Il n'est plus tout jeune, se déplace difficilement, souffre d'arthrose et sa hanche lui fait des misères. Une grosse barbe en désordre, des cheveux en bataille, Patrick Hervé, 71 ans, célibataire, n'habite plus dans la grande "maison de maître" de Castilly où il vécut une grande partie de sa vie, d'abord avec ses deux parents, Pierre et Yvette, tous deux anciens d'Air France, puis tout seul depuis leurs décès : "Je m'étais préparé à les voir partir. Ma mère souffrait de problèmes cardiaques. Mon père pareil, un jour sa pile a lâché."
Il y a deux semaines, tout chez lui est parti en fumée : Patrick "le solitaire" a perdu sa maison. Le feu s'est déclaré à l'étage et la fumée noire a envahi toutes les pièces. C'est ce qui l'a réveillé. "C'est à ce moment là que j'ai appelé les pompiers." Il était 9 h 27 le lundi 16 août.
L'intérieur de la maison a été entièrement détruit.
Trois des pièces de sa grande maison de la "Ferme du Mercy" ont été détruites, deux à l'étage et une au rez-de-chaussée. Le couloir a été calciné et tout l'intérieur complètement noirci. C'est impressionnant. Le maire de Castilly Anthony Lévêque a fait des photos : "La maison est inhabitable en l'état."
Antony Lévêque, le maire de Castilly s'est rendu sur place, à la ferme de Mercy juste après l'incendie.
Les experts de l'assurance sont venus récemment évaluer les dégâts. Patrick Hervé attend leur verdict comme il attend de savoir ce qui a bien pu provoquer l'incendie dont il se dit, lui, qu'il n'est pas "venu tout seul. Tout le monde sait que je ne verrouille jamais les portes".
"Je ne me plains pas.
Il arrive ce qui doit arriver..."
Les gendarmes enquêtent, l'affaire est troublante : il y a dix ans déjà, Patrick Hervé avait été victime d'un premier incendie chez lui dans les dépendances de la ferme. Il n'y a pas de fumée sans feu ? Au village, certains s'interrogent : les relations entre Patrick et son proche voisin agriculteur, liés, tous deux, par une histoire de viager et de dettes, ne sont pas au beau fixe. Patrick a déposé plainte le jeudi 19 août à la gendarmerie. Il accuse son voisin d'avoir mis le feu. "Cet incendie est criminel", est-il écrit sur le PV d'audition. On raconte que l'agriculteur, un sacré colosse au caractère ombrageux, fait souvent le coup de poing, y compris avec son propre frère avec qui il était en GAEC autrefois, avant que leur association ne tourne au vinaigre. "Un jour, il lui a tiré dessus sur son tracteur." C'était en juillet 2014 : l'agriculteur irascible fut condamné à un an de prison dont huit mois avec sursis.
Patrick, depuis qu'il est seul sans ses parents, vit chichement. "J'ai tout perdu, j'ai rendu des services, prêté de l'argent au voisin quand il avait des coups durs. En ce temps-là, il m'aimait bien." Tellement bien que Patrick avait décidé de lui vendre sa maison en viager. "Cela me faisait un petit complément de retraite." Quand les dépendances ont brulé il y a dix ans, le voisin lié par son viager a touché une grosse indemnité et Patrick, lui, a été placé sous curatelle. "J'attends toujours que le voisin me rembourse." Une procédure est en cours pour régler le litige.
C'est l'Association Tutélaire des Majeurs Protégés du Calvados, qui gère désormais son quotidien. L'association accompagne les personnes jugées vulnérables. Avec la mairie de Castilly, elle s'est chargée de reloger le vieux garçon. Juste après l'incendie, Patrick a séjourné à l'hôtel de France à Isigny-sur-Mer dans une toute petite chambre avec un simple lit, un coin toilettes et une télé accrochée au mur. Il passe son temps à regarder la télé, trouve le sommeil en prenant un cachet chaque soir pour s'endormir. Depuis peu, la commune lui a retrouvé un logement près de l'ancienne école. Patrick prend les choses comme elles viennent. "Moi, j'ai toujours eu une vie tranquille. Je ne me plains pas. Il y a d'autres plus malheureux que moi. Je ne suis attaché à rien. Ma vie a toujours été comme cela. Il arrive ce qui doit arriver."
Patrick ne reverra peut-être jamais plus sa maison. "Elle était pourtant très belle." Aujourd'hui, elle n'est plus grand chose, les murs cachent la misère. Toute une vie partie en fumée.
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