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Rouen. Agressé en prison, un psychiatre témoigne : "Je ne me sens plus en sécurité"

Sécurité. Victime d'une agression par un détenu à la maison d'arrêt de Rouen lors d'une consultation le 12 janvier 2022, le docteur Gilles, psychiatre, témoigne des difficiles conditions de travail en prison, du manque d'effectif et des dysfonctionnements des systèmes de sécurité.

Rouen. Agressé en prison, un psychiatre témoigne : "Je ne me sens plus en sécurité"
Deux systèmes d'alarme ne se sont pas déclenchés, ce qui a ralenti l'intervention des surveillants, selon la victime. (illustration)

Le docteur Gilles est psychiatre à la maison d'arrêt Bonne-Nouvelle de Rouen et au centre pénitentiaire de Val-de-Reuil. Il a été victime d'une agression par un patient détenu lors d'une consultation à Rouen, le 12 janvier 2022. Devant une multiplication de ces agressions et des défaillances de sécurité, il a décidé de prendre la parole pour témoigner des conditions de travail pour le personnel médical et paramédical en prison.

Que s'est-il passé précisément le mercredi 12 janvier ?

Je voyais un patient, qui s'est rapidement énervé lors de ma consultation. Je suis donc sorti du bureau. Il m'a suivi dans le couloir et a commencé à vouloir me donner des coups. Je le repousse. Dans l'échange, ma chemise est arrachée, mes lunettes tombent et je reçois un coup de poing au niveau de la pommette gauche. Deux de mes collègues ont tenté de s'interposer. L'un d'eux a plaqué le patient au sol, le temps que les surveillants arrivent. D'autres collègues ont essayé de déclencher des alarmes. Plusieurs n'ont pas fonctionné, ce qui a aussi permis cette agression. Finalement, les surveillants ont pris le relais et l'ont ramené à sa cellule. Je suis allé au service de médecine du travail du CHU et ils m'ont mis 5 jours d'ITT. J'ai eu un coquard à l'œil gauche, des bleus aux genoux et aux bras, et aussi des vertèbres légèrement déplacées.

Docteur Gilles

Quel était le profil de ce patient ?

Il est assez jeune, transféré d'une autre prison, connu pour des difficultés. J'ai rapidement vu qu'il était tendu, je le connaissais déjà d'une précédente incarcération. J'ai essayé de lui faire comprendre que j'étais là pour l'aider. Malheureusement, il avait des demandes que je ne pouvais pas satisfaire. J'ai vu que ça allait partir sur une agression quand il a saisi des feuilles sur le bureau et a commencé à les déchirer.

Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Avez-vous peur au travail ?

Je n'ai pas peur. Mais je ne me sens plus en sécurité du fait des problèmes techniques qu'il y a eu. C'est pour ça que l'on a des demandes envers l'administration pénitentiaire (lire par ailleurs). On sait qu'on travaille dans un milieu compliqué, qui comporte des risques. Mais en hôpital, on a aussi des pathologies très lourdes qu'on a l'habitude de gérer. Là, on travaille avec l'administration pénitentiaire, mais la technique ne nous semble plus suffisante pour assurer notre sécurité.

Quel regard portez-vous sur la situation du médico-social en prison ?

Elle est très compliquée. Il y a de plus en plus de détenus avec un passé médical. On est en sous-effectif, clairement, par rapport à la population que l'on a à aider. L'activité du service à la maison d'arrêt a augmenté de 10 % par an depuis 2015, avec des locaux qui n'ont pas changé et une équipe qui n'a pas augmenté en nombre.

Pourquoi prendre la parole, aujourd'hui ?

On a envie de faire parler de cette histoire pour améliorer les conditions de tout le monde : des soignants, mais aussi des surveillants, qui sont dans des conditions très difficiles avec très peu de moyens. On veut aussi dire stop ! On a eu trop d'agressions, les soignants ou les surveillants. C'est notre devoir d'insister pour la sécurité de tout le monde, y compris des détenus qui sont de plus en plus nombreux à consulter dans les services de soin avec des locaux qui ne sont plus adaptés.

Avez-vous pensé à changer de métier ?

Ça m'a traversé l'esprit, mais j'aime mon métier. J'aime aider les gens qui sont en prison. Eux aussi ont le droit à cette aide psychologique et psychiatrique. Je souhaite continuer à travailler en prison, pour mes valeurs et pour la partie technique du travail. Il est vrai que souvent, après une agression, les psychiatres partent. Dans le service, personne n'exerce depuis plus de trois ans en prison, hormis le chef de service. Et c'est déjà pas mal. Une collègue est partie l'an passé. Elle a tenu sept ans mais aurait souhaité partir avant… On n'arrive pas à avoir un effectif stable à cause des problèmes d'agressivité et de sécurité.

Trois agressions en moins de six mois

Selon le docteur Gilles, les agressions sont de plus en plus fréquentes. En septembre, deux infirmières ont été violemment menacées mais des surveillants ont pu intervenir avant les violences physiques. En décembre, une psychiatre a été empoignée, mais là encore, les surveillants ont pu intervenir à temps.

Un manque de moyens

Face à ces agressions récurrentes et ces problèmes de sécurité, les syndicats s'organisent au sein de la prison et du centre hospitalier du Rouvray, dédié à la psychiatrie. Ils réclament notamment des systèmes d'alarmes mieux positionnés, fonctionnels et contrôlés régulièrement. Ils souhaitent aussi davantage de personnels surveillants pour l'infirmerie, davantage de bureaux pour mener les consultations dans de bonnes conditions, et davantage de personnel médical et paramédical. À la maison d'arrêt de Rouen, par exemple, cinq médecins interviennent à temps partiel pour l'équivalent de 2,4 temps plein, selon le docteur Gilles, qui estime qu'il en faudrait au moins quatre.

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