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[Enquête] Rouen. Mauvaises odeurs dans la Métropole : les nez se forment chez Atmo Normandie

Environnement. Atmo Normandie engage, depuis les années 2000, des bénévoles citoyens afin d'effectuer une veille olfactive autour des sites industriels de la Métropole de Rouen. L'organisme a lancé, dernièrement, une nouvelle campagne de recrutement pour renforcer ses équipes.

[Enquête] Rouen. Mauvaises odeurs dans la Métropole : les nez se forment chez Atmo Normandie
Marine Cartier a suivi une formation pour faire partie de la sentinelle des nez citoyens de la Métropole de Rouen.

Les mauvaises odeurs font, malheureusement, partie du quotidien de nombreux habitants de l'agglomération rouennaise. Les nez normands le savent trop bien. Ces sentinelles scrutent, depuis les années 2000, les nuisances olfactives provoquées par les industriels installés autour de la capitale normande. Leur veille permet d'aider l'organisme Atmo Normandie à sensibiliser les entreprises sur leur impact odorant vis-à-vis des populations environnantes.

Ces lanceurs d'alerte ont pour seul outil leur nez. Un nez humain puissant, capable de déceler des centaines de molécules. Mais les odeurs sont souvent une question d'émotions, de souvenirs, et donc de perception subjective. Alors, pour bien discerner toutes les informations olfactives que notre nez est amené à réceptionner et mettre un nom précis sur ce que l'on sent, il faut parler la même langue. Atmo prépare ainsi des bénévoles citoyens au langage des nez, une formation scientifique de plusieurs dizaines d'heures.

Martine Cartier, habitante de Val-de-La-Haye, près de Rouen, est passée par cette école des odeurs avant d'être mandatée pour sentir les sites industriels près de chez elle. "On a été, dans les années 2010, spécifiquement attentifs aux odeurs de l'ex-raffinerie de Pétroplus à Petit-Couronne", assure-t-elle.

De nouveaux nez formés
dans la Métropole de Rouen

Depuis l'arrêt du site en 2013, les premiers nez citoyens de la Métropole sont revenus à une veille plus générale. "Il y a des industries qui s'éteignent, mais il y en a aussi qui peuvent se créer et elles-mêmes produire des nuisances odorantes", précise la Normande. "Encore hier, j'ai senti une odeur de pipi de chat, c'est une odeur typique de Thiomenthone, une odeur soufrée qui émane certainement de la dépollution de l'ancien site de pétrochimie à Petit-Couronne."

Particulièrement expérimentée, la Normande a été chargée, cette année, du recrutement des nouveaux nez citoyens de la Métropole Rouen Normandie. Atmo a, en effet, décidé d'engager près de 30 bénévoles avec l'objectif de lancer une large campagne de veille entre mai 2022 et mai 2023 dans 16 communes autour de Rouen, situées à proximité de bassins industriels. Avec ce recrutement, la Normandie pourra se targuer d'être une des régions les mieux équipées en termes de sentinelles olfactives, avec une cinquantaine de nez disponibles.

Les nouveaux nez, appelés en renfort, sont actuellement en formation. Ils se sont même trouvé un nom, "Les Tontons Flaireurs", lesquels viendront épauler les vétérans de l'ancienne campagne "Les Couronnez". "On est formés pendant huit semaines, mais on est nez pour le restant de ses jours", ironise Martine Cartier. Pour rester pertinent dans son analyse olfactive, chaque nez formé par Atmo bénéficie de séances de révision mensuelles. "On dispose d'une boîte avec tous les référents, comme des flacons de parfums, donc on peut aussi, de nous-mêmes, réviser les odeurs."

Une langue spécifique

Rouen. Une langue spécifique
Aurore Sebire, formatrice Atmo Normandie.

Le langage des nez suppose plusieurs niveaux de formation. Il est enseigné selon sept pôles odorants définis autour de 26 référents. Une fois formés, les bénévoles doivent être aptes à réagir sur le terrain.

Niveaux de formation

La formation au langage des nez se décline selon plusieurs grades, du Sujet initié au Grand Expert. Les 27 nouveaux bénévoles de la Métropole deviendront des Sujets qualifiés grâce à 32 heures de formation.

Sept pôles odorants pour 26 référents

Le langage des nez se base sur sept pôles, ou "noyaux" -Alkyl, Aminé, Soufré, Aromatique, Ester, Terpénique et Phénolé Pyrogéné- définis autour de 26 référents odorants. D'autres subtilités sont à connaître, la ténacité et la vitesse de perception des odeurs par exemple. Des critères qui peuvent varier d'un référent à l'autre.

Allègement de l'apprentissage

Cette année, la formation a été allégée. Une vingtaine de référents sont à connaître contre une quarantaine auparavant. "Si vous en faites trop, vous allez vous retrouver avec plusieurs référents qui pourraient caractériser une ambiance odorante similaire. Nous, on cherche un langage commun", explique Aurore Sebire.

Autonomie sur le terrain

Une fois formés, les bénévoles devront, pendant un an, effectuer des relevés olfactifs quotidiens, de manière autonome, matin et soir, aux mêmes horaires et depuis leur domicile. Ces derniers pourront aussi alerter lors de la survenue d'une anomalie odorante afin qu'Atmo puisse lancer rapidement une enquête.

Nouvelle promotion à l'école des odeurs

Rouen. Nouvelle promotion à l'école des odeurs
Une dizaine de bénévoles s'est présentée au quatrième atelier de formation au langage des nez à Atmo Normandie, à Rouen.

Reportage. Pour se former au langage des nez, les bénévoles citoyens de la Métropole doivent apprendre une langue commune, selon des référents odorants spécifiques.

"Tout petit, on apprend les couleurs de base et, au fur et à mesure du temps, on apprend de nouvelles couleurs, le magenta, le rouge grenat, etc. Avec les odeurs, c'est la même chose, on définit les bases avec des référents pour cerner l'univers odorant, et puis on va l'enrichir", explique Aurore Sebire, formatrice au langage des nez à Atmo Normandie. Elle est chargée de former les 27 bénévoles de la nouvelle promotion d'Atmo, baptisés les "Tontons Flaireurs". Après une première semaine de formation théorique, ces derniers sont rentrés dans le vif du sujet : le sensoriel. Aurore Sebire a ainsi proposé à toute la classe de sentir plusieurs échantillons. Sept au total, comme le nombre de pôles ou noyaux, issus du socle de base du langage des nez.

"Il y a des odeurs que l'on connaît, mais on n'arrive pas
à mettre un nom dessus"

Premier test pour les bénévoles et premières grimaces, à l'odeur de la molécule DMDS ou diméthyldisulfure, référent de base du pôle soufré. "Cette odeur appartient à tout le monde végétal, on la retrouve dans le chou, dans l'ail, dans l'oignon, dans la pomme de terre, dans le radis, etc.", liste la formatrice devant les bénévoles. "Mais cette note, vous la connaissez aussi puisqu'elle se trouve dans la plupart des activités pétrolières, elle fait aussi partie de ce que l'on met dans le gaz de ville pour détecter les fuites." Pour ce petit exercice, la formatrice demande à chaque fois quel souvenir les odeurs évoquent chez les bénévoles. Mais elle prévient qu'il faut, à terme, se débarrasser de ses émotions pour avoir une approche objective. C'est ce que recherche justement Pascal, un des bénévoles. "À Saint-Aubin-lès-Elbeuf, où j'habite, il y a des odeurs que l'on connaît, mais on n'arrive pas à mettre un nom dessus." "C'est intéressant tous ces exercices. Jusqu'ici, les cours étaient très théoriques", renchérit Christian, retraité de l'Éducation nationale, lui aussi bénévole, même s'il n'est pas encore à l'aise avec le nom scientifique des odeurs. "Demain, si je reprends les fioles, je pense que je reconnaîtrai les odeurs mais je ne saurai pas les nommer, mais ça donne envie de s'entraîner justement."

Des émanations industrielles régulières

D'autres sont déjà habitués aux émanations industrielles, comme Bertrand. "Il a y une odeur que j'ai reconnue rapidement, l'odeur aminée, c'est un souvenir de mon passé professionnel. Je travaillais chez un fabricant de colorants pour la pétrochimie et l'industrie papetière." Depuis, le bénévole s'est reconverti dans la réparation de vélos. "Cette reconversion, c'est un choix, je suis un peu écolo [...] J'habite Cléon, il y a plusieurs entreprises dans le coin qui sont classées Seveso, et on a régulièrement des effluves qui nous arrivent. Après ma journée de travail, quand je suis devant mon apéritif et mes cacahuètes dans le jardin, je trouve ça très désagréable."

À l'issue de ce quatrième atelier, chaque bénévole a pu repartir avec sa petite boîte de "parfums" et ses quelques mouillettes pour continuer d'éduquer son odorat. Il leur reste une dizaine d'heures de formations pour être opérationnels.

"Le nez humain est plus performant que nos instruments de mesure"

Rouen. "Le nez humain est plus performant que nos instruments de mesure"
Céline Léger, ingénieure étude à Atmo Normandie pour les sujets odeurs.

Les données, relevées par les nez bénévoles, font l'objet d'étude. Céline Léger, ingénieure étude à Atmo Normandie, s'occupe de réceptionner et d'analyser ce travail.

Céline Léger, ingénieure étude à Atmo Normandie pour les sujets odeurs, est chargée d'analyser les relevés des habitants bénévoles de la Métropole.

Pourquoi lancer cette vaste campagne
de recrutement aujourd'hui ?

C'était un projet qui datait déjà de plusieurs années. Les événements odorants de ces derniers temps ont peut-être accéléré les choses, notamment l'incendie de Lubrizol et Normandie Logistique en 2019, qui a créé des odeurs pendant plusieurs mois. Mais la mission des nez ne consiste pas à se focaliser sur un émetteur particulier.

À quoi vont servir
toutes ces données ?

L'objectif est de faire un inventaire des odeurs perçues au niveau des habitations. Le nez humain est plus performant que nos instruments de mesure concernant les odeurs. Ensuite, avec les relevés météorologiques que nous faisons à Atmo, on peut déterminer leur origine. Une fois identifiée, on se rapproche des émetteurs pour leur fournir ces données afin qu'il puisse réduire leurs impacts.

Pouvez-vous contraindre les industriels
à réduire leurs émissions odorantes ?

Nous n'avons pas de pouvoir de police. On s'appuie surtout sur la bonne volonté des émetteurs. Nous sommes là pour leur donner des clés de compréhension. Les relevés des habitants permettent justement de comprendre ce qui est senti depuis l'extérieur. Nous formons aussi une dizaine de salariés d'entreprises industrielles avec la méthode du langage des nez.

Odo, plateforme grand public pour la veille olfactive

Rouen. Odo, plateforme grand public pour la veille olfactive

Pour aider les nez bénévoles, Atmo Normandie a développé une application à destination du grand public. Celle-ci permet aux habitants, non-initiés au langage des nez, de déclarer, eux aussi, des nuisances olfactives.

Si chaque nez bénévole citoyen bénéficie d'une application pour faire son travail de veille olfactive, il existe aussi une plateforme à destination des non-initiés pour déclarer une odeur suspecte.

Habitants et nez bénévoles
mis en réseau

"Tout un chacun peut déclarer une odeur, et c'est pris en compte de la même manière qu'un nez citoyen bénévole. Atmo Normandie peut éventuellement appeler le nez formé le plus proche de l'habitant qui a déclaré l'odeur pour la quantifier et la qualifier", précise Martine Cartier, nez bénévole pour Atmo Normandie.

L'organisme a lancé, depuis le 30 septembre 2019, l'application ODO. Elle permet d'émettre des signalements d'odeurs, via son smartphone et sa tablette, ou directement sur Internet à www.atmo-odo.fr. Lorsqu'un signalement est effectué par un particulier sur l'application, celui-ci est transmis via SMS ou e-mail au réseau de nez bénévoles de la Métropole afin d'affiner la qualification des odeurs perçues. Cette seconde analyse est transmise, ensuite, dans une base de données à Atmo.

Les déclarants doivent ainsi préciser la localisation de l'odeur et son intensité. L'usager peut aussi préciser ce que l'odeur évoque chez lui, selon un vocabulaire simplifié, "Caoutchouc", "Beurre rance", "Essence", etc. Une fois toutes ces données compilées, Atmo renvoie par e-mail une cartographie des odeurs aux déclarants.

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