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En Syrie, les déplacés s'imaginent déjà dans Raqa libérée

La première chose que fera Narimane Abdallah une fois rentrée dans sa ville de Raqa, c'est de s'y promener maquillée: un pied de nez au groupe Etat islamique (EI), sur le point d'être chassé de son principal fief en Syrie.

En Syrie, les déplacés s'imaginent déjà dans Raqa libérée
Une femme déplacée de Raqa dans le camp d'Aïn Issa, en Syrie, le 24 septembre 2017 - DELIL SOULEIMAN [AFP]

Dans le camp d'Aïn Issa, à plus de 50 km au nord de Raqa, les déplacés de cette ville du nord syrien sont sur des charbons ardents, espérant voir très bientôt leur cité libérée de l'organisation ultraradicale qui y a semé la terreur pendant trois ans.

Narimane, 19 ans, était aide-soignante avant que l'EI ne s'empare de sa ville en 2014. Elle a fui il y a trois mois, quand les combats ont commencé dans la cité entre des forces syriennes antijihadistes soutenues par Washington et les membres de l'EI.

"Dès mon retour à Raqa, je me maquillerai de nouveau (...), j'écouterai de la musique, qui nous a tellement manqué car c'était interdit", assure à l'AFP la jeune femme portant une tunique de couleur fuchsia et une écharpe écrue sur la tête.

A Raqa, cité qui comptait 300.000 habitants avant le sanglant conflit en Syrie, l'EI obligeait les femmes à porter exclusivement une abaya, un niqab et des gants noirs, sanctionnant les contrevenantes. Musique et fêtes étaient interdites.

Musique et chants

"Je porterai des pantalons comme avant (...), je mettrai des écouteurs et me baladerai de nouveau dans les rues", ajoute Narimane avec enthousiasme. "Tout me manque de Raqa (...) même l'eau est différente là-bas", dit-elle nostalgique.

Plus loin dans ce camp de plusieurs milliers de déplacés, des femmes demandent à des passants les dernières nouvelles de Raqa, masquant leur visage d'une écharpe à la vue de photographes de presse.

"Quand pourrons-nous revenir chez nous?", lance l'une d'elles alors que les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants arabes et kurdes, pourchassent les derniers jihadistes encore à Raqa avec l'appui des Etats-Unis.

A leurs côtés, des enfants au visage couvert de poussière jouent pieds nus, rigolent bruyamment et s'amusent à faire voler des avions en papier. L'un d'eux entonne une chanson traditionnelle de Raqa.

Au photographe de l'AFP, des déplacés pris de nostalgie demandent qu'il leur montre des photos prises dans la ville.

Au comble de l'excitation, ils pointent du doigt des rues et des lieux familiers, mais à mesure que les clichés montrent l'ampleur des destructions, les visages se referment.

Qays al-Bouqane, 27 ans, lui, n'a qu'un seul rêve: revenir dans sa ville natale pour ouvrir un institut de musique.

Il enseignait de nombreux instruments, dont le piano et l'accordéon, jusqu'à l'arrivée des jihadistes.

'Voir Raqa en rêve'

"Cela fait des années que je n'ai pas joué ou enseigné. Je veux revenir, ouvrir un institut de musique et enseigner de nouveau", espère cet homme chauve et mince qui a refusé d'être photographié.

Il veut aussi "organiser une fête dans le jardin al-Rachid", qui était le plus grand parc de la ville, mais aussi le plus beau selon lui. Il se voit "jouer devant des spectateurs dans une ambiance de fête".

Qays dit "voir Raqa en rêve" parfois et attend impatiemment de revenir. "Mes amis musiciens et moi, nous allons faire la fête dans la rue", s'emballe-t-il.

Ahmad al-Nawfal, 45 ans, veut surtout quitter le camp de déplacés.

"On en est arrivé à détester ce camp. Nous attendons le moment où on va annoncer +revenez à Raqa+. Ca sera un jour de fête", s'exclame cet homme très brun en tenant sa tasse de thé devant sa tente.

Mais, ajoute-t-il non sans tristesse, "on a peur que nos maisons soient minées et qu'on perde nos enfants, qu'on perde tout".

Non loin de là, une femme brosse les cheveux de sa fillette, tandis que d'autres préparent à manger.

Sous une grande tente où s'entassent plusieurs familles, Amal Jassem al-Jomaa est assise, seule, à même le sol, écoutant de la musique à la radio.

Elle dit avoir perdu son mari durant la guerre. Sa belle-famille lui a pris ses sept enfants, accusant sa propre famille de sympathiser avec l'EI, raconte-t-elle.

Elle ne pense plus qu'à une chose: "Je veux revoir mes enfants et vivre en paix. Oublier la souffrance de cette guerre".

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