![[Dossier] Rouen. Le Pont Flaubert, un ouvrage unique pensé pour l'Armada](https://medias.tendanceouest.com/photos/1200/409420/)
C'est lui aussi une star de l'Armada. Et un chef-d'œuvre, pour qui s'intéresse aux ouvrages d'art. Le pont Flaubert, avec ses deux tabliers indépendants qui se lèvent à 55 mètres de hauteur, est le plus grand équipement de ce type en Europe. Cette sixième traversée de la Seine à Rouen a été mise en circulation en 2008 et présente des caractéristiques hors norme, avec ses quatre pylônes qui s'élèvent à 86 mètres (plus haut que la tour des archives), ses tabliers de 1 300 tonnes, ses 3 500 mètres de câbles qui représentent à eux seuls 100 tonnes d'acier, ou encore ses 32 moteurs qui permettent, via huit treuils, d'actionner son mécanisme.
Il est aussi, au fil des années, devenu une véritable signature qui marque l'entrée de la ville de Rouen. "Ce pont est bien équilibré, il s'intègre bien dans le paysage portuaire et je peux dire que j'en suis amoureux. Il est très beau. C'est une fierté", explique Vincent Percepied, gestionnaire des ouvrages d'art à la Direction des routes nord-ouest (Dirno), perché sans vertige en haut de l'un des pylônes du pont au coucher du soleil. Cet ouvrage, il le connaît comme sa poche et en dévoile quelques-uns des secrets.
Car en plus d'esthétique, le pont Flaubert est une merveille de technologie. Par une passerelle puis une petite porte métallique, on arrive à l'intérieur des tabliers de 120 mètres de long pour 17 mètres de large. Les vibrations sont impressionnantes et un bruit assourdissant résonne dans la structure d'acier à chaque passage de voiture ou de camion, trois mètres au-dessus. "Les vibrations sont compensées par tous les systèmes de ressorts et de contrepoids que l'on va trouver aux extrémités du caisson et au milieu", indique le professionnel.
32 moteurs sous la Seine
Quelques mètres plus loin, s'érigent les pylônes, creux, qui accueillent les systèmes de câbles et contrepoids qui permettent de lever le pont. Car les 1 300 tonnes des tabliers ne reposent que pour 350 tonnes sur les piles. Les 950 tonnes restantes sont soutenues par les câbles, constamment sous tension, et des contrepoids qui se trouvent dans le pylône opposé. L'action des moteurs n'exige donc de soulever "que" les 350 tonnes restantes, en tirant sur les contrepoids.
Ces moteurs et treuils gigantesques se trouvent sous le niveau de la Seine, à l'intérieur des socles du pont. Un autre ascenseur permet cette fois de gagner les sommets : le haut du pylône, puis par une échelle et un minuscule escalier, la plateforme du papillon d'où se dévoile une vue imprenable. Chaque papillon compte 64 poulies de plus de trois mètres chacune.
Si l'ouvrage est unique, les coûts liés à sa maintenance ou aux opérations de levée des tabliers sont aussi considérables.
Le pont Flaubert, majestueuse porte d'entrée vers le centre historique de Rouen, est aussi un équipement coûteux. Pas question évidemment de le laisser vieillir sans entretien. Son mécanisme de levée des tabliers doit être régulièrement actionné pour s'assurer de son bon fonctionnement. Son avantage, par rapport à son cousin le pont Chaban-Delmas de Bordeaux, est qu'il ne possède, non pas un, mais deux tabliers indépendants l'un de l'autre. Cela permet de ne pas couper complètement le trafic mais de mettre en place une circulation alternée quand il doit être levé pour des opérations de maintenance. Il faut au total 12 minutes pour lever complètement les deux tabliers de 1 300 tonnes chacun, à l'aide de huit treuils et de 32 moteurs pour une puissance totale d'environ 37 000 W. Il faut donc une énergie considérable pour lever les tabliers. "Le coût du lever est de 15 000 euros, pris en charge à 100 % par l'État", explique Vincent Percepied, gestionnaire des ouvrages d'art de la Direction des routes nord-ouest (Dirno), en charge du maintien en condition du pont Flaubert. Ce coût se répartit entre l'énergie nécessaire, le coût du déploiement des équipes pour mettre en place une déviation de la circulation et le coût du prestataire qui effectue la manœuvre pour le compte de la Dirno, en l'occurrence Eiffage métal. "On lance la manœuvre à partir d'un pupitre depuis la tour de contrôle, explique Thomas Leleu, automaticien en charge des levées du pont. C'est assez simple. Le reste de l'équipe patrouille dans le pont pour écouter les bruits, vérifier que les câbles se tendent bien…" Le technicien n'est pas peu fier de travailler sur un tel ouvrage et sera aux commandes pour l'Armada. "En 2019, le spectacle était exceptionnel. J'ai beaucoup aimé le passage du Cuauhtémoc", se souvient-il.
700 000 euros de maintenance par an
Le pont Flaubert, c'est un budget de 700 000 euros par an pour la maintenance, ou le maintien en conditions opérationnelles, comme le disent les professionnels. Lors d'opérations décennales, ce budget est encore plus élevé. Pour l'Armada, les professionnels s'assurent que tout est prêt et actionnent le pont à plusieurs reprises avant le grand jour. Il se refait aussi une beauté pour l'occasion. "On va nettoyer tous les éléments caractéristiques du pont : les gabions, les socles, les piles, la partie basse des pylônes, la partie inférieure des tabliers, les corniches… On avait fait la même chose pour la dernière Armada", explique Vincent Percepied. Ces opérations se sont poursuivies jusqu'au vendredi 2 juin. Le pont doit se lever à quatre reprises pour l'arrivée des bateaux, du mardi 6 au samedi 10 juin, entre 21 heures et 5 heures du matin pour gêner le moins possible la circulation. Il se lèvera en journée le dimanche 18 juin pour laisser passer tous les navires pour la grande parade.
Le pont Flaubert est un ouvrage unique aux mensurations impressionnantes.
Structure. La structure du pont est composée de 36 pieux, de 21 200 m3 de béton et de 3 000 tonnes d'armatures en acier.
1 300 tonnes. C'est le poids de chacun des deux tabliers qui mesurent 120 mètres de long, 17 mètres de large et trois mètres de haut.
Structure et papillon. Les pylônes atteignent 66 mètres de hauteur et sont surmontés de papillons, une structure en acier de 450 tonnes, 17 mètres de hauteur et 30 mètres de largeur. Ils comptent 64 poulies d'environ trois mètres de diamètre chacune.
Socle. Les deux socles abritent les mécanismes et contrepoids, attachés par 32 câbles d'acier de 8 cm de diamètre pour hisser les tabliers à l'aide de huit treuils et 32 moteurs surpuissants.
Gabions. Les quatre gabions, cylindres de 20 mètres de diamètre et 16 mètres de haut, tout près des pylônes, permettent de protéger l'ouvrage contre les chocs éventuels avec les bateaux.
Viaduc. Les viaducs d'accès sont composés de 128 pieux, de 7 590 m3 de béton et de 865 tonnes d'armature en acier pour la structure, de 4 300 m3 de béton, 1 180 tonnes d'armatures et 5 600 tonnes d'acier pour les tabliers.
Trafic. Environ 50 000 véhicules par jour empruntent le pont Flaubert.
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