La campagne de désinformation et de propagation de théories du complot a démarré il y a un mois, à un moment où le nombre de morts en Chine était de trois et l'épidémie n'en était qu'à 200 cas à Wuhan, selon ces responsables. Aujourd'hui, le bilan est monté à plus de 2.200 morts et 75.000 cas en Chine, et plus d'un millier de cas dans 26 autres pays.
La campagne russe rappelle les tentatives du KGB pour faire croire, pendant la Guerre froide, que le VIH était une invention de scientifiques américains.
"Le but de la Russie est de semer la discorde et d'affaiblir de l'intérieur les institutions des Etats-Unis et leurs alliances, y compris au travers de campagnes souterraines et pernicieuses", a estimé Philip Reeker, sous-secrétaire d'Etat chargé de l'Europe et de l'Eurasie.
"En disséminant la désinformation sur le coronavirus, des acteurs russes malveillants choisissent une fois de plus de menacer la sécurité publique au détriment de la réponse globale" à l'épidémie, a-t-il ajouté.
Les responsables de la diplomatie américaine chargés de lutter contre la désinformation russe disent que des comptes aux noms de personnes fictives reproduisent des lignes d'attaques russes, non seulement en anglais mais aussi en français, en espagnol, en italien et en allemand.
Les théories propagées incluent l'idée que le virus a été créé par les Etats-Unis pour "faire une guerre économique à la Chine", que c'est une arme biologique inventée par la CIA, ou encore qu'il fait partie d'une stratégie occidentale de "messages anti-Chine".
Des tweets accusent aussi faussement le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, dont la fondation a investi des milliards de dollars dans des programmes de santé internationaux.
Les milliers de comptes impliqués étaient surveillés pour s'être ingérés dans diverses crises à travers le monde, de la guerre en Syrie aux manifestations au Chili et en France avec les gilets jaunes. Ils postent des messages "quasi-identiques" sur le coronavirus, selon un rapport préparé pour le Global Engagement Center du département d'Etat, la cellule de lutte contre les campagnes de désinformation étrangères.
Comptes coordonnés
Contrairement à d'autres sujets où l'activité dure généralement trois jours, les comptes s'activent depuis un mois, selon les responsables américains, signe de l'importance accordée à l'affaire par les Russes.
"C'est typique de la doctrine russe de confrontation informationnelle", explique un responsable. "Le nombre mondial de cas du coronavirus n'a pas atteint son pic, donc la stratégie russe est d'exploiter l'environnement informationnel de façon très peu coûteuse mais très efficace, afin de semer la discorde entre la Chine et nous, ou pour des raisons économiques".
Le département d'Etat fait coïncider le début de la campagne sur internet au 20 janvier, quand les médias contrôlés par l'Etat russe ont commencé à diffuser des articles et interviews anti-occidentaux sur les origines de l'épidémie, notamment RT et Sputnik. Les opérateurs des comptes ont commencé le lendemain.
"Il est peu probable que ce soit une coïncidence", dit un responsable. "Quand les médias russes ont commencé à sortir ces théories, les comptes russes ont vraiment commencé à les promouvoir mondialement".
"Ces milliers de comptes travaillent de concert les uns avec les autres, au quotidien, avec des phrases, un ton et un rythme identiques. On peut tous les relier assez facilement à RT, Sputnik et d'autres médias liés à la Russie".
"Ce ne sont pas des robots, ce sont de vraies personnes derrière un clavier", ajoute le responsable.
"On peut ainsi voir pleinement à l'oeuvre leur écosystème de désinformation, incluant des télévisions d'Etat, des sites internet qui leur sont proches et des milliers de fausses identités sur internet qui, tous, poussent les même thèmes", a commenté Lea Gabrielle, qui dirige le Global Engagement Center.
Washington considère que la désinformation russe nuit à la réponse sanitaire contre le virus, notamment en Afrique et en Asie.
"Ces opérateurs semblent avoir carte blanche pour semer la discorde", dit un responsable du département d'Etat, en affirmant que les trolls russes étaient autonomes et n'agissaient pas forcément sur ordre explicite.
"Il n'est pas nécessaire qu'un thème particulier soit décidé au plus haut niveau. Ils ont la capacité indépendante d'opérer dans cet espace pour infliger les dommages qu'ils souhaitent, avec des conséquences potentiellement catastrophiques".
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