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Au Xinjiang, la mémoire en ruines des cimetières musulmans

Des ossements à même le sol, entre des traces de chenilles métalliques. Dans ce cimetière musulman du nord-ouest de la Chine, les bulldozers n'ont pas fait dans le détail, effaçant un lien entre les Ouïghours et leur mémoire d'outre-tombe.

Au Xinjiang, la mémoire en ruines des cimetières musulmans
Un cimetière traditionnel ouïghour détruit par les autorités à Shayar, dans la région du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, le 12 septembre 2019. - HECTOR RETAMAL [AFP]

Au pied des collines du comté de Shayar, des tombeaux, réduits à des tas de briques, parsèment le paysage.

Le spectacle se répète dans plus d'une dizaine de cimetières visités le mois dernier par l'AFP au Xinjiang, une région à majorité musulmane qui fait l'objet d'une stricte reprise en main par Pékin. Les journalistes ont constaté la présence d'ossements à l'air libre dans trois anciens cimetières.

Au nom de la lutte contre le séparatisme et le terrorisme islamiste, le régime chinois a considérablement renforcé les mesures de surveillance au Xinjiang depuis environ deux ans.

Les quelques 10 millions d'Ouïghours, la principale ethnie de la région, sont particulièrement visés. Selon des organisations de défense des droits humains, pas moins d'un million d'entre eux auraient été internés dans des camps de rééducation.

Pékin dément ce chiffre et explique qu'il s'agit de "centres de formation professionnelle" destinés à lutter contre la radicalisation islamiste.

Mais la reprise en main du pouvoir s'étend aussi au-delà de la mort.

Images satellite

Selon des images satellite analysées par l'AFP avec l'association Earthrise Alliance, basée à Washington, au moins une quarantaine de cimetières ouïghours ont été rasés à compter de l'an dernier dans cette région vaste comme trois fois la France.

A Aksu, dans l'ouest de la région, un vaste cimetière a été transformé en un "Parc du bonheur" qui comprend un lac artificiel, des jeux pour enfants et des pandas en carton-pâte.

Le site était révéré par les Ouïghours car il abritait la tombe d'un de leurs poètes du XXe siècle, Lutpulla Mutellip.

L'endroit était comme "un sanctuaire pour le nationalisme ouïghour", explique à l'AFP Ilshat Kokbore, qui s'est rendu sur place dans les années 1990 et vit désormais en exil aux Etats-Unis.

Le sort des restes de Mutellip n'est pas connu.

Un responsable du nouveau cimetière où les corps ont été déplacés, dans une zone industrielle au milieu du désert, dit tout ignorer de ce qui est advenu des cendres du poète.

Quant aux autorités d'Aksu, elles n'étaient pas joignables pour répondre aux questions de l'AFP.

"Le gouvernement chinois s'efforce de détruire chez les Ouïghours tout sentiment d'appartenance à cette terre", accuse Aziz Isa Elkun, un militant exilé au Royaume-Uni. La tombe de son père fait partie de celles qui ont été détruites dans les nombreux cimetières de Shayar.

Les cimetières sont "un lien entre l'ancienne et la nouvelle génération. C'est cela qu'ils détruisent", dénonce-t-il.

Lors de leur reportage en septembre, trois journalistes de l'AFP ont visité une dizaine de cimetières détruits dans quatre communes, ainsi que trois nouveaux sites où des dépouilles ont été réinhumées.

L'équipe a été presque constamment suivie par les autorités. Dans un ancien cimetière de Shayar, les journalistes étaient surveillés par un groupe de 11 personnes, dont certaines expliquaient que les ruines des tombes étaient en fait celles de vieilles maisons, de fours à pain, ou encore de simples tas de sable.

Même face aux ossements trouvés au sol, les fonctionnaires refusaient de se rendre à l'évidence.

"C'est trop long pour être humain", assurait l'un d'entre eux, appliquant un fémur contre sa jambe à des fins de comparaison.

Des experts interrogés par l'AFP ont confirmé que les ossements photographiés sur place par ses reporters étaient bel et bien humains.

"Couper les racines"

La démolition de cimetières au Xinjiang n'est pas chose nouvelle: des images satellite révèlent des destructions remontant à plus de 10 ans.

Mais les opérations engagées ces deux dernières années sont plus flagrantes car elles s'accompagnent de la destruction d'une trentaine de mosquées et d'autres sites religieux, comme l'a révélé en juin une enquête de l'AFP fondée sur d'autres photos satellite.

Elles s'accompagnent surtout de la mise en place des centres de "formation professionnelle", où des Ouïghours seraient internés pour des motifs tels que le port d'un voile ou d'une barbe trop longue.

Dans des documents internes consultés l'an dernier par l'AFP, des fonctionnaires expliquaient que ces centres devaient transformer leurs pensionnaires en meilleurs citoyens chinois en "coupant leur lignée, leurs racines, leurs liens, leurs origines".

Des militants ouïghours en exil estiment que cela explique pourquoi les cimetières ont été pris pour cible.

"Cela s'inscrit dans une offensive visant à éradiquer toute trace de ce que nous sommes et nous transformer en Hans", l'ethnie majoritaire en Chine, croit savoir Salih Hudayar, qui affirme que la tombe de ses arrière-grands-parents a été démolie.

"C'est pour ça qu'ils détruisent tous ces sites historiques, ces cimetières, afin de nous couper de notre histoire, de nos pères et de nos ancêtres", dénonce-t-il.

"Mieux ordonné"

La justification officielle des démolitions varie d'un endroit à l'autre. A Urumqi, la capitale régionale, un cimetière proche de l'aéroport a été rasé pour laisser place à un projet de "reconstruction" de quartier.

A Shayar, il s'agit de "gagner de la place et de protéger l'écosystème", comme l'explique un avis affiché à l'entrée d'un nouveau cimetière.

"Les nouveaux cimetières sont standardisés, propres, et commodes pour les habitants", affirme Kadier Kasimu, directeur adjoint du service des affaires culturelles de Shayar. "Les anciens cimetières étaient éparpillés, maintenant c'est mieux ordonné", fait-il valoir.

Les sites nouvellement construits sont incontestablement plus uniformes que les cimetières ouïghours traditionnels, souligne depuis les Etats-Unis Tamar Mayer, une experte en sciences de la terre du Middlebury College, spécialisée dans les sanctuaires ouïghours.

Les nouveaux espaces "n'ont pas d'individualité", observe-t-elle: dans ces cimetières, les tombes, toutes semblables, sont alignées les unes contre les autres.

Alors que les Ouïghours ont pour habitude de laisser des présents sur leurs tombes, "il n'y a pas de place pour le deuil" dans ces installations, relève-t-elle.

Deux jours pour déménager

Les déplacements de cimetière semblent avoir été effectués dans la précipitation.

A Hotan, dans le sud de la région, les habitants ont eu tout juste deux jours pour récupérer les corps de leurs défunts, selon un avis photographié en mai par l'AFP.

"Toute tombe non réclamée pendant la période d'enregistrement sera déplacée en tant que corps abandonné", intimait l'avis.

Ailleurs en Chine, l'explosion urbaine et le développement économique ont coûté cher au patrimoine. Nombre de cimetières ont été détruits, provoquant parfois la colère des habitants.

Le régime communiste est parfois accusé de manquer de respect pour les traditions funéraires, comme dans la province du Jiangxi (centre), où des fonctionnaires ont détruit l'an dernier des cercueils pour forcer les habitants à recourir aux crémations.

Selon un avis publié l'an dernier par le ministère des Affaires civiles, l'Etat a pour mandat "d'éradiquer les pratiques funéraires indésirables" au nom de la protection de l'environnement.

Les Ouïghours comme d'autres minorités sont pour l'heure dispensés d'appliquer certaines mesures comme la crémation obligatoire. Mais les autorités durcissent le ton, selon Rian Thum, spécialiste de l'histoire et de la culture ouïghoures à l'Université de Nottingham (Royaume-Uni).

"Dans le temps, les campagnes nationales qui entraient en conflit avec la culture ouïghoure étaient adoucies au Xinjiang", explique le spécialiste, qui a aidé l'AFP à confirmer la destruction des sites funéraires.

"Mais aujourd'hui, toute politique qui s'en prend à la culture ouïghoure semble recevoir un coup de pouce plutôt qu'un coup de frein".

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