La route minuscule grimpe au milieu de vieilles bâtisses, certaines sont un peu délabrées. Elle emprunte un petit pont de pierre, c'est plutôt bucolique mais désolant à cette période.
Les arbres sont squelettiques et dans les champs alentours, des carcasses de voitures sont recouvertes de feuilles mortes. Il y avait autrefois un vieux moulin, on y produisait de la farine, le moulin n'est plus que l'ombre de lui-même, il y a bien longtemps que sa roue a cessé de tourner.
Etrange décor pour un village qui ne l'est pas moins. À Noël, aucun de ses habitants n'a pu communiquer avec l'extérieur. Le téléphone dans chacun des six foyers que rassemble le lieu-dit de l'impasse du Moulin sur les hauteurs de Saint-Georges-d'Aunay à Seullines était en panne. Rideau, plus de son, plus d'image et surtout aucune tonalité au bout du fil, la faute à un poteau téléphonique mis à terre et les fils de raccordement coupés, un accident qui aurait pu être banal si ses conséquences ne s'étaient pas prolongées plusieurs semaines.
Le téléphone pleure...
Pendant près d'un mois, du 5 au 27 décembre, les habitants du hameau de Seullines ne purent téléphoner depuis leurs logements, sans compter, par-dessus le marché, que le lieu-dit est en "zone blanche". Autrement dit : en temps normal quand le téléphone fixe est au beau fixe, il est néanmoins particulièrement difficile d'accrocher un réseau à partir d'un téléphone mobile. Le portable ne porte rien, c'est la croix et la bannière pour pouvoir se brancher sur le monde extérieur.
La mésaventure subie par les habitants de l'impasse du Moulin n'a pas fait rire tout le monde. Parmi les habitants, un couple de personnes âgées, Janine et Michel. Ils vivent depuis trente ans dans le village et pour utiliser leur téléphone portable sont obligés de sortir de chez eux et d'aller dans le champ d'en face sur les hauteurs. Ce n'est pas vraiment pratique quand on n'a plus ses jambes de vingt ans.
Michel, 88 ans, est atteint d'une forme grave d'insuffisance cardiaque, il lui faut être en permanence appareillé d'un bracelet de télé-assistance. Il en a besoin en urgence pour appeler les secours si besoin. Et sans téléphone, le bracelet ne fonctionne pas.
À quoi ça sert qu'Orange se décarcasse ? Il n'y a plus d'abonné au numéro que vous avez demandé. L'opérateur téléphonique a joué les abonnés absents. Richard, électricien de la région caennaise a été l'une des "victimes" de cette panne téléphonique, il habite la dernière maison du hameau, sur les hauteurs. C'est une maison qu'il a dénichée il y a une petite dizaine d'années. Il y vit avec femme et enfants, nous reçoit à la barrière, l'air un peu bougon, pas disert, c'est le désert... téléphonique qui le met en boule. "Il a fallu attendre plus de trois semaines pour que les services d'Orange interviennent. On a trouvé le temps très long. Et il n'est pas certain que cela ne recommence pas. Regardez autour, les poteaux téléphoniques ne sont pas en très bon état. Des fils trainent encore par terre. Il paraît que c'est pour installer la fibre mais dans combien de temps ?".
Nathalie, fille du couple des personnes âgées restées sans téléphone alors qu'ils en avaient un impératif besoin s'est démenée sans compter pour faire bouger les choses et faire en sorte que la panne soit réparée dans les meilleurs délais. Elle a écrit à l'administration, a fait des pieds et des mains, lancé une pétition et a même déposé plainte à la gendarmerie. La démarche a finalement porté ses fruits. "Il y avait un vrai danger de mort. Que se serait-il passé si mon papa avait été victime d'un malaise cardiaque en pleine nuit ? Que se serait-il passé ? On nous parle à tout bout de champ de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées mais dans ce genre de situation, tout devient très compliqué".
Pour le nouvel an, les habitants ont pu enfin retrouver leurs téléphones. Allo, la terre ? Au bout du fil, on leur souhaite une belle et heureuse année !
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