Des cibles sur leurs t-shirts, des slogans énervés: plus d'un millier de policiers manifestent mercredi devant le ministère de la Justice, un rassemblement exceptionnel pour exprimer leur malaise.
Face à cette manifestation qui ravive la guerre police/justice, le Premier ministre Manuel Valls s'apprête à monter en première ligne et fera "un certain nombre d'annonces et de propositions" à 14H00 avec la garde des Sceaux Christiane Taubira et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
Répondant à l'une des revendications des manifestants, le président François Hollande recevra les syndicats de police et de justice "la semaine prochaine", a aussi annoncé le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll.
Affirmant être plus de 5.000, les policiers sont en "colère" et le scandent place Vendôme, pour la première fois depuis 1983. La place est envahie d'une nuée orange et blanche laissée par les fumigènes, et de drapeaux bleus et blancs aux couleurs des syndicats. Sur un échafaudage, une banderole noire : "Police/justice: la rupture".
"Sortez vos sifflets et soufflez tous pour protester contre ces tueurs de flics libérés par le système", lance un policier dans les haut parleurs. Sur un drap blanc un slogan dénonce "Justice en carton : Policiers en dépression".
La goutte d'eau qui a fait déborder le vase est la grave agression de l'un des leurs, blessé par un malfaiteur en cavale, la semaine dernière en Seine-Saint-Denis. Le fugitif a été tué lors de la fusillade.
Mais les doléances des policiers vont bien au-delà et la colère gronde depuis des mois.
- "Patrouille non stop" -
"Les policiers, héros du mois de janvier" après les attentats "sont devenus les oubliés de la République", tonne Jean-Claude Delage pour Alliance, premier syndicat de gardiens de la paix.
Nicolas Comte, pour Unité-police SGP, évoque un "état de fatigue préoccupant". "Un ras-le-bol, une perte du sens du métier", renchérit Patrice Ribeiro de Synergie, deuxième syndicat d'officiers.
Tous pointent une "explosion des violences", un "manque de moyens", des "missions peu claires", une "absence de réponses pénales".
"Depuis les attentats de janvier, on fait les plantons et on patrouille non stop. Les moyens ne sont pas là, on nous a repris nos gilets pare-balles périmés et on a un seul gilet neuf pour tout le commissariat, qui est porté 24h/24", témoigne un officier parisien sous couvert d'anonymat.
Et les sollicitations ne risquent pas de diminuer dans les prochains mois, avec deux événements annonciateurs d'une sécurité maximale: la conférence de l'ONU sur les changements climatiques (COP 21) au cours de laquelle les représentants de 195 pays sont attendus à Paris début décembre, et l'Euro-2016 de football (10 juin-10 juillet).
"Il faut éviter les emportements et les amalgames et toutes les propositions qui affaiblissent la relation entre la police et la justice", a insisté Bernard Cazeneuve, tentant l'apaisement mardi lors d'un discours devant les forces de l'ordre. "Je ne peux accepter que des policiers et des gendarmes puissent être atteints par des personnes qui devaient être en prison", a martelé le ministre de l'Intérieur.
De son côté, Christiane Taubira a insisté mardi sur la nécessité de "prévenir tout risque de libération injustifiée" de détenus. Elle a aussi dit envisager de mieux encadrer les permissions de détenus.
L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) a déploré que l'émotion suscitée par "le drame" d'un policier blessé "par un condamné en état d'évasion" donne lieu "à une polémique stérile visant à opposer artificiellement police et justice".
En 1983, une manifestation de quelque 1.500 policiers conspuant les ministres de gauche, devant le ministère de la Justice après la mort de deux fonctionnaires tués par Action directe, est restée dans les mémoires.
Plusieurs centaines de policiers "fatigués" et en "colère" étaient aussi rassemblés mercredi devant les tribunaux à Lille, où ils chantaient la Marseillaise, à Toulouse ou à Marseille, ainsi que quelques dizaines à Ajaccio, Bastia, Montauban ou Foix.
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