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Colombie: mères et Farc, sur deux fronts de la guerre à la paix

Guérillera, Josleidy Ramirez a passé plus de la moitié de sa vie les armes à la main, a porté en pleine guerre un enfant qu'elle n'a pu élever et en attend un autre, à l'aube de la paix en Colombie.

Colombie: mères et Farc, sur deux fronts de la guerre à la paix
Margot Silva, 30 ans, dont 16 de guérilla au sein des FARC, avec son fils né dans un campement, le 28 février 2017 à San José de Oriente - Luis Acosta [AFP/Archives]

"J'ai un fils, un bébé de 15 ans. C'est déjà un homme! Mais je n'ai aucun contact avec lui", lâche-t-elle d'une voix ténue, une main sur son ventre qui laisse deviner une autre grossesse, de quatre mois.

Toute d'espoir et d'inquiétude mêlés, la jeune femme prépare son retour à la vie civile, comme 200 autres guérilleros du bloc Martin Caballero des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), regroupés dans la zone de désarmement Simon Trinidad, près de San José de Oriente, dans le nord-est aride du pays.

Josleidy, 32 ans, a intégré les Farc à 15 ans, l'âge de son fils aîné aujourd'hui. Lui "est avec un proche, dans une ville, et il va bien (...) Je ne le reprendrai que lorsque je serai sûre que ce processus de paix fonctionne", dit-elle à l'AFP, se refusant à dévoiler par mesure de sécurité le prénom de l'adolescent, dont le père est mort au combat.

L'an dernier, elle s'est à nouveau retrouvée enceinte - de son actuel compagnon guérillero. C'était peu avant la ratification, le 1er décembre, de l'accord entre les rebelles et le gouvernement visant à clore le chapitre sanglant de plus d'un demi-siècle de confrontation armée.

Préoccupée pour l'avenir

Cette future mère ne cache pas ses craintes pour la paix: le pays sort déchiré d'une guerre qui, au fil des décennies, a impliqué une trentaine de guérillas, des milices paramilitaires d'extrême droite et les forces armées, faisant au moins 260.000 morts, plus de 60.000 disparus et quelque 6,9 millions de déplacés... "Parfois je me demande si le gouvernement colombien va respecter ses engagements", confie Josleidy.

Elle se dit "préoccupée pour l'avenir" de son bébé, qu'elle "pense avoir ici" dans cette zone, l'une des 26 où la guérilla marxiste doit déposer ses armes sous supervision de l'ONU d'ici fin mai, avant de se reconvertir en mouvement politique.

"Je ne l'avais pas prévu car je pensais reprendre mes études. Mais bon, il va me falloir mener les deux de front: étudier et être mère aussi", dit avec un sourire contrit cette jeune femme à la longue chevelure bouclée et à la peau diaphane.

Comme toutes les femmes des Farc -40% des quelque 7.000 combattants de la guérilla- elle a toujours été sous contraception, règlement oblige. L'idée d'une grossesse "me faisait peur car nos enfants se convertissaient en cibles militaires ou bien l'armée s'en servaient pour nous espionner (...) nous atteindre".

Enceinte malgré tout une première fois à 17 ans, Josleidy a eu son fils hors des rangs, "dans un village" où elle s'est cachée avec sa mère.

"On m'a donné l'autorisation de sortir. J'ai accouché et, au bout de trois mois à peu près, je l'ai laissé à ma famille." Puis elle est retournée se battre: "Je n'allais pas trahir mon organisation!", dit-elle.

Pas d'obligation d'avorter ?

Elle affirme que personne ne lui a demandé d'interrompre sa grossesse : "Cela n'a jamais été une obligation. Beaucoup de bébés sont nés. Beaucoup d'enfants de guérilleros et de guérilleras sont à l'étranger, cachés par mesure de sécurité. Peut-être qu'avec ce processus, ils vont revenir".

D'anciennes rebelles ont toutefois témoigné du contraire. Et le 9 mars dernier, l'Espagne a extradé vers Bogota Hector Albeidis Arboleda Buitrago: cet homme surnommé "L'infirmier" est accusé d'avortements forcés sur "des centaines de membres de groupes armés illégaux", dont les Farc et l'Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla active avec laquelle le gouvernement vient d'entamer des négociations de paix.

Selon Josleidy, cela relève "de la propagande noire de l'extrême droite".

De même pour Gladys Narbais, 44 ans dont 26 au sein des Farc : "Pendant cette guerre, j'ai eu un enfant, dans un camp de la Sierra de Santa Marta", dont les montagnes se dressent à l'horizon.

"On m'a laissé avoir le bébé sans aucun problème", affirme-t-elle. "Je l'ai gardé un an et huit mois. Je faisais les marches avec lui et tout le reste (...) Après, je l'ai laissé dans une famille car à cause de la guerre, je ne pouvais plus le porter."

Gladys n'a revu Fernando que deux fois, à l'âge de 10, puis de 15 ans. "Cela me faisait mal (...) mais je savais qu'il serait bien", dit-elle les yeux brillants, fière de son grand garçon de 24 ans, étudiant en systèmes informatiques.

Les bébés de la paix

Les Farc ont connu un véritable baby-boom avec des dizaines de bébés nés ces derniers mois.

Certains sont venus au monde dès le début des pourparlers de paix lancés fin 2012, comme Andrès David, petit bonhomme pelotonné sur les genoux de sa mère en treillis vert olive.

"Il est né le 15 octobre 2012 (...) l'espérance était là", se souvient Margot Silva, 30 ans, dont 16 de guérilla, et qui a accouché près de Media Luna, dans un autre campement de ce même département du Cesar.

"Avoir un enfant ici, c'est comme renaître", ajoute son compagnon, Mario Rodriguez, 33 ans, venu à la guérilla alors qu'il avait à peine neuf ans, après le meurtre de son grand-père par les paramilitaires.

Bien que plus circonspecte, Josleidy ne peut s'empêcher elle aussi de voir l'avenir sous un nouveau jour, auprès du père de son futur bébé: "J'irai chercher mon fils et, avec l'autre (enfant) que j'attends, nous pourrons former un foyer".

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