La chaîne d'info tourne en boucle sur l'écran de télé. Il trône dans la cuisine, près de l'évier. Odile Courtalon s'apprête à vivre un moment particulièrement douloureux et difficile : elle doit se rendre à la chambre funéraire de Domfront, où repose sa fille. "J'appréhende. Heureusement que son visage est resté le même. Il n'a pas été abîmé. Les gendarmes m'ont dit qu'il n'avait pas été touché par le tir. C'est au niveau du bas-ventre qu'elle a été atteinte."
"Ma fille a voulu fuir en
se réfugiant dans la salle de bains !"
Ce dont parle Odile, 75 ans, ancienne cuisinière au centre pour handicapés de La Ferrière-aux-Etangs, petit village de l'Orne au sud de Flers, est survenu dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 décembre, une enquête est en cours, les circonstances semblent établies : sa fille, Laurence Courtalon, 53 ans, maman d'Anaïs, infirmière à domicile, et grand-mère d'un petit Théo, dix mois, est tombée sous le coup de fusil de son compagnon, avec qui elle vivait depuis vingt ans. C'est la piste retenue en l'état. Le couple était en instance de séparation. Jean-Luc Brillard n'aurait pas supporté l'idée de ne plus vivre avec Laurence. "Il a pété les plombs", dit Odile.
Après avoir tué sa compagne, il a mis fin à ses jours avec la même carabine, dont il avait hérité de son ex-beau-père. "Ça lui servait à tirer les ragondins autour de la mare, près de leur maison." La bâtisse sur le bord de la route, à la sortie du bourg, est aujourd'hui barrée par le gros portail automatique en fer forgé, fermé à double tour parun cadenas.
C'est à l'intérieur que s'est noué le drame. Laurence était seule dans la grande maison de pierres noires, son compagnon est venu en pleine nuit la réveiller et la menacer. "J'imagine qu'elle a tout de suite compris ce qui se passait. Elle s'est réfugiée dans la salle de bains, mais il a forcé la porte. Ma fille s'est fait piéger, elle n'avait nulle part où aller. Le portail de la maison était fermé." La jeune femme a été tuée de plusieurs coups de feu selon les éléments dont nous avons eu connaissance.
Odile Courtalon vit tout à côté, chez son compagnon. il y a à peine deux cents mètres entre les deux propriétés. Et entre les deux, un calvaire. Veuve depuis dix-sept ans, la mère de Laurence a refait sa vie avec son voisin d'en face, marchand de meubles, veuf lui aussi.
"Tellement belle, Laurence était si belle"
Odile ne réalise pas encore qu'elle ne reverra plus jamais sa fille Laurence : "Elle était la joie de vivre, toujours aimable, toujours gentille avec les autres, sans jamais se prendre la tête. Tout le monde l'aimait bien. Elle me faisait toujours plein de cadeaux, j'étais tout le temps gâtée."
Ce samedi, lors de ses obsèques, ses collègues de la chocolaterie de Tinchebray, où elle travaillait comme responsable depuis vingt ans, viendront tous lui rendre un dernier hommage.
La chocolaterie fermera ses portes le temps des obsèques. Une cellule psychologique avait été mise en place dans l'entreprise, au lendemain de la mort de la mère de famille. "C'est ma petite-fille qui m'a prévenue, dit Odile. J'ai compris en la voyant qu'il s'était passé quelque chose. Ma fille n'était pas sereine, elle avait un sommeil agité parce qu'elle craignait que son compagnon, dont elle s'était séparée, vienne lui faire du mal. Nous lui avions proposé de venir dormir à la maison. Ce jour-là, avant sa mort, le vendredi, elle avait pris une journée de repos."
Dans le village, c'est la consternation, la commune est encore sous le choc une semaine après. Le maire, Vincent Beaumont, ne souhaite pas trop en parler, si ce n'est pour dire que "deux familles entières du village sont aujourd'hui dans la peine et la douleur".
Laurence avait les cheveux courts, avec de jolies mèches, de beaux yeux verts. Elle ne verra pas grandir son petit-fils Théo. Il aura un an en février prochain. "Elle était tellement belle, c'est toujours ce qu'on me disait lorsque les gens me parlaient d'elle : 'Elle est belle votre fille, qu'est-ce qu'elle est belle'."
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