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Rouen. Pour convaincre, les vendeurs de CBD travaillent leur image

Consommation. Les vendeurs de CBD s'évertuent à associer ce produit au bien-être, plutôt qu'à la drogue. En l'espace de quelques mois, le marché est presque arrivé à saturation dans le centre de Rouen. En raison de son lien éloigné avec le cannabis, la vente de CBD est particulièrement contrôlée.

Rouen. Pour convaincre, les vendeurs de CBD travaillent leur image
Comme d'autres vendeurs, Jason Lair fait en sorte de promouvoir une image positive des produits à base de CBD.

Des tons clairs, une décoration minimaliste et des produits sobrement mis en avant sur des étagères le long des murs. S'il n'y avait pas des pots remplis de fleurs de chanvre étalés sur le comptoir, on pourrait facilement se croire à l'entrée d'un institut de beauté ou dans la dernière boutique de smartphones. L'ambiance chez Sensity, l'un des derniers venus dans le centre-ville de Rouen, démontre une évolution dans l'image renvoyée par le CBD, ou cannabidiol, ce cousin éloigné et légal du cannabis (voir ci-dessous). Aujourd'hui, les gérants de ces boutiques cherchent délibérément à se démarquer d'une image de "drogue légale" qui a pu leur coller à la peau.

Opération dédiabolisation

"Nous, on est partis du principe de dédiaboliser cette plante, grâce au CBD, explique Jason Lair, le responsable des ventes. Ça passe beaucoup par l'argumentaire auprès des clients, sur les effets de la plante, mais aussi par l'image que l'on renvoie. Toutes les boutiques qui ressemblent à des coffee-shops hollandais, je pense que ça dessert la cause." Sans vert criard ni grosse feuille facilement reconnaissable, ici, le lien entre le CBD et le cannabis tel qu'il apparaît dans l'imaginaire collectif est plus suggéré qu'ostentatoire. "Je ne veux pas attirer les gens qui sont attirés par ces symboles parce que c'est à la mode", justifie le responsable.

Un peu plus loin, Quentin Bénard reçoit dans une jolie petite échoppe de la rue de la Vicomté. Là aussi, la présentation est soignée, dans des couleurs qui collent tout de suite au langage visuel du bien-être et de la détente. Pour le jeune entrepreneur, qui a créé la marque Oncle Ben, "ce n'est pas que du marketing". Convaincu des vertus de ses produits, il rappelle tout de même un axe majeur de sa communication et de son argumentaire de vente : "Nous pouvons parler de plein de choses, mais on ne peut pas parler des vertus thérapeutiques. Moi, je ne suis pas médecin. Dans ce cas, on ne parle pas de cannabis thérapeutique mais de cannabis bien-être."

"La moyenne d'âge est au-dessus des 60 ans, c'est sûr"

Pour l'exemple, Benjamin Bénard cite le cas de clients atteints de pathologies comme "la sclérose en plaques, Parkinson ou la maladie de Crohn", qu'il oriente toujours vers leur médecin traitant. Avec cette approche, dans le visuel comme dans le conseil, ces deux boutiques de CBD parviennent à atteindre une clientèle assez inattendue : "Ici, les clients ont pour la plupart 55, 60 ou 65 ans. La moyenne d'âge est au-dessus des 60 ans, c'est sûr, estime Jason Lair. Si on arrive à attirer des seniors, c'est parce que c'est un public qui recherche des solutions naturelles et qui en a marre de prendre des médicaments."

À l'inverse, le CBD trouve évidemment des détracteurs, à l'image de ces deux clientes entrées chez Sensity, intéressées par les produits et le discours du vendeur, mais qui se sont pourtant "enfuies en entendant le mot cannabis". Pour les promoteurs de ce nouveau marché, la partie n'est pas encore gagnée.

"Quand on parle d'addictologie, on n'a pas de dépendance manifeste au CBD"

Rouen. "Quand on parle d'addictologie, on n'a pas de dépendance manifeste au CBD"
Alexandre Baguet, chef du service d'addictologie au CHU de Rouen.

Pour Alexandre Baguet, addictologue au CHU de Rouen, le CBD ne doit pas être pris comme un traitement médical.

Alexandre Baguet, médecin praticien hospitalier, est le chef du service d'addictologie au sein du CHU de Rouen. Interrogé sur les éventuels risques pour la santé des consommateurs de CBD, il met l'accent sur la nécessité de ne pas confondre ce produit avec le cannabis ou avec un traitement médical.

Est-ce que la dédiabolisation du CBD peut présenter un risque ?

Les éléments que l'on a sont plutôt rassurants, même si on n'a pas un grand niveau de connaissance. Le risque principal, c'est de confondre CBD et cannabis, parce que ce sont vraiment deux choses très différentes, et parfois il y a confusion.

Pour les fumeurs de cannabis, le CBD peut-il être un produit de substitution ?

On ne parle pas d'un produit de santé, donc on n'a pas d'études poussées intéressantes… Mais des patients témoignent que, pour eux, il est parfois plus facile d'arrêter le cannabis en passant par le CBD. Là, pour le coup, en termes de réduction des risques et des dommages, c'est probablement une bonne idée.

Cet effet de mode peut-il comporter des risques chez les plus jeunes ?

Le CBD doit être considéré comme un produit de consommation. Quand on parle d'addictologie, on n'a pas de dépendance manifeste au CBD, d'usagers qui sont en difficulté avec leur consommation. Évidemment, chez les jeunes, on est plus vigilants que chez un public adulte. D'ailleurs, le CBD est interdit à la vente pour les mineurs, c'est un principe de précaution que l'on peut comprendre.

Le marché du CBD déjà saturé ?

Rouen. Le marché du CBD déjà saturé ?
En l'espace de quelques mois, l'offre de produits à base de CBD s'est multipliée à Rouen.

Avec l'arrivée de plusieurs nouveaux points de vente de produits à base de CBD, le marché commence à se tendre à Rouen.

Il y a eu les fast-foods ou les magasins de cigarettes électroniques par le passé. En 2021, la tendance commerciale, c'est la boutique de produits à base de CBD. "C'est simple : quand j'ai ouvert en janvier, on était trois. Maintenant, on doit bien être dix, je crois !", remarque, légèrement désabusé, Benjamin Bénard. Sans compter ceux qui se sont lancés dans la vente en ligne. Le patron de chez Oncle Ben à Rouen a bien une théorie pour expliquer ce qu'il décrit comme "une poussée de champignons" : "Depuis que le flou juridique a été levé en novembre dernier, il y a eu beaucoup de gens qui se sont lancés dans la foulée."

Alors que l'équilibre entre l'offre et la demande est perturbé, les différents acteurs ont bien du mal à rester sereins face à l'arrivée permanente de nouveaux concurrents. "C'est forcément un peu stressant quand on est à son compte, admet Benjamin Bénard. Je pense qu'on va commencer à être trop… Tout le monde pense que c'est un business florissant, mais il n'y aura pas de place pour tout le monde." Un avis partagé par Jason Lair, son confrère et non moins concurrent chez Sensity : "Il y a de la place, mais là, on commence à être restreints. Il y a une nouvelle boutique qui a ouvert en septembre… Il va falloir que ça se détende sur le nombre de boutiques."

Se démarquer pour survivre

Pour fidéliser la clientèle ou attirer de nouveaux acheteurs, chacun dégaine sa propre stratégie. Pour Jason Lair, comme dans la plupart des secteurs commerciaux, "c'est la qualité du produit qui fait la différence". Grâce au bouche-à-oreille, notamment, "les gens vont faire le tri eux-mêmes et choisir ce qui les intéresse le plus. Certains pratiquent des prix à la baisse, avec une qualité qui s'en ressent évidemment. Mais je ne veux pas tirer sur mes collègues !", conclut-il dans un grand sourire. Benjamin Bénard, lui, a opté pour une approche légèrement plus agressive : "Pour se démarquer, il faut innover", résume-t-il. Dans une grande cave joliment aménagée, juste sous sa boutique, le jeune entrepreneur vient donc de lancer "un concept inédit, un peu comme un salon de thé, où l'on peut s'installer pour se détendre et déguster les produits sur place".

Vu de l'extérieur, à Rouen, la compétition semble saine sur le marché du CBD. Mais certaines personnes gardent un œil attentif sur l'évolution de la situation. Adjoint à la Ville en charge du commerce, Sileymane Sow "ne porte pas de jugement", mais admet rester prudent "au vu des ambiguïtés légales" déjà rencontrées par le CBD par le passé. Alors qu'il note une trop forte concentration de commerces identiques dans certains quartiers, "comme les parfumeries, les fast-foods" et le CBD sans le nommer, l'élu indique que la Ville travaille sur un nouvel outil : "Dans le principe, lorsqu'un acte de cession arrivera en mairie, si le projet ne colle pas à nos attentes, nous pourrons faire valoir un droit de préemption." Une mesure qui pourrait s'avérer coûteuse pour racheter les locaux, mais salvatrice, à la fois pour la diversité commerciale et pour la filière du CBD, soucieuse de préserver son petit Eldorado.

Un commerce légal sous étroite surveillance

Rouen. Un commerce légal sous étroite surveillance
Les fleurs qui contiennent du CBD et celles qui indiquent la présence de THC sont des cousines éloignées issues du chanvre.

Alors que la réglementation sur la vente de CBD subit régulièrement des modifications, la vente de cette substance est surveillée.

Des infusions, des crèmes cosmétiques, des huiles ou encore des cookies parfumés… Dans les boutiques spécialisées, le CBD se décline à l'infini. Mais ce qui pose problème, au moins aux yeux de la loi, ce sont les fleurs de chanvre. Contrairement au cannabis vendu illégalement, cette version ne contient presque pas de THC. "La différence entre le CBD et le THC, c'est que le premier n'est pas psychoactif : ce n'est pas une drogue, il n'y a pas d'effet de dépendance, on n'est pas euphorique. Il y a un effet, oui, mais il est apaisant, relaxant et antidouleur", précise Jason Lair, gérant d'une boutique à Rouen. Seul hic : ces fleurs ressemblent en tout point et ont la même odeur que celles qui contiennent du THC. Dès lors, comment prouver, en cas de contrôle de police, qu'il ne s'agit pas de drogue ? À ce stade de sa démonstration, le vendeur sort un petit classeur de sous son comptoir.

À 0,01 % près

À l'intérieur, des petites fiches mises à disposition par les fournisseurs indiquent le taux de THC, qui doit être inférieur à 0,20 %. "Et encore, moi je fais refaire des analyses par un laboratoire indépendant pour être sûr qu'il n'y a pas d'analyse de complaisance", précise Jason Lair, qui admet être inquiet à cause de cette question : "S'il y a un contrôle de police et que je suis au-dessus de O, O1 %, on n'est plus dans du produit de bien-être mais directement dans la vente de stupéfiants !" Avec les conséquences judiciaires que cela implique.

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