"Vous faites de la course en ligne monsieur ?", "Non de la pirogue polynésienne." En cet après-midi de mai, à la terrasse du Raphaël, sur le port de Caen, Christian Hestin est interpellé par un serveur. Impossible de passer inaperçu, du haut de son 1,98 m, vêtu de son haut en néoprène et de la casquette siglée HCCK, pour Hérouville Caen Canoë-Kayak. En face de lui, au pied du bassin, sa pirogue bleu ciel patiente au soleil. Une embarcation longue de sept mètres pour environ 10 kg, équipée d'un balancier qui permet d'être stable sur l'eau. "J'ai découvert ce sport à Tahiti, explique ce professeur d'EPS qui a passé huit ans sur les îles du Pacifique dans les années 90. Là-bas, tu rames comme ici tu joues au foot. Si tu es rameur, tu fais partie du pays."
Huit ans passés au temple de la pirogue
Sa pirogue mesure environ 7 m de long pour environ 10 kg. Une plume pour ce grand gaillard.
L'intégration au peuple polynésien n'a pas été une mince affaire. Muté dans un établissement scolaire tahïtien, il a d'abord monté des sections sportives de football. C'est seulement au bout de quatre ans qu'il a réussi à intégrer un équipage "pour être adopté par la population". Il fallait d'abord prouver. "Sur les cinq premières séances, je suis resté sur le bord, à faire des tractions." Puis, le géant se fond dans le décor. Il a même participé à deux étapes de la mythique course Hawaiki Nui, "l'équivalent du Tour de France" en métropole selon Christian Hestin. C'est sans aucun doute le plus grand événement sportif de Polynésie. "Tout le pays s'arrête pour suivre cette grande course", poursuit-il. Sur une pirogue de six personnes, en pleine mer, il a notamment parcouru 40 km entre Taha'a et Bora-Bora. Il s'agit d'un événement populaire avant tout. "Il y a un côté humain et communautaire que je n'avais jamais connu ailleurs", se remémore Christian, encore sous l'émotion.
Dans ce bateau sans dérive "qui était un moyen de rallier des îles à l'époque", chacun a sa place. Le Normand, surnommé "Piti Metra" ("deux mètres" en hawaïen) pour sa carrure impressionnante, a eu l'honneur de donner la cadence face à des Polynésiens dont c'est le métier. "Il y en a qu'un qui parle, et c'était moi. On donne les ordres en chantant", sourit-il en imitant les chants locaux.
Cap vers le canal de Caen...
Direction les mondiaux
sur le bassin olympique de Londres
À son retour définitif en France en 2001, il n'était pas question de dire au revoir à la pirogue. "J'ai initié quelques élèves de spécialité kayak", dit ce professeur de foot en STAPS, bien connu pour son haka sur les carrés verts. Preuve que cette culture polynésienne lui est restée collée à la peau, au point, d'ailleurs, d'avoir adopté une petite haïtienne. Il s'inscrit au club de kayak de Cherbourg avant d'intégrer le club de Caen, quatre ans plus tard. Sa pirogue, d'une valeur de 800 €, est reconnaissable d'une petite Vahiné "Hinano", symbole par excellence de toute la Polynésie. Au rythme de deux sorties par semaine sur le canal de Caen, en complément de la musculation, le rameur se prépare aux mondiaux, qu'il disputera du 7 au 16 août prochain sur le bassin olympique de Londres. Un lieu symbolique pour celui qui portera le maillot tricolore dans la catégorie Master 60 sur 500 m. "Cela n'a jamais eu lieu en Europe. Tous les peuples maoris sont réunis. Ça va être une grande fête culturelle à laquelle j'ai hâte de participer !" Compétiteur dans l'âme, il espère atteindre une demi-finale. "C'est mon dernier challenge pendant que mon corps répond correctement", plaisante-t-il. Pas de doute, il donnera tout, avec le cœur.
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