Mardi 10 juin, la commission d'enquête sur les effets de TikTok sur la santé mentale des jeunes s'est transformée, en direct, en une séquence aussi lunaire que virale. En cause ? L'audition de cinq influenceurs aussi puissants que décriés.
Ils représentent les contenus les plus problématiques signalés par les internautes : sexisme, virilisme, mises en scène violentes ou pratiques commerciales douteuses.
- Nasdas : surnommé le "Robin des bois de Perpignan", connu pour ses distributions d'argent sur Snapchat, mais aussi pour ses mises en scène.
- Alex Hitchens (Isac Mayembo) : ex-basketteur devenu influenceur masculiniste, célèbre pour ses vidéos de "drague de rue" et ses propos sexistes assumés.
- AD Laurent : ancienne figure de la téléréalité devenue acteur pornographique, il partage des contenus sexuels parfois dégradants sur des plateformes tout public.
- Manon et Julien Tanti : couple emblématique de la téléréalité, décriés pour leurs placements de produits et la mise en scène de leur vie privée avec leurs enfants.
Arthur Delaporte, le député normand qui recadre TikTok
A la manœuvre, Arthur Delaporte, député socialiste du Calvados, devenu malgré lui la star du jour. Président de la commission, il a incarné une forme de calme autorité dans un décor surréaliste, rappelant à plusieurs reprises que "la commission n'est pas un tribunal, mais qu'elle doit poser des limites claires sur les contenus inacceptables" avec une posture ferme et critique, soulignant que "le respect des règles de politesse et du cadre institutionnel est essentiel."
Des scènes surréalistes inappropriées à une assemblée
Plusieurs scènes ont ainsi fait le tour des réseaux sociaux. A Alex Hitchens, qui l'interrompait sans cesse, Arthur Delaporte rétorque à plusieurs reprises :
"Pardonnez-moi, je vais finir." "Je vous demande de me laisser finir." "Excusez-moi, je suis président de la commission d'enquête."
Finalement, Alex Hitchens quitte la visioconférence d'un cinglant "Au revoir Monsieur", coupant court à l'audition. Une sortie inappropriée. Le député y a réagi, affirmant que l'affaire serait traité "sur le volet judiciaire".
Argent, buzz et clashs : quand l'Assemblée devient un plateau
Autre moment étonnant : l'échange entre Nasdas et Arthur Delaporte sur les revenus de l'influenceur.
– Delaporte : "Combien êtes-vous rémunéré ?"
– Nasdas (après une longue pause) : "Après c'est un chiffre d'affaires, ça vient pas dans ma poche…" Nouvelle pause : "Mais en CA on est à plusieurs millions. Et vous ?"
– Delaporte : "Le salaire net d'un député c'est à peu près 5 000€."
– Nasdas : "J'ai vu à l'extérieur, j'étais étonné, vous avez des chauffeurs."
– Delaporte : "Ce sont des chauffeurs partagés, une dizaine pour toute l'Assemblée."
Scène surréaliste, là encore, partagée en boucle sur X (ex-Twitter), TikTok et Instagram. Comme celle où Alex Hitchens confond sa droite et sa gauche en prêtant serment. Et bien d'autres encore…
Une commission sérieuse noyée dans le divertissement
Arthur Delaporte l'a pourtant rappelé : "Si TikTok et l'ensemble des plateformes ne font pas leur travail, à un moment, il faut les couper. Les propos sexistes, violents ou discriminatoires ne peuvent pas être banalisés sous prétexte de liberté d'expression."
La mission de la commission est claire : comprendre les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, réguler les contenus sexistes ou violents, et protéger les plus jeunes. Mais sur des plateformes où le scandaleux génère plus de vues que la prévention, cette tâche semble à la fois nécessaire… et terriblement ironique.
L'ironie d'un buzz… sur ceux qui font du buzz
En effet : des séquences, pourtant issues d'un travail parlementaire sérieux, sont devenues virales parce qu'elles étaient absurdes. Alors que l'audition de créateurs plus "vertueux" comme Hugo Décrypte, une semaine plus tôt, n'avait attiré ni caméras, ni parlementaires, ni clics.
Le "remplissage" de la salle lors de l'audition d'Hugo Décrypte, quelques jours plus tôt. - Capture d'écran
La commission s'est donc retrouvée coincée malgré elle dans le grand jeu du divertissement : en s'interrogeant sur les mécanismes de ces influenceurs (chercher la viralité avant la décence du contenu), elle a produit exactement le type de contenu qui buzze sur TikTok. Compilation des meilleurs moments, détournements, memes : les internautes s'en sont emparés comme d'une nouvelle téléréalité.
Les "threads" fleurissent sur Twitter et Instagram et les extraits deviennent viraux sur TikTok. - Capture d'écran
Et un député normand, calme et précis, est devenu malgré lui la caution morale d'un débat où la politique flirte avec le divertissement. A croire que même les institutions peinent à échapper à la logique de l'algorithme.
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