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Orne. Huit ans de bras de fer avec Enedis : "Ma vie avait un prix, 50 000 euros"

Société. En 2011, Enedis installe un transformateur au pied de la ferme d'Alain. Peu après, l'état de ses vaches se dégrade.

Orne. Huit ans de bras de fer avec Enedis : "Ma vie avait un prix, 50 000 euros"
Agriculteur à Juvigny-Val-d'Andaine, Alain Crouillebois poursuit en justice Enedis. Sa production laitière a chuté lorsque la société a installé un transformateur électrique au pied de sa ferme, en 2011.

"Le soir, je me demandais où était papa. Était-il parti ?", lâche Élouan, 13 ans. Le jeune garçon n'a pas pu profiter de son père comme il se doit. Alain Crouillebois a cinq enfants. Propriétaire d'une ferme à Juvigny-Val-d'Andaine, le quinquagénaire a passé huit ans de sa vie à comprendre pourquoi l'état de ses vaches laitières se dégradait au fil des semaines, mois et années. Au péril de sa famille. De sa vie.

"Tout a prospéré jusqu'en 2011"

Fin des années 90, Alain, alors géomètre topographe, décide de prendre les commandes de la ferme de son père. Un changement de vie qui ne choque pas sa mère. Elle lui a toujours trouvé une passion pour les animaux. "Petit, on le voyait traîner près des vaches avec un seau entre ses mains." Progressivement, l'agriculteur agrandit l'exploitation. Le nombre de bovins passe de 100 à près de 300 en quelques années. "Tout a prospéré jusqu'en 2011", se souvient-il. Cette année-là, la société Enedis, chargée du réseau de l'électricité en France, propose à Alain un nouveau tracé électrique. Ce n'est plus un système de distribution aérien, mais souterrain de 20 000 volts qui lui est soumis. Alain signe le contrat sans trop broncher, même s'il admet aujourd'hui qu'une clause l'a interpellé au moment de la signature. "Si le propriétaire des lieux souhaite déplacer l'installation, il est dans son droit. Cependant, cela se fera à ses frais."

Les mois qui ont suivi l'installation du transformateur électrique à la fin de l'année 2011 ont été "intrigants". La production laitière s'est amoindrie, passant d'une trentaine de litres par jour et par vache à seulement 20 litres. Les problèmes de santé sur les animaux ont également fait leur apparition. Les vaches étaient stressées, amaigries, et certains veaux avaient des problèmes de croissance. Au point même que dix bovins ont dû être euthanasiés le même jour, en 2017. "Mes frais de vétérinaire sont passés de 850 à 2 500 € par mois." Une situation qui ne serait pas due au travail de l'agriculteur. Toutes ces années, il les a usées à s'occuper de ses animaux malades. Alain se souvient avoir passé des soirées à chercher sur Internet d'où pourrait provenir le problème. C'est en 2015 qu'il tombe sur un article sur les champs électromagnétiques. Des courants électriques souterrains pourraient avoir un impact sur le comportement des animaux. L'agriculteur contacte Enedis et leur demande d'effectuer des tests pour contrôler les charges électromagnétiques des terres. Rien ne se passe.

"Je n'ai pas pu profiter de mes enfants"

"Tout partait en vrille." Les dettes auprès de ses fournisseurs s'accumulent, 450 000 euros en quatre ans. Le moral de l'agriculteur est au plus bas. Alain n'est plus vraiment présent dans le cercle familial. Autrefois, la famille avait pour habitude de partir en vacances. "Nous avions les moyens, mais lorsque je regardais les comptes de la ferme, nous pouvions faire une croix dessus." Son fils assis à côté de lui, Alain confie les larmes aux yeux : "J'avais la tête dans le guidon. Je n'ai pas pu profiter de mes enfants." Un crève-cœur qui l'a poussé à une tentative de suicide en 2020, un an après avoir déplacé le transformateur électrique, à ses frais. "Une fois les travaux effectués, l'économie de la ferme est repartie de plus belle. Ma vie avait un prix, 50 000 euros." Aujourd'hui, Alain Crouillebois intente une action en justice contre la société Enedis.

Contactée par Tendance Ouest, la société Enedis ne souhaite pas commenter une procédure judiciaire en cours.

Une vie en suspens

Juvigny Val d'Andaine. Une vie en suspens
Élouan, un des cinq enfants d'Alain Crouillebois, témoigne.

Les jours, mois et années qui ont suivi l'installation du transformateur électrique de 20 000 volts, le 15 novembre 2011, ont changé la vie d'Alain Crouillebois, agriculteur à Juvigny-Val-d'Andaine.

Élouan, 13 ans

"Papa était 
souvent en colère"

Dès les premières difficultés de l'exploitation agricole - les jours qui ont suivi l'installation du transformateur électrique de 20 000 volts, le 15 novembre 2011 - le comportement du père de famille a changé. Stress, insomnie et oppression ont impacté les relations avec ses enfants. "Papa était souvent en colère, il n'était pas facile à vivre et nous mettait souvent au coin", se souvient Élouan. Aujourd'hui, père et fils entretiennent une relation fusionnelle. Alain trouve le temps de l'aider à faire ses leçons.

[photo2]

Ici, mais la tête ailleurs

"J'étais vraiment 
au bout du rouleau"

Toutes ces années, Alain n'arrivait plus à dormir. Son médecin lui a prescrit de puissants somnifères. "J'étais vraiment au bout du rouleau, j'en prenais plus que ce qu'il ne fallait", confie l'agriculteur. Mais l'état de santé de ses animaux le contraignait à se lever la nuit, "déphasé", pour aller aider des vaches qui n'arrivaient pas à vêler. "C'était sept jours sur sept. 4 h 30 début de la journée, retour vers 21 heures. Je faisais plus de 100 heures dans la semaine."

Rapport du GPSE

Les problèmes ne seraient 
pas dus à l'exploitation

Trois ans après l'installation du transformateur électrique par Enedis, Alain entre en contact avec le Groupe permanent pour la sécurité électrique (GPSE). L'organisation vérifie la qualité de la nourriture donnée aux animaux, effectue des prises de sang et passe au crible la technique de l'éleveur. Quelques mois plus tard, un bilan est dressé par la GPSE. "Celui-ci indiquait que les comportements anormaux des vaches n'étaient pas liés à l'exploitation", explique l'agriculteur. La nouvelle est arrivée comme un soulagement : "Se dire que ça pouvait être de ma faute était très dur."

[photo4]

Couple brisé

30 ans de mariage
partis en fumée

"Certains de mes amis ne voulaient pas y croire." Après avoir vécu de "magnifiques" années, excepté les dernières qui ont été "compliquées", Alain et sa femme ont pris la décision de divorcer. Avec du recul, l'agriculteur explique "qu'elle devait non pas s'occuper de cinq enfants, mais de six". Pendant ces huit ans de présence partielle, "c'est elle qui faisait tout" à la maison. "Heureusement qu'elle était à mes côtés. Maintenant, je dois me reconstruire."

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2 commentaires

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Avatar des commentaires sur La Manche libre
thierry78 Il y a 2 ans

Le pot de terre contre le pot de fer
la procédure en cours et le jugement dans 10 ans !

Avatar des commentaires sur La Manche libre
Cece Il y a 2 ans

Et si ça fait ça aux animaux, ça fait quoi aux êtres humains ? Car après tout, on est des animaux aussi..... Avec toutes ces lignes enterré partout, c'est inquiétant !
Bon courage pour la procédure !

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