![[Enquête] Calvados. Chien de Saint Hubert : quelles compétences ?](https://medias.tendanceouest.com/photos/1200/399649/)
Des aboiements retentissent à l'arrière du véhicule de l'adjudant Cédric M. C'est Soprane, son jeune chien de Saint-Hubert de 14 mois qui fait entendre sa voix. Cela fait maintenant plusieurs mois que ce maître-chien l'entraîne chaque jour pour que l'animal puisse aider à la recherche de personnes disparues depuis parfois plusieurs jours. Pour des raisons de sécurité, ce dernier n'a pas souhaité révéler son identité complète. "Le Saint Hubert est arrivé en gendarmerie en 2009. C'est le troisième chien que je forme", dévoile le spécialiste. À la caserne d'Évrecy, sept chiens cohabitent avec les gendarmes. Soprane est le seul Saint-Hubert en formation. L'adjudant Cédric. M possède un second canidé, Jazz, âgé de 7 ans. "C'est un chien de race primaire. Son espèce est fixe depuis le VIIIe siècle. Auparavant, on l'appelait d'ailleurs le chien des rois. Il leur était réservé", poursuit le maître-chien. C'est d'ailleurs le Saint-Hubert qui est à l'origine de nombreuses autres races tels que le Grand Bleu de Gascogne, le Beagle ou encore le Basset Houng.
250 000 millions de cellules olfactives
"C'est un chien qui possède 250 000 millions de cellules olfactives. À titre de comparaison, les humains n'en disposent que de 5 millions", détaille l'adjudant. La majorité des autres chiens comptent 180 000 millions de ces cellules. Cette particularité hors du commun permet notamment à l'animal d'intervenir dans des milieux extrêmement pollués. "Il vit dans un autre monde", sourit Cédric M.
"On est très tristes lorsqu'ils meurent, on conserve toujours une cicatrice"
Être maître-chien est tout d'abord une histoire de passion. "Je suis rentré dans la gendarmerie pour exercer cette profession", confie le spécialiste. Depuis 14 ans, l'adjudant forme des chiens de Saint-Hubert. Le poste de maître-chien à Évrecy est une création nationale. "On développe une relation fusionnelle ensemble, mais ça reste un chien de travail", poursuit-il. Dès son arrivée à la caserne, le Saint Hubert prend ses quartiers au sein du domicile familial de son maître-chien. " On part en vacances avec lui. On l'emmène partout avec nous. C'est un travail du quotidien", raconte le gendarme.
Il faut aussi savoir expliquer à la famille qu'il s'agit d'un chien de travail et pas d'un animal de compagnie. "Le Saint Hubert a son caractère. Depuis tout petit, on lui fait comprendre que ce sont les plus forts du monde. Il faut qu'il soit sûr de lui. Ça peut engendrer certains traits de caractère parfois difficilement gérables avec la famille", continue Cédric M. Malgré tout, les liens restent forts et la relation hors du commun. Ce passionné a d'ailleurs accompagné tous les chiens qu'il a formés jusqu'à la fin. "On passe tout notre temps avec eux. Je ne me vois pas les laisser partir ailleurs pour leur retraite. On est très tristes lorsqu'ils meurent. On conserve toujours une cicatrice. Entre maîtres-chiens, on se remémore les souvenirs qu'on a eus avec nos animaux", livre-t-il.
Avant de pouvoir utiliser les Saint Hubert sur des enquêtes, les maîtres-chiens doivent les former pendant près de deux ans.
"La base du travail, c'est le jeu. On ne peut pas obliger un chien à travailler", affirme Cédric. M, maître-chien de la gendarmerie d'Évrecy. Près de deux ans de formation sont nécessaires avant que le Saint-Hubert ne puisse être utile sur le terrain.
Un entraînement spécifique
Avant toute chose, les chiens sont sélectionnés comme des athlètes. "Ils sont choisis dans des élevages particuliers. Il faut qu'ils puissent s'adapter à la vie de la caserne", explique Christophe Junqua, commandant du groupement de gendarmerie départementale du Calvados. Le chiot de Saint Hubert est adopté dès ses 10 mois par son maître-chien. L'animal s'installe au domicile de celui-ci et débute petit à petit son entraînement. "On commence par le sociabiliser. Régulièrement, je retrouve les autres maîtres-chiens de Saint-Hubert et on effectue le dressage de nos chiens ensemble. On s'adapte au rythme du chien", poursuit Cédric. M. En France, seuls 13 Saint-Hubert vivent au sein de casernes de gendarmes.
Contrairement à d'autres races utilisées en gendarmerie, le Saint-Hubert est engagé de façon différente. Il intervient très fréquemment sur des disparitions longues pouvant aller jusqu'à six jours. "Dès ses 12 semaines, on le déclenche. On joue à cache-cache. On lui fait comprendre que s'il retrouve la personne, il pourra jouer avec elle à l'issue de l'opération. On le lance sur une piste et il faut que la récompense finale soit plus intense que toutes les odeurs qu'il rencontrera pendant ses recherches", développe le maître-chien. L'entraînement est étalé tout au long de la journée par petites sessions de 10 minutes. "On doit respecter leur rythme physiologique. Lorsqu'ils sont sur le terrain et qu'ils pistent, les Saint-Hubert utilisent 80 % de leur oxygène pour faire travailler leur nez et leur cerveau. Seuls 20 % servent à faire fonctionner le corps et le reste. C'est très intense ce qu'on leur demande", expose-t-il.
Chaque chien en formation est ensuite soumis à des tests au Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie de Gramat dans le Lot. "On sent quand ils sont prêts. On le voit dans leurs yeux. On les voit évoluer au quotidien", ajoute Cédric M. Lorsqu'une personne est portée disparue, d'importants dispositifs sont mis en place. "C'est au moment où il y a une décrue des moyens de recherche que le Saint-Hubert intervient. Il permet d'orienter les recherches dans un secteur qu'on n'aurait pas forcément exploré", complète Christophe Junqua.
"Le Saint-Hubert aide dans
50 % des enquêtes à découvrir
la personne disparue"
En 14 ans, le gendarme a effectué plus de 800 opérations. "J'ai notamment travaillé sur la disparition de Laetitia Perrais, cette jeune femme enlevée, violée et tuée par Tony Meilhon en janvier 2011", dévoile le spécialiste. Tous peuvent être mobilisés dans n'importe quel département. Au niveau de la région, 22 équipes cynophiles sont déployées. "Elle est composée d'un maître-chien, d'un suppléant pouvant lui venir en aide pour les soins ou l'entraînement", conclut le colonel.
Depuis 2009, la gendarmerie nationale d'Évrecy accueille des chiens de Saint-Hubert. Explications de Laurent Marais, officier adjoint commandant de la gendarmerie nationale du Calvados.
Pourquoi les Saint Hubert se trouvent-ils
à la caserne d'Évrecy ?
La commune est centrale, dans le groupement du Calvados mais aussi en Normandie. Ça permet d'y avoir un accès facile. Nous avons des contraintes sonores qui nous imposent de ne pas mettre les chenils n'importe où. Il faut être éloigné des habitations. Il est nécessaire d'avoir un lieu où le chien puisse se détendre. À Évrecy, il y a un champ qui lui permet de se défouler avec un ring à l'intérieur. Il existe deux groupes d'investigations cynophiles en Normandie, un premier à Évreux, dans l'Eure, et un second ici, à Évrecy.
Combien de Saint-Hubert la caserne compte-t-elle ?
Actuellement, nous avons sept chiens tous confondus, dont un Saint-Hubert. C'est un animal assez rare. Il n'y en a que 13 au niveau national. Ici, à Évrecy, c'est le troisième que le maître-chien forme. On fait partie des six premières régions qui ont été dotées d'un Saint-Hubert au niveau national.
Quelle formation faut-il suivre
pour être maître-chien ?
Les maîtres-chiens sont volontaires et sélectionnés. Il y a différents tests physiques ainsi qu'un entretien de motivation. Il y a souvent beaucoup d'échecs sur la partie physique. La sélection se fait également en fonction du nombre de places disponibles. Les gendarmes choisis réalisent ensuite une formation au Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie situé à Gramat, dans le département du Lot.
La gendarmerie d'Évrecy compte au sein de sa caserne sept chiens qui aident à la recherche, notamment de produits stupéfiants ou encore de produits accélérateurs d'incendie.
À la gendarmerie d'Évrecy, les chiens de Saint Hubert ne sont pas les seuls dans le chenil. Des malinois sont également utilisés par les maîtres-chiens sur diverses opérations. Le chef David. L exerce cette profession depuis 2010 et se charge de leur formation.
"Les malinois sont très polyvalents"
Actuellement, il en forme deux : un premier spécialisé dans la recherche de stupéfiants, armes et munitions et billets de banque, et un second dans la recherche de produits accélérateurs d'incendie (RPAI). " Les malinois sont très polyvalents. Ils peuvent faire de la piste, de la défense, de la recherche de matière mais aussi de personnes disparues", détaille-t-il.
Chaque jour, il entraîne ses deux compagnons. "On leur a inculqué que le jeu avait telle ou telle odeur. Le chien ne rentre jamais en contact avec des matières qui pourraient être nocives. On utilise des systèmes de trappe", détaille le spécialiste. C'est grâce à des techniques de marquage que le maître-chien peut savoir si l'animal a trouvé un élément pouvant être utile à une enquête. "En fonction de ce qu'il cherche, il gratte, aboie ou effectue ce que l'on appelle un marquage passif. Il va se coucher ou rester assis, par exemple lorsqu'il est face à un explosif", poursuit-il.
En France, seuls quatre gendarmes sont spécialisés en tant que maîtres-chiens pour former aux produits incendies.
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