Il a les cheveux longs noués en queue-de-cheval à l'arrière de sa nuque. C'est étonnant de la part d'un ancien militaire, mais c'est tout sauf un hasard : ses cheveux qu'il laisse parfois traîner lui font du bien quand ils effleurent l'arrière de son dos endolori. Ils font l'effet d'une caresse, il en a besoin. "Ça apaise."
Son corps n'est que souffrance, et voilà dix ans aujourd'hui que ça dure : Yannick Le Clerc, 48 ans, papa d'Almeric, 26 ans, et de Garance, 24 ans, est paralysé des deux jambes, sa moelle épinière disloquée, conséquence d'un accident dont il fut victime en 2012, sur la piste du karting de Démouville. C'était le 2 septembre, un dimanche. "Ce jour-là, dit Yannick qui nous a reçus chez lui avec Nadège son épouse à ses côtés, ma vie a basculé."
Militaire, il a travaillé à l'Élysée
Yannick Le Clerc, militaire qui fut un temps en poste au Palais de l'Élysée en charge des télécommunications et des interventions audiovisuelles du président de la République - à l'époque de Nicolas Sarkozy -, s'essayait alors à la mini-moto sur la piste de karting à Démouville. "C'est là, quand j'étais gamin, que j'allais déjà piloter une moto-cross. En ce temps-là, ce n'était encore qu'un terrain vague." Le cale-pied de sa machine s'est pris dans les pneus de protection qui délimitent le pourtour de la piste. La moto s'est arrêtée net, d'un coup, et lui a été projeté en avant, se fracassant la tête contre l'un des pylônes de la structure.
Quand les pompiers sont arrivés sur place, ils lui ont demandé s'il souvenait de la date du jour. Yannick n'a pas su répondre tout de suite. "Je leur ai dit qu'on venait de changer de mois et j'en ai déduit que nous étions le 2 septembre." Groggy par le choc, mais pas seulement : en chutant, le Caennais, dont la famille est installée à Cuverville, s'est écrasé la moelle épinière, rendant ses jambes inertes. Il est paraplégique et son état de santé s'est dégradé en dépit de multiples soins auxquels il a toujours recours et d'une rééducation longue d'une année au Centre Normandy à Granville, dans la Manche. Quelques années après sa chute, Yannick a souffert d'infections urinaires, a subi aussi plusieurs accidents vasculaires cérébraux. On a dû aussi lui poser une prothèse de hanche.
"Pouvoir partir
pour aller voir la mer"
Son accident a été examiné dans les moindres détails par le tribunal de Caen le jeudi 4 mai dernier. La responsabilité du gérant, à l'époque, du circuit de karting est recherchée. Au moment où s'est produit l'accident, la piste n'était pas homologuée pour accueillir ce genre d'engins. Quinze jours après l'accident, le circuit a été revendu. Le poteau contre lequel s'est fracassé Yannick n'était pas protégé.
Le procureur de la République a requis à l'encontre du gérant une peine de deux ans de prison, dont quatre mois ferme. Le couple est dans l'attente de ce que dira le tribunal, dont le jugement est annoncé pour la fin juin. Mais, dit Nadège, "ce n'est pas cela qui changera notre vie et redonnera à Yannick son autonomie. Cela ne compensera en rien de toute façon la liberté qu'il n'a plus. Que ce gérant soit ou non condamné, cela n'enlèvera pas les dix années de galère que nous venons de vivre et ce qui nous attend demain et pour les années à venir".
Nadège, aide-soignante en soins palliatifs à l'hôpital, s'occupe de malades en fin de vie. "J'ai l'impression, dit-elle, d'accomplir depuis toujours une mission." La situation du couple est précaire. "Le handicap rend tout complexe et plus difficile, tant sur le plan physique que psychologique ou administratif." Ils rêvent par exemple de pouvoir enfin disposer d'un véhicule adapté qui leur permettra de mener tous les deux la vie qu'ils espèrent, des choses toutes simples, ces petits bonheurs qui rendront leur parcours cabossé un peu plus doux : "Pouvoir enfin voyager et se poser quelque part pour regarder la mer…"
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