Un tribunal de Catane (Sicile) accuse Matteo Salvini "d'abus de pouvoir et de séquestration de personnes" pour avoir bloqué l'été dernier durant plusieurs jours 116 migrants à bord d'un navire des gardes-côtes italiens, le Gregoretti. En cas de procès, il encourrait 15 ans de réclusion. Le Sénat vote mercredi après-midi sur son renvoi en justice.
"Je n'irai pas dans cette salle de tribunal pour me défendre, j'irai pour revendiquer avec orgueil ce que j'ai fait", a-t-il lancé aux sénateurs, réitérant que c'était son "devoir" de défendre les frontières du pays quand il était ministre de l'Intérieur.
Il a mêlé ironie envers ses adversaires et invoqué ses enfants, comme il le fait souvent. "Mes deux enfants ont le droit de savoir que, si leur papa était souvent loin de la maison, ce n'était pas pour séquestrer des personnes mais pour défendre les frontières et la sécurité du pays", a-t-il dit.
"Les adversaires doivent être battus dans les urnes, pas dans les tribunaux", a aussi lancé le chef souverainiste qui a construit sur la lutte contre l'immigration son ascension et celle de son parti que les sondages donnent à environ 30% d'intentions de vote, soit le premier d'Italie.
Les débats en séance plénière ont commencé en début de matinée. Le résultat officiel du vote des 319 élus du Sénat, où la Ligue et ses alliés sont minoritaires, devrait être connu dans la journée.
Le 25 juillet 2019, jour où plus de 110 personnes avaient disparu dans un naufrage au large de la Libye, le navire militaire Gregoretti avait pris à son bord 140 migrants, partis des côtes libyennes quelques jours auparavant sur deux embarcations et secourus par des garde-côtes italiens.
Des migrants avaient pu être évacués pour raisons médicales mais 116 autres étaient restés sur le navire près d'une semaine, faute d'autorisation de débarquer de M. Salvini, alors ministre de l'Intérieur d'un gouvernement formé par la Ligue (son parti) et les anti-establishment du Mouvement 5 Etoiles (M5S).
La Constitution italienne permet au parlement de bloquer des poursuites contre un ministre si les élus considèrent qu'il a agi dans le cadre de ses fonctions et dans l'intérêt supérieur de l'Etat.
Mais puisque la plupart des forces politiques entendent voter la levée de son immunité, la perspective d'un procès est probable.
Pouvoirs renforcés
La stratégie de la Ligue est d'impliquer le Premier ministre Giuseppe Conte en assurant que le blocage du navire était une décision collective du gouvernement.
M. Conte, reconduit en septembre à la tête d'un exécutif formé cette fois du M5S et du Parti démocrate, principal parti de gauche, conteste cette version des faits. Selon le chef du gouvernement, Salvini a, avant l'épisode Gregoretti, "fait approuver un nouveau décret-loi qui renforçait ses compétences, il a revendiqué le choix de faire ou non débarquer les personnes à bord du Gregoretti, et aussi sur le moment de le faire".
En juin 2019, M. Salvini a effectivement fait adopter une loi renforçant ses pouvoirs et prévoyant que "le ministre de l'Intérieur peut limiter et interdire l'entrée, le transit ou l'arrêt des navires dans les eaux territoriales pour des motifs d'ordre et de sécurité publiques".
Pour sa défense, M. Salvini invoque un cas similaire au Gregoretti, remontant à août 2018, lorsque 177 migrants se trouvant à bord du navire des gardes-côtes italiens Diciotti avaient été empêchés de débarquer pendant plusieurs jours. A l'époque, le gouvernement avait défendu l'idée d'une décision collégiale, et le Sénat avait bloqué une demande de renvoi en justice contre M. Salvini.
Les soucis de Salvini ne s'arrêtent pas à l'affaire Gregoretti. Une Commission du Sénat devra statuer, le 27 février, sur une autre demande de renvoi en justice concernant cette fois le navire humanitaire Open Arms, bloqué mi-août 2019 pendant plusieurs jours devant l'île de Lampedusa, sur ordre de M. Salvini.
Même après son probable renvoi devant le tribunal des ministres, une juridiction spéciale composée de trois magistrats expérimentés de Catane, M. Salvini devra probablement attendre des années pour être fixé sur son sort, compte tenu de la lenteur de la justice italienne, et des possibilités de recours.
En cas de condamnation définitive, c'est-à-dire en dernière instance par la Cour de cassation, le patron de la Ligue encourt aussi une peine d'inéligibilité de six à huit ans.
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