![[Enquête] Rouen. Handisport : encore des progrès à faire](https://medias.tendanceouest.com/photos/1200/394757/)
Ils vont encore nous régaler de leurs exploits pendant dix jours. Après les valides, les athlètes paralympiques se préparent à s'affronter sur les épreuves d'hiver de Pékin, du vendredi 4 au dimanche 13 mars. La couverture médiatique est de plus en plus dense : 60 heures de direct sur les chaînes de France télévision et l'intégralité des épreuves en numérique. De quoi contribuer à faire évoluer les mentalités et à changer le regard sur le handicap. François Pierre, paraplégique depuis 30 ans, tient une boutique à Rouen qui fabrique des fauteuils sur mesure, y compris pour les sportifs. Il a pu constater, au fil des années, que le regard a changé. "Avant, on s'arrêtait quand je sortais de ma voiture pour voir comment j'y arrivais", explique-t-il. Mais pour la pratique handisport ou sport adapté (pour les personnes en situation de handicap mental ou psychique), les progrès sont moins évidents. "Pour moi, en 30 ans, c'est pareil, c'est toujours un peu poussif", juge-t-il.
Pourtant, les dispositifs de subvention existent, à tous les niveaux : du Conseil régional, des communes, de la Métropole Rouen Normandie et surtout du Département de Seine-Maritime, qui a en charge ces compétences. "Le Département soutient tous les projets dans les clubs qui sont liés au handicap ou au sport adapté, explique Séverine Gest, vice-présidente en charge de la jeunesse et des sports. C'est un soutien de plus de 400 000 euros [par an NDLR]." Aux clubs ensuite de faire les propositions pour obtenir les subventions, via l'obtention du label Sport et handicap.
Une volonté des clubs
Ce label permet d'identifier les projets, mais aussi l'accessibilité des lieux en fonction des publics visés : handicap moteur, déficience visuelle, auditrice et mentale. À ce jour, 204 clubs et associations sportives sont labellisés en Seine-Maritime, dont 83 dans la Métropole de Rouen. Mais le soutien des pouvoirs publics ne fait pas tout. "Il y a des subventions qui arrivent au club, mais ça ne va pas dans la section concernée", croit savoir François Pierre. Pour lui, cela reste avant tout une affaire de personnes. D'autant qu'il juge "trop facile" l'obtention du label. La commission départementale Sport et handicap 76 entend d'ailleurs très prochainement renforcer ses critères d'obtention (lire par ailleurs).
Avec le Char 76, le club de hockey amateur de Rouen, François Pierre a lancé il y a quelques années la section para-hockey. "On a commencé à trois ou quatre joueurs, et maintenant, on est 16", dit-il. L'entraîneur, David Lemetais, entraîne aussi désormais l'équipe de France de para-hockey, avec de nombreux joueurs rouennais, et porte l'ambition de se qualifier pour les Jeux paralympiques de 2026 à Milan. "On est allés chercher des adhérents en créant des passerelles directement avec les centres de rééducation", assure François Pierre. Un travail d'ampleur, chronophage, bénévole, qui n'est pas réalisé partout. "Il y a des clubs avec du matériel qui reste au placard. Les sports progressent, tant que les gens en font", conclut-il.
Lancées à Ymare puis poursuivies avec les fusions avec les clubs de Boos et de la Neuville-Chant-d'Oisel, les sections paratennis et tennis adaptés de l'Entente tennis plateau est sont devenus des références en la matière.
"Allez roule, roule !" Ce vendredi après-midi, Murat Erdogan s'arrache pour aller chercher les balles. Il est cloué dans un fauteuil roulant depuis un accident de travail dans le secteur du bâtiment en 2012 et s'est déjà essayé à toutes sortes de pratiques handisport, de l'athlétisme au tennis en passant par le squash, toujours en fauteuil. Et s'il habite Val-de-Reuil dans l'Eure, il n'hésite pas à privilégier l'Entente tennis plateau est pour sa pratique, résultat des fusions de trois clubs voisins. "Ici, ils prêtent les fauteuils !", explique le joueur. C'est aussi simple que cela. Des fauteuils adaptés aux roues inclinées qui permettent de pivoter bien plus rapidement que les fauteuils classiques, mais qui, à 2 000 euros pièce, ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Entre le prêt du fauteuil, les bons créneaux proposés pour des personnes en situation de handicap qui travaillent, l'accessibilité des lieux : trouver un club qui joue le jeu relève encore aujourd'hui du casse-tête. "Les subventions, elles existent, ça se trouve", assure Alban Ropert, directeur sportif de l'Entente tennis plateau est. Ce sont les volontés collectives qui ont permis au club de rayonner.
Tout a commencé à Ymare, lorsqu'un médecin s'est rendu compte que ses résidents d'un foyer de vie n'avaient pas suffisamment accès à l'activité sportive. La pratique adaptée a donc commencé avec ces personnes âgées ou en insuffisance respiratoire avant de se développer, pour devenir accessible à tous types de handicap. Mais pour le paratennis (en fauteuil), l'accessibilité pêchait à Ymare, avec une pente en pelouse pour accéder au terrain… La fusion s'est donc faite naturellement avec la ville de Boos. "Nos locaux sportifs sont récents, donc sont automatiquement équipés pour les handicapés", indique le maire, Bruno Grisel. Le club compte désormais une centaine d'adhérents concernés par un handicap physique, mental ou psychique ou par le tennis santé, soit un tiers de ses adhérents. Trois salariés à plein temps, spécifiquement formés, assurent les entraînements, dont Alban Ropert.
Le premier club normand de paratennis
Avec dix joueurs pour le paratennis, c'est-à-dire en fauteuil, l'Entente tennis plateau est est le premier club normand sur la pratique, champion de Normandie par équipe et troisième des derniers championnats de France par équipe à Saint-Malo. Des résultats qui participent au rayonnement du sport et à la communication du club, essentielle pour trouver des adhérents. "Il y a le forum des associations, un travail auprès des médias, un travail de formation aussi", explique Philippe Leroux, le président du club. Mais aussi une visibilité sur de grands événements sportifs, comme l'Open de tennis de Rouen au Kindarena, qui accueille, en même temps que la compétition valide, l'Open de tennis fauteuil, organisé par le club.
Petit à petit, les progrès sont réels. "Sur 40 clubs dans la Métropole de Rouen, 15 font du tennis adapté. Il y a dix ans, il n'y en avait qu'un", assure Alban Ropert. L'entente tennis plateau est devrait aller encore plus loin, en annonçant bientôt, avec un CFA, un programme de formation pour que des sportifs handicapés puissent devenir entraîneurs.
Géraldine Leprévost est chargée de mission pour le Comité départemental olympique et sportif de Seine-Maritime.
Géraldine Leprévost, chargée de mission pour le Comité départemental olympique et sportif (CDOS 76), coordonne la commission Sport et handicap.
Où en est la pratique du handisport
sur l'agglomération rouennaise ?
Depuis dix ans, une dynamique s'est installée sur l'ensemble de la Seine-Maritime. 83 associations sont labellisées sur l'ensemble de la métropole de Rouen et 25 à Rouen. Les clubs s'ouvrent de plus en plus, toutes disciplines confondues et pour tous types de handicap.
Que veut dire ce label Sport et handicap ?
Il inclut une démarche de la part du club de s'ouvrir. Cela lui permet d'être identifié auprès des familles pour accueillir le plus de personnes possible en situation de handicap. Au préalable, une visite est diligentée par la commission. On se rend dans le club sur un créneau d'accueil de personnes en situation de handicap. Un compte rendu est présenté en plénière aux élus de Seine-Maritime et cela conditionne les demandes de subvention.
Les critères d'obtention du label
vont-ils évoluer ?
Depuis dix ans, on a du recul et nos attentes ont changé. On souhaite mettre en place des prérequis sur le nombre de créneaux proposés au sein du club, mais aussi sur l'accessibilité. Des clubs ne peuvent pas accueillir tous types de handicap, surtout ceux qui sont en fauteuil. On souhaite mettre l'accent sur ce problème pour montrer aux municipalités [souvent propriétaires des structures, NDLR] qu'il reste des efforts à faire.
L'équipe rouennaise représente à elle seule toute la première ligne de l'équipe de France de para hockey qui a pour objectif ultime la qualification pour les jeux paralympiques de 2026 à Milan.
On connaît déjà la redoutable équipe des valides à Rouen. La section para hockey du Char 76, le club amateur, monte aussi en flèche. Elle est désormais en pointe au niveau français et se mesure à des adversaires de taille au niveau international. Les 12 et 13 mars, elle participera à Anvers à la NEPIHL, comprenez la Northwest Europe Para Ice Hockey League, avec l'occasion de se frotter à deux équipes hollandaises, une équipe anglaise et une équipe belge. Un championnat de France devrait aussi se jouer entre avril et juin. "On espère entre six et huit équipes", explique François Pierre, l'un des joueurs. C'est aussi de Rouen que part la dynamique de la toute récente équipe de France de para hockey, qui compte en son sein cinq joueurs de Rouen, et le même entraîneur, David Lemetais.
Objectif paralympiques 2026
Pour ses premières rencontres à l'international, l'équipe de France a eu l'occasion de voir le travail qui l'attendait avec des écarts encore conséquents par rapport aux sélections polonaises ou tchèques. Un stage de préparation les 4, 5 et 6 mars doit permettre de se perfectionner. L'objectif, ce sont les championnats du monde, Poule C en Pologne au mois de novembre. Il faudra compter parmi les meilleurs pour rejoindre la Poule B, puis la poule A. Le graal serait de décrocher, pour la première fois, une qualification d'une équipe de para hockey pour les Jeux paralympiques de Milan en 2026. Rendez-vous est pris !
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