C'est l'histoire d'une vie qui bascule. Elle a treize ans, rentre de l'école, et son père la jette sur son lit dans sa chambre de jeune fille.
Patricia a mis les mots qu'il faut pour dire l'innommable, la douleur infinie, l'éternel chagrin, cet inceste familial dont elle peine, cinquante plus tard, à revivre le souvenir. C'est plus fort qu'elle, les larmes lui montent, en dépit des sourires. Le mal est fait, la cicatrice jamais vraiment refermée. C'est une amie caennaise, Maryline Mosquera, spécialiste en thérapies brèves, qui l'a aidée à se dévoiler pour en faire un livre paru la semaine dernière. Son titre Papa fais pas ça est comme la rengaine d'une chanson, mais celle-là elle n'est pas douce, c'est même tout le contraire.
"Dur dur d'être bébé"
et des dettes à la SACEM
Chez elle, dans le petit village de Tessel, tout près de Villers-Bocage, ses voisins ne savent rien de son parcours de jeune fille, victime de l'inceste, ni même de sa vie de maman du célèbre Jordy qui fut, à 4 ans, le fameux " bébé chanteur".
Ancienne animatrice de radio, ancienne chanteuse dans les bals populaires, Patricia qui portait alors le nom de son père, Clerget, qu'elle refuse aujourd'hui d'accoler au sien, a écrit la chanson pour son fils Dur dur d'être bébé. C'était en 1992, et ce fut un énorme succès, plusieurs millions de disques vendus et des tournées à travers le monde…
Elle a vécu ce tourbillon aux côtés de Jordy et de son mari d'alors, producteur. On lui a reproché de s'être fait beaucoup d'argent sur le dos de son fils. La vérité, dit-elle, n'est pas celle-là. "À l'époque, je ne m'occupais pas du tout de cela, j'ai découvert plus tard que mon ex-mari et père de Jordy avait tout dépensé. J'en suis encore aujourd'hui à régler ses dettes à la Sacem [Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ndlr], pour les avances qu'il avait perçues !"
Jordy, qui fut aussi le gagnant de la Ferme célébrités, l'émission de téléréalité, s'est rangé du showbiz, ne veut plus en entendre parler. Il vit en région parisienne, travaille dans l'immobilier, est le papa de deux jeunes enfants adorables, les deux petits-enfants de Patricia qui, pour les besoins de son livre, porte désormais le nom de sa mère d'origine sicilienne, Di Pietro.
"J'ai continué à aimer mon père…"
Ses deux parents sont décédés, son père qui lui a fait tant de mal est parti en février dernier, elle n'a pas voulu assister à son enterrement. Lui a-t-elle pardonné ? "Ma colère est derrière moi. Le pardon fait partie du chemin de la guérison." Derrière elle, comme elle dit, installée dans son canapé chez elle aux côtés de son mari Thierry, c'est l'histoire d'une enfance brisée par l'inceste commis sous la menace d'un couteau, le déni de sa mère, aussi. "Elle prétendait que mon père avait fait mon apprentissage sexuel ! En niant ma souffrance, on m'a nié le droit d'être." Elle écrit pourtant : "J'ai continué d'aimer mon père, comme une victime manipulée aime son bourreau pervers." Les mots qu'elle a couchés sur le papier lui font du bien, même s'il est douloureux de remonter cinquante ans en arrière. Elle a vécu, avec son frère Georges et sa petite sœur Betty, des périodes atroces, avec ce père autoritaire et traumatisé aussi par une guerre d'Algérie dont il ne s'était jamais vraiment remis. Un jour, en colère, il prit son fils par les pieds en le suspendant dans le vide, le menaçant de le lâcher du cinquième étage. "Pendant ces moments passés à écrire tout cela, je restais souvent prostrée dans mon canapé." Son récit comme une thérapie, elle le veut aussi porteur d'espoir. "J'aurais eu envie, à mon époque, de pouvoir lire pareil témoignage. Cela m'aurait sûrement aidée à trouver les clefs pour me reconstruire."
Aujourd'hui, Patricia n'est plus la même. "Par ce qu'il m'a fait subir, mon père a fait de moi une femme différente." Elle esquisse un sourire : "Forte de ce que j'ai vécu, je poursuis mon chemin."
Il est encore empli de chagrin.
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