Pionnière de la peinture moderne, son talent et sa longévité (elle est morte presque centenaire en 1986) lui ont permis "d'être sur la vague de plusieurs mouvements de la modernité américaine", explique à l'AFP Didier Ottinger, commissaire de l'exposition, qui se tient au Centre Pompidou à Paris du 8 septembre au 6 décembre.
Gratte-ciel de New York vus en contre-plongée, fleurs géantes, ossements d'animaux blanchis dans le désert, paysages du Nouveau-Mexique (où elle a vécu de 1946 à sa mort), tableaux abstraits... Son oeuvre se renouvelle sans cesse, avec toujours en dominante la lumière, la sensualité, les jeux de couleurs et l'éblouissement face à la nature.
Le Centre Pompidou expose près d'une centaine de ses tableaux et dessins, la plupart prêtés par de grandes institutions américaines - le MoMA, le Metropolitan Museum de New York, l'Art Institute of Chicago, le Musée Georgia O'Keeffe de Santa Fe etc.
Le musée de Grenoble lui avait consacré une monographie à l'hiver 2015-2016, avec pour thème "Georgia O'Keeffe et ses amis". Mais c'est la première fois que la France monte une exposition dédiée uniquement à la peintre.
Georgia O'Keeffe naît en 1886 dans le Wisconsin, état rural, elle veut devenir peintre dès l'enfance, étudie puis enseigne les Beaux-Arts dans des écoles et universités. Elle réside au Texas, en 1916, lorsqu'une amie envoie ses dessins à la Galerie 291 à New York, un lieu qui expose les artistes modernes européens d'alors (Rodin, Picasso, Matisse...).
Le propriétaire, Alfred Stieglitz, figure de la photographie américaine, monte derechef une exposition de la jeune artiste. Sans la prévenir. Furieuse, elle débarque à New York pour une explication. Les tableaux ne seront pas décrochés, les deux artistes se marient en 1924 et le resteront jusqu'à la mort de Stieglitz en 1946.
La mythologie américaine
Stieglitz et O'Keeffe forment un couple devenu légendaire dans le monde de l'art. Mais pour une fois, la femme ne s'est pas effacée au profit de l'homme: il promeut les oeuvres de son épouse, qui très vite acquiert renommée et succès.
L'exposition de ses fleurs géantes en 1923 affole la critique, elle y décèle "l'expression du désir, de la sexualité féminine, voire des métaphores de l'orgasme féminin", raconte Didier Ottinger. "Cette lecture à clé unique" de critiques d'art qui viennent de découvrir les théories de Freud, "ça la fatigue un peu", sourit-il.
"Ils parlaient d'eux-mêmes, pas de moi", assure la peintre avec une pointe de défi dans la voix, dans un film projeté en fin de parcours à Beaubourg.
Lorsqu'elle meurt en 1986, le New York Times explique qu'"elle a montré au public américain qu'une femme pouvait être l'égal de n'importe quel homme dans son domaine de prédilection".
Elle est à la fois l'auteur d'une oeuvre célébrée et "une figure, un personnage aux Etats-Unis", où elle est "presque plus connue que Norman Rockwell et Edward Hopper", dit le commissaire de l'exposition.
Elle appartient à "la mythologie américaine", note un panneau de l'exposition. Un de ses tableaux a été adjugé pour 44 millions de dollars (37 millions d'euros) en 2014, un record pour un tableau d'une peintre femme.
Mais alors pourquoi est-elle si méconnue en Europe? Même la Tate Modern à Londres a attendu 2016 pour lui consacrer une grande exposition.
"Elle échappe à nos grilles de lecture", avance Didier Ottinger. "On a longtemps considéré que l'histoire de l'art moderne américain commençait en 1947 avec les +drippings+ de Jackson Pollock", dit-il. "L'art américain d'avant 1945 est très peu présent dans nos collections, et dès lors très peu étudié".
Le Centre Pompidou ne possède qu'une toile de Georgia O'Keeffe.
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