Quels objectifs dans ce mariage?
Sur fond de réchauffement climatique et de préoccupations environnementales croissantes, Veolia voit la demande croître, qu'il s'agisse d'eau, de traitement des déchets ou de gestion de l'énergie. Au total, un secteur à 1.400 milliards d'euros annuels.
"La pression de l'opinion publique, le Green Deal européen et les plans de relance qui s'annoncent dans de nombreux pays font de l'ambition écologique une nécessité. Ce projet nous permettra de compléter les solutions que nous fournissons aux acteurs publics et privés", explique son PDG Antoine Frérot.
"La taille fait la force", argue-t-il, pour développer "les innovations. Par exemple la capture du carbone pour en réensemencer les sols, le recyclage de déchets comme le polystyrène".
Veolia fait valoir que le rachat de Suez permettrait aussi de réaliser 500 millions d'euros annuels de synergies: immobilier, achats, internalisation de prestations, etc.
Un futur mastodonte mondial?
Avec ce mariage, Veolia réaliserait un vieux rêve, objet de récurrentes spéculations, et créerait une marque unique, pesant plus de 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires aujourd'hui.
Réunis, Veolia et Suez, numéros un et deux mondial de leur secteur, représenteraient pour autant moins de 5% du marché mondial, morcelé en une myriade d'acteurs à l'international.
Mais "il y a un début de concentration", prévient Veolia, et "les fonds d'investissement l'ont repéré les premiers".
M. Frérot note aussi la montée de groupes chinois, notamment "Beijing Group, qui sera notre grand concurrent mondial".
Engie vendra-t-il ses parts?
Pour avaler Suez, Veolia veut commencer par le rachat de la quasi totalité des parts d'Engie, actionnaire principal, avant, dans un second temps, de lancer une OPA destinée aux autres actionnaires.
Antoine Frérot a transmis dimanche à Engie une proposition ferme de 2,9 milliards d'euros pour 29,9% de Suez. Une offre en cash, à 15,50 euros par action, soit 50% de plus que le cours de Suez en juillet.
Pour Xavier Regnard, analyste chez Bryan Garnier, Engie devrait avoir du mal à refuser la proposition: "c'est une bonne opportunité, le prix est +fair+ (juste NDLR), le sujet de sa participation dans Suez traîne depuis longtemps."
Engie a un mois pour répondre. L'Etat, son actionnaire de référence, aura son mot à dire, en fonction "de la qualité du projet industriel, du maintien d'une pluralité d'acteurs sur les services aux collectivités locales", a dit le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Suez est-il partant?
Lors d'un point presse lundi, M. Frérot avait appelé "l'ensemble des équipes (de Suez) y compris son top management à nous rejoindre sur ce beau défi". Vantant leur "culture professionnelle commune", il affichait sa confiance et espérait boucler l'opération d'ici quelque 18 mois.
Mais après une réunion de son conseil d'administration lundi, Suez a pointé une "démarche non sollicitée" et les "grandes incertitudes" qu'entraînerait l'opération".
Il met aussi en avant "la complexité du processus retenu", qui selon lui "conduirait à deux années de perturbations opérationnelles", et fait état de "préoccupations sur l'avenir des activités de traitement et de distribution de l'eau en France, et sur l'emploi au regard du montant des synergies espérées".
Suez emploie quelque 90.000 personnes sur les cinq continents, dont un tiers en France, et Veolia près de 180.000.
Quels autres obstacles anticiper?
L'opération sera passée au crible de la législation antitrust, sujet qui avait déjà bloqué des discussions en 2012.
Ce problème de concurrence pèse surtout en France, juge Veolia, qui a pris les devants en trouvant un repreneur pour les activités eau de Suez: la société Meridiam. Pour les déchets, le groupe attend de discuter avec l'Autorité de la concurrence.
Lundi, deux ONG - Le Front républicain d'intervention contre la corruption (Fricc) et l'Association pour le contrat mondial de l'eau (Acme) - ont annoncé saisir l'Autorité de la concurrence ainsi que la Commission européenne pour s'opposer au projet, qui déboucherait selon eux sur "un monopole dans les services publics de l'eau, de l'assainissement, des déchets et de l'énergie", sans compter "un risque énorme" pour les salariés des deux groupes.
De son côté, l'Etat a prévenu qu'il serait vigilant sur les engagements en matière d'emploi pris par Veolia, qui a assuré que l'opération n'aurait "aucun impact négatif" en France.
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