inde, les mariages arrangés restent la norme et, pour les Pendjabis, émigrer permet d'obtenir un meilleur parti.

Alors que la matriarche évoque l'éloignement de son fils, des larmes perlent au coin de ses yeux et coulent sur son visage. "Il y a des bons et des mauvais moments", dit-elle.

Les espoirs sont écrasants pour ces jeunes sur lesquels leur famille a misé. Un retour au pays serait synonyme d'échec. On attend d'eux qu'ils soient en mesure, lorsqu'ils visiteront leur région natale, de montrer une autorisation de séjour permanent ou un passeport du pays d'accueil pour prouver leur bonne fortune.

En 2016, un jeune d'Amritsar s'est suicidé à Melbourne après avoir échoué à obtenir son permis de résidence permanente. Et les faits divers de Pendjabis morts en tentant de gagner clandestinement l'Occident sont légion.

Fièvre

Au Pendjab, l'émigration est une fièvre qui semble avoir saisi toute la région. Les publicités pour des sociétés d'aide à l'émigration pullulent dans les journaux et à la télévision. Les instituts d'enseignement de langues étrangères poussent comme des champignons. Dans une classe de français visitée par l'AFP à Amritsar, la quasi-totalité des élèves apprenaient la langue de Molière uniquement pour partir au Canada.

En Inde, les migrations s'effectuent généralement au sein même de ce pays-continent. Les grandes métropoles comme Delhi ou Bombay agissent comme des aimants pour les cohortes de travailleurs pauvres des zones rurales. Quant aux Indiens qui partent à l'étranger, le gros de leur bataillon est composé d'ouvriers destinés à faire tourner les chantiers du Moyen-Orient.

Mais les Pendjabis, eux, voient plus loin et plus haut : Canada, Australie, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande... En l'absence de statistiques fiables, on estime à des milliers le nombre de leurs jeunes qui chaque année prennent le grand large.

La mondialisation a fait évoluer les critères du prestige pendjabi, suggèrent les recherches universitaires de ces dernières années. Si les castes dominantes tiraient auparavant leur fierté de la propriété de terres, elles sont désormais jugées par leurs pairs sur la réussite matérielle de leurs émigrés - et la manière clinquante dont ils exhibent celle-ci.

Ainsi, des démographes ayant visité 133 villages de la région pour une étude n'ont trouvé qu'un seul endroit où aucune famille n'avait de proche vivant à l'étranger. Ce flux est facilité par une diaspora historiquement bien implantée, qui facilite l'atterrissage sur une terre nouvelle et inconnue.

"De nombreux sikhs pendjabis étaient incorporés dans l'armée (coloniale) britannique, qui les a postés dans plusieurs endroits du monde. Cela a créé un réseau qui a grandi", explique Aswini Kumar Nanda, professeur au Centre de recherche sur le développement rural et industriel de Chandigarh.

Pour les jeunes du Pendjab, percer en Occident peut signifier recommencer au bas de la chaîne alimentaire, par des petits boulots. Mais "si vous partez à l'étranger, la société vous respectera, peu importe ce que vous faites là-bas", résume Gurpreet Singh Bedi.

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