![[Enquête] Seine-Maritime. Partir en vacances : un droit face à un quotidien précaire](https://medias.tendanceouest.com/photos/1200/399847/)
"Les gens ont envie de souffler, de vivre tout simplement", raconte Stéphanie Treffel, coordinatrice du Secours Populaire Français en Seine-Maritime. Entre le pouvoir d'achat, l'inflation, les revenus des familles n'ont pas augmenté, ni les allocations. "Quand elles ont déjà du mal à remplir leur panier de course pour se nourrir, partir en vacances, ce n'est pas la priorité." Et pourtant, le désir de s'évader est là. Avec tous les dispositifs proposés par l'association, près d'un millier de Seinomarins partent en vacances.
"Plus on sera sensibilisés
à ce fléau, plus on arrivera
à œuvrer ensemble"
Selon le Secours Populaire Français, un enfant sur trois ne part pas en vacances cet été. L'association, qui a lancé sa campagne nationale de dons à la mi-juin pour contrecarrer ce chiffre, a déjà récolté plus de 150 000 euros. "C'est important que les enfants puissent raconter leurs vacances à la rentrée des classes, de ne pas se sentir exclus de ne pas être partis." Cette prise de conscience doit être collective. "Plus on sera sensibilisés à ce fléau, plus on arrivera à œuvrer ensemble."
Au niveau local, plus de trois cents habitants du département partiront en famille avec une aide de l'association à hauteur de 80 % pour payer le transport et le logement. D'autres rejoindront des "familles de vacances" rencontrées via l'association. "Nous, on met une petite graine, et parfois, la relation créée va au-delà de notre action", se félicite la coordinatrice.
Offrir un sourire le temps d'une journée
Le 20 août, une petite centaine de personnes vont prendre le départ, depuis Rouen, Saint-Étienne-du-Rouvray et Amfreville-la-Mi-Voie, en direction de la ville de Dieppe et sa plage. "Beaucoup de petits et des adultes n'ont jamais vu la mer", explique Clémentine Le Duey, coordinatrice des journées à la mer organisées par les jeunes communistes à Rouen (MJCF).
Pour une famille avec trois enfants, cette journée coûte 10 euros. "C'est symbolique et ça permet aux familles de se dire qu'elles peuvent quand même offrir un petit bout de vacances à leurs enfants, leur offrir un sourire, et pour garder ce lien que donne malheureusement l'argent à la dignité." Garder cette dignité sans toutefois pouvoir exclure toute honte. Celle d'une mère de famille qui ne souhaite pas témoigner à visage découvert mais accepte de décrire sa situation : elle travaille, gagne 1 300 euros par mois et élève ses quatre enfants. Cette habitante de Bihorel fait appel à plusieurs associations pour proposer des loisirs à ses petits. Avant la crise sanitaire, elle allait en vacances. Partir quelques jours est désormais un luxe que les foyers précaires ne se permettent plus. Le taux de pauvreté des familles monoparentales frôle les 35 % en Seine-Maritime indique l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), un chiffre qui dépasse les moyennes régionale et nationale. Cet été, les habitants qui ne partent pas pourront profiter d'activités gratuites et ludiques organisées dans l'agglomération de Rouen (lire par ailleurs).
Le Secours populaire français de Seine-Maritime cherche des familles de vacances?
Le Secours populaire de Seine-Maritime cherche des familles pour accueillir des enfants pendant les vacances scolaires. Cet été, une dizaine de familles en Seine-Maritime vont accueillir 15 enfants.
Une deuxième famille
Les familles sont bénévoles et les enfants, âgés de 6 ans ou plus, sont accompagnés par l'association. Les conditions d'accueil sont vérifiées pour assurer la sécurité des enfants et des rencontres entre les familles sont organisées avant tout départ.
Certains petits devenus jeunes adultes vont dans la même famille à chaque période estivale et "des liens très forts se créent, c'est une deuxième famille", explique Stéphanie Treffel, coordinatrice de du Secours Populaire Français en Seine-Maritime (lire par ailleurs).
L'idée est de "permettre à l'enfant de s'évader avec des activités en plein air, du sport, des jeux de société. Beaucoup de familles vivent en milieu rural et font des activités autour de la nature ou avec des animaux", précise la coordinatrice.
Pendant les vacances scolaires
"L'enfant accueilli ne doit pas être tout seul à domicile. Il partage ce moment avec les enfants des familles de vacances, les petits-enfants ou l'association fait partir des enfants de la même fratrie", ajoute Stéphanie Treffel. Les personnes intéressées peuvent contacter l'association toute l'année.
Des enfants peuvent ainsi partir pendant les autres vacances scolaires. Aucune durée d'accueil n'est imposée, c'est aux familles de vacances et aux enfants accueillis de choisir.
Manon Beuzelin part en vacances depuis six ans avec l'association Les Petits Frères des Pauvres. Cette retraitée longtemps isolée a désormais trouvé une nouvelle famille.
"J'ai l'impression de revivre", confie Manon Beuzelin. Cette retraitée part en vacances depuis six ans grâce à l'association des Petits Frères des Pauvres à Rouen. Impossible d'y aller autrement. "Je n'ai pas assez d'argent. La retraite est maigre, mais plus que l'argent qui me fait défaut, c'est la solitude qui me fait pèse", avoue la retraitée. À 79 ans, Manon Beuzelin vit modestement avec 900 euros par mois dans un HLM, près de la faculté de médecine. Elle ne s'en plaint pas, "c'est une habitude de vie, on va chercher ailleurs ce qu'on ne trouve pas dans l'argent". Pas de cinéma, pas de restaurant, "ce n'est pas [son] truc". Depuis quelque temps, elle recommence à peindre avec bonheur. Elle montre une de ses toiles accrochée dans son salon avec fierté. Et sur son réfrigérateur, la septuagénaire décroche une photo. Un souvenir précieux de ses vacances passées au Château de Montguichet, à côté de Paris, avec d'autres aînés accompagnés par Les petits Frères des Pauvres. "Quand on revient des vacances, on est toute gaie, c'est une façon d'exister aussi." Elle raconte avec émotion ce séjour pendant lequel elle prépare des gâteaux avec des enfants d'une école. "J'étais ravie de me retrouver en présence d'enfants. J'aurais voulu que ça ne se termine pas", rit-elle.
[photo2]
"Quand on vieillit, on n'a pas beaucoup de reconnaissance"
Elle a travaillé aux côtés des petits toute sa vie en tant qu'éducatrice et puis, la retraite est arrivée. La dépression aussi. Les liens rompus avec sa famille, elle est "restée longtemps isolée. Quand on vieillit, on n'a pas beaucoup de reconnaissance, on n'intéresse personne en fait". La retraitée se décide à contacter les Petits Frères des Pauvres. "La seule chose que j'ai pu dire au téléphone c'était : je m'ennuie." Des bénévoles sont venus à sa rencontre le lendemain de cet appel et "dix jours après, je partais en vacances. Vous vous rendez compte de la chance que j'ai !". Une cinquantaine des personnes âgées de l'agglomération de Rouen bénéficie d'un accompagnement de l'association. "Chaque année, des groupes partent deux à trois fois dans l'une des seize maisons de vacances des Petits Frères des Pauvres", précise Agnès Gazet, animatrice des séjours au sein de l'association. "Je pensais que j'allais être dans une vieille baraque et qu'on tricoterait dans le jardin", raconte Manon Beuzelin. "Pas du tout ! J'ai passé des vacances de rêve, c'était formidable." Après la vie de château, l'air de la mer pour Manon et ses camarades. Elle était à Cabourg au mois de mai, avec sept autres personnes. Chacun a contribué au voyage en fonction de ses revenus. La retraitée a payé 60 euros pour cinq jours au bord de la plage dans une maison à colombages, "avec tout ce qu'on a, ce n'est pas grand-chose". Elle est ravie de pouvoir participer et aider comme elle peut l'association.
Manon Beuzelin part à la fin du mois dans l'ancien Prieuré Saint-Pierre de Vertou. "Je n'attends que ça." Des vacances à la découverte de la ville de Nantes et des souvenirs à venir avec les bénévoles des Petits Frères des Pauvres. "Je les aime beaucoup. J'ai une famille maintenant."
Rouen sur Mer revient cet été du 8 juillet au 7 aout 2022 sur les quais rive gauche de la ville.
La Ville de Rouen et la métropole organisent plusieurs activités tout l'été avec, notamment, Rouen sur Mer, qui débute vendredi 8 juillet. La plage vient aux habitants avec cette nouvelle édition qui succède à la fête du fleuve.
Des activités gratuites
Rouen sur Mer s'installe à nouveau sur l'esplanade des Mariniers et transforme les quais de la rive gauche en une plage de sable le long de la Seine. Les équipements et les activités proposés sont gratuits. "Ceux qui ne peuvent pas partir en vacances ont le droit à des loisirs de qualité, des ateliers éducatifs de qualité. On désire rétablir une forme d'égalité", explique Sileymane Sow, adjoint au maire de Rouen en charge des manifestations publiques. Cette année, les habitants pourront notamment profiter d'une plateforme aqualudique de 140 m2. Victime de son succès l'an passé, elle a été agrandie pour qu'un plus grand nombre puisse s'y amuser. La tyrolienne géante de 80 mètres, autre équipement favori des enfants, fait son retour. Des initiations au sport sont proposées en partenariat avec des clubs locaux. Beach-volley, sports adaptés ou encore tchouk ball, plus de 30 sports sont à découvrir sur les quais de Rouen.
L'an passé, près de 50 000 personnes avaient profité des loisirs de Rouen sur Mer malgré le retour du pass sanitaire, selon les chiffres de la Ville de Rouen. En 2019, l'opération avait rassemblé 160 000 personnes.
Rouen sur Mer : Esplanade des Mariniers, entre le pont Guillaume le Conquérant et la passerelle du pont Jeanne d'Arc.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.