S'ils sont venus là, c'est pour la tranquillité. Raté. Roger et sa femme Anne-Marie, clouée dans un fauteuil roulant, ont été les premiers témoins de cette scène violente, l'autre matin devant la gare de Vire. Ils sont les pensionnaires de l'annexe de l'hôtel La gare des Étoiles, où s'est déroulée cette agression qui, sans l'intervention d'Alpha Moussavou, 23 ans, originaire de Libreville au Gabon, aurait pu tourner au drame familial.
Roger, dont la porte est voisine de celle de la jeune mère de famille agressée par son ex, dit que "cela a fait un gros bazar. J'ai entendu du bruit et puis aussi les cris des enfants". Si Roger et Anne-Marie sont provisoirement à l'hôtel, c'est en attendant de trouver un logement dans la région. "On arrive de l'Oise. Là-bas, c'est devenu invivable, trop d'insécurité. Ici, c'est plus calme." Du moins, en principe.
La scène dont le couple, derrière la cloison mitoyenne de son petit logement, a entendu le brouhaha s'est jouée à Vire, en plein centre-ville, place de la Gare, le 22 octobre, vers 7 heures et demie du matin, l'heure à laquelle Alpha Moussavou, jeune footballeur du club local et stagiaire en BTS par alternance à Color Concept, une entreprise de peinture industrielle en carrosserie, quittait son logement pour se rendre à la sous-préfecture. "D'habitude, je ne pars pas si tôt, mais je devais ce jour-là aller renouveler ma carte de séjour étudiant."
Il quitte Libreville pour devenir
footballeur en Normandie
La suite, elle s'est étalée quelques jours plus tard dans les journaux : Alpha a entendu des bruits de verre, il a d'abord cru à un cambriolage, mais a très vite compris qu'il s'agissait d'autre chose. Un homme venait de pénétrer par la fenêtre du petit appartement à la façade grise qui borde l'hôtel de la gare pour s'en prendre à la mère de ses cinq enfants qu'il tentait d'étrangler. "Les petits criaient 'Arrête papa, arrête !'."
Alpha est intervenu aussitôt pour maîtriser l'agresseur. La bagarre a duré quelques longues minutes. Finalement, la mère et ses cinq enfants ont été pris en charge par les secours appelés sur place et l'agresseur, le père de famille dont s'est séparée la maman, a été interpellé.
L'affaire a fait la une des journaux locaux. Alpha, lui, a repris son travail. Ses collègues sont admiratifs. "C'est notre star." Sauveur au grand cœur et très modeste : "C'est tout lui", dit son patron Ronan, qui l'a accueilli en stage dans l'entreprise l'an passé. "Je le connaissais bien parce qu'il avait été l'entraîneur de mon fils au football. Je savais ses qualités. Je n'ai pas hésité une seconde pour l'embaucher. D'ailleurs, il le sait bien : une fois qu'il aura décroché son BTS, il sera ici chez lui, la porte de l'entreprise lui est ouverte."
Alpha Moussavou est l'enfant d'une famille de cinq, originaire de Libreville où il a grandi, avec ses deux frères, Boubacar et Younoussa, et ses deux sœurs, Fatoumata et Idiatou. Son papa Diallo Alpha Amadou a une petite entreprise artisanale de tapisserie à Libreville, sa maman Diallo Djebana est mère au foyer. Alpha est le seul à avoir quitté son pays pour la France, ses sœurs sont parties au Sénégal faire des études de médecine.
À Libreville, il jouait au football, et c'est un agent qui l'a fait venir à Caen, il y a cinq ans. Cela ne s'est pas très bien passé. S'il n'a jamais percé dans le foot professionnel, Alpha a d'autres qualités : il a obtenu haut la main son baccalauréat et prépare aujourd'hui à Caen un BTS d'assistant de gestion en PME. "C'est quelqu'un de bien", répète Ronan, son tuteur.
Depuis qu'il est en France, Alpha n'est jamais retourné au Gabon, il n'en a pas les moyens. Cet été, il espère enfin pouvoir revoir sa famille pour ses vacances. "Ma maman m'appelle souvent pour savoir quand je vais rentrer. La famille me manque. Libreville aussi. C'est une ville qui sait accueillir les gens."
Lui sait ce que veut dire secourir les autres.
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