La rue des Hauts-Vents s'enfonce dans la campagne, elle est bordée de petites maisons. La mairie du Castelet, commune nouvelle née de la fusion de Garcelles et Saint-Aignan-de Cramesnil, 1 600 habitants, a fait installer au carrefour des images d'autrefois posées sur des panneaux de bois.
Ici, on rappelle que la commune comptait, avant la Première Guerre mondiale, cinq cafés et "un marchand de nouveautés". Les photos sépia montrent le commerce de Clémentine et, en arrière-plan, la carriole de La Baladaine, la charcutière qui faisait régulièrement sa tournée.
Au n°13 de la petite rue tranquille, la maison des Bachelot n'est plus qu'un tas de cendres. Il n'y a que le sous-sol qui n'a pas été touché, tout le reste est parti en fumée. Sur la porte d'entrée, à l'extérieur, a été placardé un "arrêté de péril ordinaire", la maison est inhabitable. À l'arrière, sur la pelouse, un tas de débris reposent au pied de la haie. La terrasse au devant est encombrée de gravats. Au fond, le portique de la balançoire est encore debout. On prévient le visiteur trop curieux, un petit panneau est posé près de la porte, il date d'avant l'incendie : "Mon chien couvre la distance niche-portail en 2,5 secondes. Si vous êtes moins rapide, restez à l'extérieur".
Le jeudi 23 septembre, Claire, la mère de famille, la cinquantaine, était seule à la maison quand le feu s'est déclaré, vers midi. D'ordinaire, la famille, quand elle est au complet, compte, outre les deux parents, Claire assistante familiale et Stéphane carrossier, leurs trois enfants, François 18 ans, Clément 21 ans et Rémi, 25 ans, ainsi que deux autres enfants dont s'occupe Claire et qui lui ont été confiés par les services sociaux. "Ce sont nos frères et sœurs de cœur", dit joliment Rémi, en parlant de Mathis et Océane, 13 et 11 ans.
Rémi, l'aîné, est le seul à ne pas habiter sous le toit familial, il travaille au Centre E.Leclerc de Falaise, responsable du rayon "liquides". On l'a informé peu de temps après que le feu a commencé à ravager la maison. "Je suis arrivé aussitôt, ma mère était dans la rue avec les pompiers et les gendarmes. Forcément choquée." Il peine à parler. "C'est compliqué de voir vingt et un ans de sa vie partir en fumée." Claire et Stéphane ont construit leur maison en 2000. Leurs enfants y ont grandi.
Le même type d'incendie
dans la commune il y a 15 ans
Le feu a pris on ne sait comment, sans doute dans l'une des trois chambres à l'étage. Florence Boulay, 55 ans, maire du Castelet et conseillère départementale, connaît bien la famille. "Je suis arrivée sur place peu de temps après les pompiers. C'était l'effroi."
Aussitôt, la mairie a demandé aux habitants de se mobiliser. "Nous avons envoyé une alerte SMS et lancé une cagnotte de solidarité." Ladite cagnotte a permis d'obtenir un peu plus de 7 000 € en un rien de temps. Chacun a donné ce qu'il a pu. Les entreprises locales ont été mises à contribution. Une association locale a proposé de fournir des matelas. "Spontanément, dit encore Florence Boulay, les habitants se sont aussi mobilisés pour fournir des produits de première nécessité et des vêtements."
Cette chaîne de solidarité va droit au cœur de la famille Bachelot. C'est Rémi qui parle au nom de ses parents : "Merci du fond du cœur. On ne s'attendait pas à cela. C'en est même gênant." Florence Boulay, elle, y voit un signe réconfortant "dans ce monde où l'individualisme prime souvent sur tout le reste".
Curieux signe du destin : il y a une quinzaine d'années, un autre pavillon familial à Garcelles avait été détruit par un incendie. L'une des filles de la famille, meurtrie à l'époque, les Huet, était la camarade de classe de Rémi. Florence Boulay s'en souvient très bien. "Pour cette famille aussi, nous nous étions mobilisés. C'est notre rôle à nous, élus, que d'aider et accompagner les nôtres."
Rue des Hauts-Vents, aujourd'hui, le numéro 13 est devenu un symbole de solidarité.
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