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[Enquête] Caen. Rap : parole aux femmes

Musique. Dans un milieu historiquement masculin, la scène rap se féminise à Caen. Découvrez comment les rappeuses caennaises tentent de se faire un nom.

[Enquête] Caen. Rap : parole aux femmes
Yelsha a été la première à être repérée en tant que rappeuse à Caen. Elle est accompagnée par le Cargö. - YIArts

Il y a Diam's, l'icône du rap français, puis les Keny Arkana, Casey, Chilla, la Havraise Sofia Bortoluzzi, puis Yelsha et Judith$. Les deux dernières citées sont les premiers visages du rap féminin à Caen. Yelsha, Ashley Caïtano de son vrai nom, a commencé le rap à l'âge de onze ans. "J'ai grandi avec plein de garçons. J'écrivais juste pour moi et mes potes, rembobine l'artiste de 24 ans. J'ai compris que le rap était vital cinq ans plus tard." Celle qui puise son inspiration avec Kery James et Youssoupha a très vite compris qu'elle voulait faire du rap son métier. Salomé Gallet, alias Judith$, âgée de 21 ans, a commencé à composer ses chansons plus tard, en 2018. Comme sa consœur, devenir professionnelle fait partie de ses plans. "Avant de chanter, je faisais uniquement de l'instrumental. J'ai fait ma première scène au Big Band Café, avec le collectif trap/rap caennais Soul Prolific", raconte-t-elle. Caen a été le point de départ, avant de prendre son indépendance deux ans plus tard.

Albums en cours

Leurs points communs ? Elles rappent toutes les deux, bien que Judith$ ait un style plutôt trap hip-hop, et sortent leur premier album d'ici la fin de l'année. Yelsha a sorti son premier titre Cheffe en 2020. Elle a ensuite réalisé des featurings avec des rappeurs caennais tels que Barlem B ou encore HVJ, du collectif Coeff. Mais pour en arriver là, il fallait se débrouiller. "Tout ce que je produisais jusque-là était autofinancé. Je travaillais pour mettre de l'argent de côté, explique la jeune rappeuse béninoise. Rien que pour enregistrer dans un studio, ça me coûtait 50 € les deux heures." Artiste engagée, Yelsha a ensuite tapé dans l'œil du collectif Safé Safé, et plus récemment du Cargö. "Je peux aller enregistrer mes maquettes quand je veux gratuitement. Au studio, j'ai un ingénieur son qui me donne plein de conseils." Un accompagnement qui tombe à pic. Lauréate du dispositif normand Start&Go, elle bénéficie d'une subvention de 5 000 € pour son projet, en plus d'avoir décroché un premier contrat de licence sur une compilation 100 % féminine "Rap2Filles Souterraine". "L'album va être distribué chez Sony music !", dit-elle fièrement. De son côté, Judith$ est étudiante aux beaux-arts de Paris. Elle enregistre sa musique avec une petite maison de disques parisienne, inconnue du grand public. Elle n'en oublie pas ses racines. "L'accompagnement du Cargö m'a permis de comprendre où je voulais aller. J'ai eu accès aux studios de répétitions, je suis toujours en lien avec des ingénieurs du son, se réjouit celle qui a déjà fait les scènes des Rendez-vous soniques et de Chauffer dans la noirceur dans la Manche. Ils me font des retours réguliers sur mon travail." Outre les cachets de concert, elle ne vit pas de sa musique. L'artiste caennaise espère que son premier album composé d'une douzaine de titres, prévu "très prochainement", lui fasse passer un cap. Quant à Yelsha, elle espère séduire les grandes maisons de disques pour atteindre un premier rêve : faire un concert au Zénith de Caen avant de, peut-être un jour, monter sur scène au Parc des Princes.

"Le rap n'est que le miroir de la société"

Caen. "Le rap n'est que le miroir de la société"
Judith$ fait partie des deux Caennaises accompagnées par le Cargö dans son projet d'album qui sortira avant la fin de l'année 2022. - Emma Lemière

S'imposer en tant que femme dans le rap est un parcours du combattant. Pour les professionnels du milieu, il faut encore déconstruire certains clichés et modèles sociétaux.

Le week-end dernier, lors des journées du Matrimoine, le Cargö et le collectif Safé Safé organisaient une journée spéciale dédié au rap des femmes. "On a voulu créer un événement pour mettre les femmes à l'honneur, explique Stéphane Bruscolini, responsable de l'accompagnement et du développement des pratiques au Cargö. C'est quelque chose qui nous tient à cœur." Ateliers d'écriture, visite des lieux et une soirée jeu-concerts avec la participation de plusieurs rappeuses caennaises et de toute la France étaient au programme. Les organisateurs sont partis d'un constat : le rap féminin reste marginal à Caen, à l'image d'une tendance au niveau national. "Il faut sortir des clichés qu'une femme ne sait pas rapper. Ce sexisme de la société se retrouve au niveau des labels", évoquait Madame Rap (un média dédié aux femmes dans le rap) lors d'une table ronde en début de soirée. Le système sociétal questionne. "Le rap n'est que le miroir de la société. Les femmes sont moins à l'aise pour prendre la parole dans l'espace public, surtout dans un espace majoritairement composé d'hommes, tente d'analyser Sylvain Fadel, du collectif Safé Safé. Les femmes que l'on croise dans le rap, elles veulent une carrière professionnelle. Il y a très peu de places à la pratique amateur." L'histoire du rap à connotation masculine a aussi sa part de responsabilité. "On ne leur a pas laissé assez la place", ajoute Barlem B, un rappeur caennais. Aussi, le manque de modèles sur la scène rap au niveau français n'aide pas les jeunes femmes à se lancer. Là encore, une autre limite se pose. "Dans le rap, c'est 99 % d'hommes. Pour prendre sa place, une femme va devoir prouver deux fois plus, regrette Sylvain Fadel. C'est plus dur pour une femme de faire son trou." Yelsha et Judith$ ne le vivent pas de cette façon, ayant grandi dans des milieux masculins. Si elles sont les seules répertoriées en tant que rappeuses à Caen, d'autres gravitent autour du système. La DJ Set Cosmic Suzie en fait partie, tout comme Annabella Hawk et ses touches hip-hop.

Une Orelsan au féminin ?

D'autres jeunes artistes commencent à mettre la main à la pâte. Maem_music et ses 1 800 followers ainsi que Nasty et ses 5 000 abonnés sur Instagram sont bien loin des 10 000 abonnés de Yelsha par exemple. "En général, quand on organise des open mic (autrement dit un micro ouvert à tous, ndlr), on a une ou deux filles sur les vingt rappeurs qui montent sur scène", constate Stéphane Bruscolini. Le rap féminin avance à tâtons. Mais les mentalités changent. Barlem B, par exemple, fait preuve d'optimisme. "Ça évolue dans le bon sens. On en voit un peu plus aujourd'hui qu'il y a dix ans", avant que son confrère HJV du collectif Coeff ne le rejoigne. "Il y a une génération de filles qui se met au rap qui n'existait pas il y a six ans, dit-il après 27 ans de carrière dans le rap. Il y a aussi une sorte de démocratisation du rap en France qui peut permettre aux femmes de s'exprimer plus facilement." De là à trouver une Orelsan au féminin ? "Tout est possible ! Yelsha a les capacités de sortir au niveau national et de faire parler d'elle", assure Stéphane Bruscolini qui l'accompagne avec le Cargö en tant que scène de musiques actuelles (Smac).

"Je ne fais pas de distinction de sexe, il faut juste leur donner envie"

Caen. "Je ne fais pas de distinction de sexe, il faut juste leur donner envie"
Sylvain Fadel, à la tête du collectif caennais Safé Safé.

Le collectif Safé Safé, créé en 2018, valorise des artistes musicaux locaux. Depuis 2020, la question de la place des femmes dans le rap est prise très au sérieux. Interview avec Sylvain Fadel, à la tête du collectif.

Réalisateur, organisateur d'événements et lui-même rappeur, Sylvain Fadel a lancé le collectif Safé Safé en 2018. Au départ, il diffusait une fois par semaine le freestyle d'un artiste différent de la région, avant de se déployer en France.

Quelles actions mène le collectif Safé Safé
pour promouvoir le rap au féminin ?

Avant le confinement, on a créé l'événement "Caen rap jeu". Le principe ? Des équipes se rencontrent pour répondre à des questions sur la culture rap. On a décidé de faire une édition 100 % féminine en mars 2020. Grâce au collectif Coeff, on met aussi en place des ateliers d'écriture mixtes au collège-lycée expérimental (CLE) à Hérouville et au Big Band Café. Je ne fais pas de distinction de sexe, il faut juste leur donner envie.

Combien y a-t-il de femmes
aux ateliers d'écriture ?

Le but est de transmettre notre culture hip-hop. Rapper est accessible. On veut aider les jeunes à mettre le pied à l'étrier. Cette année, ils sont 17 au CLE, deux femmes et quinze hommes. L'an dernier, pour le même nombre de participants, il y avait huit femmes.

Pourquoi très peu de jeunes filles
poursuivent-elles dans cette voie ?

Les femmes peuvent aimer écrire et rapper, mais en général, elles se projettent moins. J'ai remarqué qu'un homme ne va pas avoir de complexe à se lancer seul. Les femmes étaient plutôt en petit groupe. Il y a une peur du regard des autres et du jugement. Ce n'est pas encore commun d'être une femme et de faire du rap.

Les rappeuses caennaises vues par la gente masculine

Caen. Les rappeuses caennaises vues par la gente masculine
"Il n'y a pas de différence entre un homme et une femme, tant que c'est un artiste", relate HJV, rappeur du collectif caennais Coeff. - Mathieu Desjardin

Pour la plupart des rappeurs caennais, voir des femmes au micro ne peut faire que progresser le rap. Ils leur donnent même des conseils pour le projet de carrière.

"Je ne fais pas de différence entre un homme et une femme, je suis pour le rap de manière générale." Avec ces mots, HJV, du collectif Coeff, pose les bases. Pour lui, comme pour Barlem B, il faut sortir des clichés. Les rappeuses caennaises ont tout autant leur place que les hommes. "Je n'ai jamais tenu le discours sur le fait que le rap soit réservé aux hommes. Il n'y a pas de différences entre les deux, même si musicalement et esthétiquement, c'est intéressant de travailler avec des femmes", admet le second.

Attention à l'effet de mode

Sauf qu'historiquement, miser sur une rappeuse ne fonctionne pas dans l'industrie du rap. Ce n'est pas assez vendeur d'un point de vue marketing. Les mœurs sont en train d'évoluer. Si bien que Barlem B met en garde sur l'effet pervers de cette industrie très gourmande. "Certains ne s'intéressent pas à ce qu'elles font ni qui elles sont, mais profitent du fait qu'elles soient des femmes qui font de la musique urbaine." Il accompagne Yelsha dans son projet de carrière. "Je lui donne quelques conseils sur comment son image va être utilisée. La musique doit être plus importante que l'image." Conseil de grand frère, dit-il. "Il y a un effet de mode et un certain engouement quand c'est une femme car on n'a pas l'habitude", reconnaît HVJ. Un constat est sans appel : "Il faut de nouvelles têtes d'affiche qui sortent de Caen." Orelsan a encore un peu d'avance…

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