Jenny, 16 ans, et Blanche 14 ans, partagent la même chambre en pédiatrie au CHU de Rouen. Hospitalisées depuis le mois de mars, elles souffrent d'anorexie mentale. "J'avais envie de faire un régime, je voulais maigrir, jusqu'à ne plus rien manger du tout", raconte Jenny qui en est à sa cinquième hospitalisation.
"Je me jugeais beaucoup par rapport
aux filles de la téléréalité."
"On se sent très faible, on a froid, on est fatigué et on risque de faire des malaises", décrit l'adolescente qui est descendue jusqu'à un seuil critique de 36 kilos. "Je me jugeais beaucoup par rapport aux filles de la téléréalité." Blanche a, quant à elle, perdu 21 kilos entre décembre et début mars. "C'était à cause des critiques des camarades de classe", souffle timidement l'adolescente, devenue obsédée par son alimentation. À Rouen, le CHU est le centre régional de recours, d'évaluation et de coordination des soins pour les Troubles des conduites alimentaires (TCA), comme l'anorexie mentale, la boulimie, ou l'hyperphagie. Il permet différents degrés de prise en charge : de la consultation à la maison de l'adolescent, jusqu'à l'hospitalisation complète en unité de médecine. Pédiatres, pédopsychiatres, diététiciens, psychologues mais aussi assistantes sociales sont associés pour la meilleure qualité de soin. Mais malgré cela, le professeur Priscille Gérardin, responsable des unités de psychiatries de l'enfant et de l'adolescent, juge la situation "très préoccupante". Car les confinements ont agi comme des déclencheurs de TCA. En pédiatrie, sur 47 lits, 40 sont occupés pour des problèmes de santé mentale, dont la moitié pour des TCA. C'est environ le triple d'avant la crise sanitaire. "C'est lié à un contexte explosif avec des adolescents enfermés alors qu'ils ont besoin d'indépendance et de s'autonomiser", analyse la spécialiste. S'ajoutent les injonctions liées aux influenceuses sur les réseaux qui invitent "à faire des régimes".
À l'occasion de la journée mondiale des TCA, mercredi 2 juin, le professeur Gérardin veut lancer un cri d'alerte. "Les TCA étaient déjà sous-diagnostiqués et sous-pris en charge", assure la professionnelle, qui invite à construire des réponses rapides pour "les équipes qui s'épuisent", alors même que ces troubles se traitent sur plusieurs mois, voire années. Selon elle, d'autres structures spécialisées doivent voir le jour et la prévention doit s'intensifier à tous les niveaux : parents, Éducation nationale, généralistes et pédiatres. "Chacun a un rôle à jouer pour repérer le plus précocement possible les troubles" et éviter les prises en charge les plus lourdes.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.