La ville brésilienne, capitale de l'Etat d'Amazonas, a déjà vécu plus de 3.000 enterrements durant ce funeste mois de janvier, le plus meurtrier depuis le début de l'épidémie, où la flambée des contaminations a submergé les hôpitaux.
Officiellement, le coronavirus est responsable de presque la moitié de ces décès. Face à la propagation galopante de la pandémie, il a fallu lancer des travaux d'extension dans le cimetière Nossa Senhora Aparecida, le plus grand de la ville, afin d'y accueillir 2.000 à 3.000 morts de plus.
"Pourquoi?"
Ce vendredi matin, le vacarme de la pelleteuse se mêle aux cris d'Etiane Ferreira, agenouillée sur la terre rouge, pleurant son père qu'elle vient d'enterrer.
"Papa, pourquoi?". Les cris paralysent pendant quelques secondes les employés des services funéraires, vêtus de combinaisons blanches et de masques, qui déchargent des cercueils enveloppés dans du plastique, signe qu'il s'agit de victimes de la pandémie.
"Nous sommes des êtres humains", murmure Michael Guerreiro, un des employés, qui observe Etiane. "Cela fait très mal, nous venons travailler parce que c'est notre tour", ajoute-t-il.
Le père d'Etiane est mort du Covid-19. La cousine de la jeune femme, Cristiane Ferreira, raconte qu'il aurait fallu l'intuber mais qu'il n'y avait pas de lit disponible. "Les médecins et les infirmières se sont démenés, mais malheureusement, ils ne sont pas Dieu", confie Cristiane, en larmes, avant d'étreindre Etiane.
Sous une tente de plastique jaune, près d'un carré de tombes, un autre employé, qui ne donne pas son nom, inscrit à la peinture noire sur des croix de bois les noms des défunts ainsi que leurs dates de naissance et de décès.
Il marque ainsi environ 70 tombes chaque jour. Les petites, aux tons bleutés, s'alignent le long des interminables carrés du cimetière, où reposent environ 130.000 défunts.
Ces deux dernières semaines, Manaus, une ville de 2,2 millions d'habitants, a connu en moyenne plus de cent enterrements de victimes du Covid-19 chaque jour, avec un record de 213 inhumations le 15 janvier.
"Des lits plutôt que des fosses"
Les pleurs d'Etiane résonnent encore au loin quand Luan Santos, 32 ans, serre la main de son épouse Ashley, enceinte d'un mois.
Dans l'autre main, il porte la couronne de fleurs qu'il a apportée pour dire adieu à sa mère, morte elle aussi du coronavirus à 68 ans. Luan l'a accompagnée pendant plusieurs jours avant de pouvoir la faire admettre dans un hôpital public.
Ils se sont parlé pour la dernière fois lundi par SMS. Il est allé plusieurs fois à l'hôpital, sans pouvoir obtenir de nouvelles. Jeudi, on l'a informé que sa mère était morte la veille.
"On m'a dit que ce retard était dû au trop grand nombre de gens, qu'il était impossible de répondre à tant de gens", raconte, en pleurs, le jeune homme, qui travaille dans le secteur bancaire.
Un employé du cimetière lui remet les documents officiels de l'inhumation. Puis le couple s'éloigne sur un sentier de terre.
Avec la chaleur monte une odeur désagréable, peut-être celle de la mort.
La pelleteuse poursuit sa tâche. A l'entrée du cimetière, les cortèges funèbres se succèdent. Les effectifs des services funéraires ont été multipliés par quatre.
Au mois d'avril 2020, au début de la pandémie, ce cimetière était devenu tristement célèbre parce que des fosses communes y avaient été creusées.
Un homme venu assister à l'enterrement de son oncle évoque ce cauchemar et confie, en larmes: "Au moins, à présent, les morts sont traités dignement ici. S'ils pouvaient ouvrir des lits dans les hôpitaux, plutôt que des fosses dans les cimetières!".
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